Troisième partie de notre trilogie : Saint Jean-Paul II, le pape de l’Apocalypse
Par Antoine Bordier
Dans la première partie de notre trilogie, nous avons remonté rapidement le fil de sa vie, et, nous nous sommes arrêtés en 1968, l’année de tous les dangers en Pologne. Puis, dans la seconde partie, nous avons évoqué le pape libérateur du communisme, le pape de Fatima. Dans cette dernière partie, nous allons à la rencontre du pape évangélisateur, qui aime le couple, la famille, la jeunesse, et, le sacrement de mariage. Il est un des rares papes à les avoir autant défendus, face à l’avortement, aux divorces, et, à l’euthanasie. Que dirait-il aujourd’hui ? A la fin de sa vie, dans la faiblesse de son âge et de sa maladie, il a ouvert les portes de l’Eglise au 3è millénaire.
Il fait froid, ce soir-là. La nuit a commencé à recouvrir la cité sainte du Vatican. Le vent glacial ne décourage pas les milliers de pèlerins encore présents sur la place Saint-Pierre, comme si un évènement important allait subvenir. Cette nuit, c’est celle de Noël, celle du 24 décembre 1999. Le pape Jean-Paul II se tient debout devant la basilique Saint-Pierre. Un peu voûté, revêtu de sa belle chasuble pailletée aux couleurs rouge et or, il ouvre d’un geste lent la Porte sainte. Il va présider la célébration œcuménique qui suivra cet instant plus que solennel. Derrière-lui, c’est toute l’Eglise catholique, le monde entier qui fait son entrée dans le Jubilé de l’an 2000. Cet évènement planétaire se terminera le 6 janvier 2001. Auparavant, le pape a refermé le millénaire précédent en écrivant, travaillant sans cesse pour rendre plus sainte la jeunesse de notre temps. A travers ces centaines de voyages apostoliques, il a visité presque tous les pays de la planète. Cet infatigable apôtre a initié et lancé les Journées Mondiales de la Jeunesse. Il s’est rappelé ses années où il officiait en tant qu’aumônier des étudiants de Cracovie. Il n’a pas oublié, non plus, ses années, où il s’est retrouvé seul, sans famille, à l’âge de 20 ans.
Dans les années 80, à l’occasion de l’Année Sainte proclamée en 1983-1984, le pape lançait le Jubilé international des jeunes, prélude aux futurs JMJ. Puis, le 31 mars 1985, dans sa lettre apostolique à tous les jeunes du monde il leur adressait ses vœux. Extraits :
« ‶ Toujours prêts à justifier l’espérance qui est en vous devant ceux qui vous en demandent raison ″. Tel est le vœu que je vous adresse, à vous les jeunes, depuis le début de cette année…Si l’homme est la route fondamentale et la route quotidienne de l’Eglise, on comprend bien pourquoi l’Eglise accorde une importance particulière à la période de la jeunesse : elle est une étape-clé dans la vie de tout homme. Vous, les jeunes, vous incarnez précisément cette jeunesse : vous êtes la jeunesse des nations et des sociétés, la jeunesse de toute famille et celle de l’humanité entière ; vous êtes aussi la jeunesse de l’Eglise. Tous, nous portons notre regard sur vous, car tous, grâce à vous, nous redevenons sans cesse, pour ainsi dire, jeunes avec vous. C’est pourquoi votre jeunesse n’est pas seulement votre propriété, propriété personnelle ou celle d’une génération : elle fait partie de l’ensemble de cette durée que tout homme parcourt au long de son itinéraire pendant sa vie, et, en même temps, elle est un bien propre à tous. Elle est le bien de l’humanité elle-même. »
Ses 20 JMJ
Autour de lui, dans la curie romaine, il y avait ceux qui y croyaient, et, ceux qui n’y croyaient pas. Ces-derniers étaient les plus nombreux. Au final, les JMJ ont été un temps béni, un temps de grâces pour l’Eglise et le monde entier. En invitant la jeunesse mondiale à se réunir pendant quelques jours, dans l’un des 15 pays qui les ont organisées, le pape Jean-Paul II aura permis d’endiguer la déchristianisation qui était en cours, dans les années 70-80. Et, notamment, la fuite des jeunes qui trouvaient « les messes ringardes ».
