Dom Pius Parsch, le Guide dans l’année liturgique :
Les matines du Samedi Saint. — C’est la troisième partie de la grande trilogie. Voici quelle est l’action : Le Christ est couché dans son tombeau ; l’Église s’assied près de ce tombeau et fait entendre sa plainte funèbre. Il repose dans la paix après son dur combat