Lors des deuxièmes JMJ, la première s’étant tenue en 1984 à Rome, le pape se rend en Argentine, où l’attendent plus d’1 million de jeunes. Nous sommes les 11 et 12 avril 1987. Auparavant, début d’avril, il s’est rendu au Chili, dans le régime dictatorial d’Augusto Pinochet, qu’il a qualifié de « transitoire ». Puis, à Buenos Aires, il a voulu se rendre proche des victimes des pouvoirs successifs, qui de coups d’Etat en coups d’Etat, ont fait de l’Argentine un pays autoritaire où l’Eglise est restée très divisée entre les partisans du pouvoir et ceux proches du peuple. En 1989, il réunit pour la première fois la jeunesse mondiale en Espagne, à Santiago de Compostella, Saint-Jacques de Compostelle. Là, sur le monte del Gozo (le mont de la Joie), il déclare : « Je suis le Chemin, la Vérité, et, la Vie. » La célèbre phrase de l’apôtre saint Jean, qui fera le tour du monde. Comme il l’avait fait en posant les pieds en France, en 1980, il reprend la formule du questionnement pour s’adresser à la jeunesse. Ils sont plus de 500 000 à l’écouter.
Les jeunes ont soif de Dieu
« – As-tu déjà découvert le Christ, qui est la Voie ? Oui, Jésus est pour nous une voie qui mène au Père – la Voie unique. Quiconque veut atteindre le salut, doit s’acheminer par cette voie. Vous, les jeunes, vous vous trouvez très souvent à un carrefour, ne sachant pas quelle route choisir, où aller; il y a tant de fausses routes, tant de propositions faciles, tant d’ambiguïtés. A ces moments n’oubliez pas que le Christ, avec son Evangile, son exemple, ses commandements, est toujours et seulement la voie la plus sûre, la voie qui débouche sur un bonheur entier et durable.
– As-tu déjà découvert le Christ, qui est la Vérité ? La Vérité est l’exigence la plus profonde de l’esprit humain. Les jeunes surtout sont affamés de la Vérité sur Dieu et sur l’homme, sur la vie et le monde. Dans ma première Encyclique Redemptoris hominis j’ai écrit : « L’homme qui veut se comprendre lui-même jusqu’au fond ne doit pas se contenter pour son être propre de critères et de mesures qui seraient immédiats, partiaux, souvent superficiels et même seulement apparents ; mais il doit, avec ses inquiétudes, ses incertitudes et même avec sa faiblesse et son péché, avec sa vie et sa mort, s’approcher du Christ » (n. 10).
– As-tu déjà découvert le Christ, qui est la Vie ? Chacun de vous désire tellement vivre la vie dans sa plénitude. Vous vivez animés de grands espoirs, de tant de beaux projets pour l’avenir. N’oubliez pas cependant que la vraie plénitude de vie ne se trouve que dans le Christ, mort et ressuscité pour nous. Seul le Christ est capable de remplir jusqu’au fond l’espace du cœur humain. Lui seul donne la force et la joie de vivre, et cela malgré toute limite ou tout empêchement extérieur. Oui, découvrir le Christ est la plus belle aventure de votre vie. Mais il ne suffit pas de Le découvrir une seule fois. Chaque découverte que l’on fait de Lui, devient une invitation à Le chercher davantage, à Le connaître mieux encore à travers la prière, la participation aux sacrements, la méditation de sa Parole, la catéchèse, l’écoute des enseignements de l’Eglise… »
Ses coups de cœur pour la France
En 1996, le pape se rend, pour la 6è fois, en France. Le 19 septembre, il atterrit à Tours, puis, direction Saint-Laurent-Sur-Sèvre, en Vendée. Là, il rend hommage à saint Louis-Marie Grignion de Montfort. Il célèbre, également, les martyrs des guerres de Vendée. Le lendemain, à Sainte-Anne-d’Auray, devant plus de 100 000 fidèles, il exhorte les chrétiens à défendre les valeurs de la famille. Le 21, il revient à Tours pour célébrer l’ouverture des festivités du 1600è anniversaire de la mort de saint Martin, l’apôtre des Gaules. Et, le lendemain, sur la base aérienne de Reims, devant plus de 200 000 fidèles, il commémore le baptême de Clovis. Pendant 4 jours, il a célébré la France, son histoire, son évangélisation. Au même moment, les francs-maçons célèbrent la 1ère République, à Valmy, et, 7 000 personnes, à Paris, manifestent contre la commémoration du baptême du Franc.
Un an plus tard, en 1997, à Paris, c’est l’effervescence. La bannière des JMJ qui représente la tour Eiffel servant d’ostensoir eucharistique, comme si les poutrelles métalliques de la célèbre dame de fer s’élançaient vers le Ciel pour accueillir en son sein « Jésus caché », comme aimait à l’appeler la petite voyante de Fatima, Jacinta, flotte un peu partout dans les paroisses parisiennes. Dès les mois de juin et de juillet, le métro et les rues de Paris se parent, aussi, d’affiches aux couleurs et logo des JMJ français. Le cardinal Lustiger, le juif converti qui aurait pu devenir pape, après Jean-Paul II, a soulevé des montagnes de manque de foi et de tiédeur de la part de ses confrères évêques et prêtres qui ne voulaient pas relever le défi d’accueillir la jeunesse. La France, et, son épiscopat seraient-ils devenus méprisants vis-à-vis de l’évêque de Rome et de la jeunesse ? Si l’on peut répondre par la positive, il faut dire que la France a été tancée à plusieurs reprises par les papes. Comme dit l’adage : « Qui aime bien châtie bien. » Le pape Jean-Paul II, lui, a juste voulu réveiller le vieux pays chrétien. Il avait commencé à le faire en embrassant le tarmac de l’aéroport du Bourget en 1980. A l’époque, le président de la république n’était autre que Valéry Giscard d’Estaing, le président de l’avortement et du divorce.
Un appel à la sainteté
Il avait conclu son premier voyage en tant que pape en France, en posant cette question :
« France, Fille aînée de l’Eglise, es-tu fidèle aux promesses de ton baptême ? Permettez-moi de vous demander : France, Fille de l’Eglise et éducatrice des peuples, es-tu fidèle, pour le bien de l’homme, à l’alliance avec la sagesse éternelle ? Pardonnez-moi cette question. Je l’ai posée comme le fait le ministre au moment du baptême. Je l’ai posée par sollicitude pour l’Eglise dont je suis le premier prêtre et le premier serviteur, et par amour pour l’homme dont la grandeur définitive est en Dieu, Père Fils et Saint-Esprit. »
A Paris, en 1997, c’est le président Jacques Chirac qui l’accueille. A 77 ans, le pape a une santé incroyable car son emploi du temps est surchargé. Lors ce 79è voyage, le 21 août, il rencontre Chirac, puis, les jeunes au Champ de Mars. Il passe sa nuit en veillée de prières pour les vocations. Le lendemain, il procède à la béatification de Frédéric Ozanam, à Notre-Dame de Paris. Il se rend, ensuite, dans la cathédrale toute neuve d’Evry. Le 23 août, il célèbre plusieurs offices, dont la Messe à Saint-Etienne du Mont. Puis, dans la nuit, il rejoint les 1,2 millions de jeunes agglutinés sur la pelouse de Longchamp. Le lendemain matin, lors de la Messe de clôture, Marie-Laure, une jeune mariée a fait le déplacement : « Oui, avec mon mari, nous sommes venus de la porte Maillot à vélo. Ce n’est pas très raisonnable, car je suis enceinte. Mais, c’est formidable d’être-là. » Le pape, lui, est venu en papa-mobile blindée. Il a revêtu sa belle chasuble offerte par le couturier français Jean-Jacques de Castelbajac. Il s’adresse aux jeunes :
« Très chers jeunes, soyez saints, car le manque de sainteté est ce qui rend le monde triste ! Les saints auxquels vous vous inspirez continuent d’exercer une fascination extraordinaire, car ils ont consacré sans relâche leur existence au Christ. Et, sans le vouloir, ils ont donné origine à un style évangélique “révolutionnaire” qui continue, aujourd’hui encore, à fasciner tant de jeunes, et pas seulement les jeunes. »
Un écrivain hors-pair qui défend la famille et le mariage
L’évangélisateur-voyageur est, aussi, un amoureux des lettres. De JMJ en JMJ, de voyages en voyages, de discours en discours, l’homme en blanc transforme ses souffrances – celles de 1981 et de 1982, où à Fatima, lors d’une deuxième tentative d’assassinat, qui échoue de peu, le colosse de la liberté ressort blessé. Son sang versé se mêle à l’encre d’écriture. Il écrira 14 encycliques, dont les plus célèbres restent Redemptoris Hominis, au début de son pontificat, Redemptoris Mater, en 1987, Redemptoris Missio, en 1990, Centesimus Annus, en 1991, Veritatis Splendor, en 1993, Evangelium Vitae, en 1995, et, Ecclesia de Eucharistia, en 2003. A travers ses écrits, ses 23 livres, ses 15 exhortations apostoliques, ses 12 constitutions, ses 28 motu proprio, ses 42 lettres apostoliques et ses 26 lettres aux prêtres pour le Jeudi Saint, il traite principalement des sujets de la doctrine familiale, de la doctrine sociale, des sacrements, et, de la vocation. Il est infatigable pour défendre la famille et le sacrement de mariage. Il parle, aussi, de la sexualité, du corps, de la contraception. Au sujet du mariage, il invite le futur couple, l’homme et la femme « à apprendre à être ensemble avant de s’engager dans une relation plus intime. Ils devraient apprendre à se comporter l’un vis-à-vis de l’autre, à être patients, à s’entendre, à se comprendre mutuellement». En 1962, il publie, alors qu’il n’est pas encore pape, « Amour et responsabilité ».
Au sujet du mariage et du divorce, il écrit dans sa lettre Mulieris Dignitatem, à l’occasion de l’Année mariale de 1988 : « Jésus fait référence au « commencement » devant ses interlocuteurs qui connaissaient la Loi en professionnels : les scribes ! La question posée est celle du droit de l’homme de ‶répudier sa femme pour n’importe quel motif″ (Mt 19, 3); et donc aussi du droit de la femme, de sa juste place dans le mariage, de sa dignité. Les interlocuteurs pensent avoir pour eux la législation de Moïse en vigueur en Israël: ‶ Moïse a prescrit de donner un acte de divorce quand on répudie″ (cf. Mt 19, 7). Jésus répond: ‶C’est en raison de votre dureté de coeur que Moïse vous a permis de répudier vos femmes; mais dès l’origine il n’en fut pas ainsi″ (Mt 19, 8). Jésus se réfère au « commencement », à la création de l’être humain comme homme et comme femme, et à la disposition de Dieu qui a pour fondement le fait que tous les deux ont été créés ‶à son image et à sa ressemblance″. C’est pourquoi, lorsque l’homme « quitte son père et sa mère » pour s’attacher à sa femme, au point que les deux deviennent « une seule chair », la loi qui vient de Dieu lui-même demeure en vigueur : « Ce que Dieu a uni, l’homme ne doit point le séparer » (Mt 19, 6) »
Le lutteur de Dieu termine sa course
Après avoir autant alerté, autant écrit, autant exhorté, autant prié, autant voyagé, le vieil homme en blanc aurait le droit de se reposer. Certains de ses proches lui ont soufflé à l’oreille : « Pourquoi ne démissionneriez-vous pas ? » Il répondait : « Jusqu’à la fin ». Il est vrai que la fin de sa vie a été un chemin de croix, parsemé de chutes, de douleurs et de maladies. La première des chutes est, très certainement, d’ordre eschatologique et géo-politique à la fois. Certes, il ne parlait pas de « 3è guerre mondiale », celui qui a fait entrer l’Eglise dans le 3è millénaire. Mais, il n’a pas pu empêcher que Georges Bush déclare sa guerre à l’Irak. On connaît, malheureusement la suite et les mensonges, qui pourraient faire l’objet d’une condamnation sans précédent d’un tribunal international, sur l’invasion de l’Irak par les Etats-Unis. Il n’avait pas pu empêcher, non plus, la guerre des Balkans. Une autre guerre est à l’œuvre depuis quelques années : celle qu’il mène pour sa propre guérison. Il lutte contre la maladie, depuis son attentat de 1981. Il a été transfusé avec du sang contaminé. Puis, dans les années 90, il lutte contre la maladie de Parkinson. Il a chuté physiquement à plusieurs reprises, et, s’est cassé le col du fémur. Il se déplace désormais comme un lutteur.
L’année 2005 est l’année de son départ vers le Ciel. Le lutteur de Dieu termine sa course planétaire. Il est hospitalisé plusieurs fois, à la suite de crises de spasmes du larynx. Le 2 avril, la sœur polonaise, qui l’accompagne depuis qu’il est pape, lui lit l’Evangile de saint Jean. Il est 21h37, en Italie, quand il meurt à la suite de son coma, dans sa chambre, au Vatican. Il part vers le Ciel, la veille de la fête de la Miséricorde Divine.
Son dernier message
Peu le savent, mais celui qui a eu le 3è plus long règne de la papauté, avait un dernier message pour le monde. Lui, qui avait du mal à parler distinctement, voulait vivre au moins jusqu’au 3 avril 2005. Ce dimanche, vers midi, l’amoureux de la Vierge Marie, le jour de la fête de la Miséricorde Divine, voulait prononcer ces quelques mots :
« Le joyeux alléluia de Pâques résonne encore aujourd’hui. La page de l’Evangile d’aujourd’hui, de saint Jean, souligne que le ressuscité, le soir de ce jour-là, est apparu aux apôtres et ‶leur a montré ses mains et son côté″ (Jn 20,20), c’est-à-dire les signes de sa douloureuse passion, imprimés de façon indélébile dans son corps même après la résurrection. Ses plaies glorieuses, qu’il a fait toucher à Thomas l’incrédule huit jours plus tard, révèlent la miséricorde de Dieu, qui ‘a tant aimé le monde qu’il lui a donné son Fils’ (Jn 3,16). Ce mystère d’amour est au centre de la liturgie d’aujourd’hui, en ce dimanche in Albis, dédié au culte de la miséricorde divine ».
Il ajoute que : « l’humanité qui parfois semble perdue et dominée par le pouvoir du mal, de l’égoïsme et de la peur, le Seigneur ressuscité offre le don de son amour qui pardonne, réconcilie, et rouvre l’âme à l’espérance. C’est un amour qui convertit les cœurs et donne la paix. Combien le monde a besoin de comprendre et d’accueillir la miséricorde divine ! »
Puis, il termine par une prière :
« Seigneur, qui par ta mort et ta résurrection révèle l’amour du Père, nous croyons en toi et avec confiance nous te répétons aujourd’hui : ‶Jésus, j’ai confiance en toi. Aie miséricorde de nous et du monde entier″ ».
Des saints par millier
Il aura tout fait. Il aura soulevé des montagnes, réchauffé la foi qui s’affadissait, fait près de 30 tours du monde, prononcé plus de 20 000 discours, et, écrit près de 100 000 pages, soit 50 bibles. Mais, surtout, ce qu’il a fait en béatifiant près de 1400 personnes, et, en officiant près de 500 canonisations, est inimaginable. Comme si le pape Jean-Paul II avait vu et anticipé le monde déboussolé, sans repère qui allait s’avancer dans la nuit. A titre de comparaison, le pape Paul VI qui a eu un pontificat plus court, mais de 15 ans quand-même, aura béatifié et canonisé, en tout, près de 150 personnes.
Le champion du monde de la sainteté a élevé au plus haut degré de la vie chrétienne ordinaire, des couples, des enfants, des célibataires, des mères, des pères, des prêtres et des religieux, des novices, des convertis. Citons-en quelques-uns. Parmi les bienheureux, il y a, en cette année dédiée à saint Joseph, André Bessette. Ce religieux canadien est devenu saint en 2010. A travers une vie d’épreuves et de souffrances, l’Eglise lui doit la dévotion au père adoptif du Christ. Et, la célèbre basilique du Mont-Royal, au Québec. Il y a, aussi, les 99 martyrs de la ville d’Angers, béatifiés en 1984. Ils furent exécutés entre 1793 et 1794 lors de la folie meurtrière et génocidaire révolutionnaire. En 1990, il béatifie Pier Giorgio Frassati, dont la cause de canonisation est toujours en cours. Lors des JMJ de 1989, en Espagne, il l’avait donné en exemple à la jeunesse du monde entier. Le 13 mai 2000, il béatifie les voyants de Fatima, Jacinta et Francisco Marto (frère et sœur). Le pape François les canonisera en 2017. A plusieurs reprises, il béatifie des martyrs de la guerre d’Espagne, du Mexique. Il béatifie Mère Teresa, devenue sainte en 2016.
Parmi les saints, retenons Maximilien Kolbe, les 103 martyrs de Corée. Claude La Colombière, le confesseur de sainte Marguerite-Marie Alacoque. La très célèbre Faustine Kowalska, l’apôtre de la Miséricorde Divine. Joséphine Bakhita fut enlevée à l’âge de 5 ans, au Soudan. Vendue comme esclave, elle est torturée à plusieurs reprises. Elle devint religieuse, et, pardonna à ses bourreaux. Le 16 juin 2002 était canonisé Padre Pio. Il a porté les stigmates du Christ pendant 50 ans. Le pape Jean-Paul II l’avait rencontré alors qu’il était un jeune prêtre. Le 6 octobre 2002 était canonisé le fondateur de l’Opus Dei, l’abbé Josemaria Escrivá de Balaguer. Pour finir, citons Jeanne Beretta Molla, épouse et mère de famille qui est morte à l’âge de 39 ans d’une tumeur à l’utérus, parce qu’elle avait refusé des soins, qui auraient provoqué la mort de l’enfant qu’elle portait. Jean-Paul II, quant à lui, est béatifié le 1er mai 2011 par le pape Benoît XVI. Le 27 avril 2014, il est canonisé par le pape François.
Des zones d’ombre ?
Terminons cette trilogie par une zone d’ombre : celle de la pédophilie. Si Jean-Paul II n’a pas dénoncé comme il aurait dû faire, les agissements de certains prêtres comme le fondateur des Légionnaires du Christ, l’abbé Marcial Maciel Degollado, il a travaillé sur le sujet. En 2002, il déclarait :
« Il n’y a pas de place dans la prêtrise et dans la vie religieuse pour ceux qui feraient du mal aux jeunes ».
Aujourd’hui, alors que l’Assemblée plénière de la Conférence des Evêques de France vient de terminer ses travaux sur le sujet, le pape, s’il était encore en vie, leur demanderait sans doute « de réduire à l’état laïc tous les prêtres qui ont commis de telles fautes. Et, à faire réparation sans délai. »
Texte réalisé par Antoine Bordier, auteur, consultant et journaliste
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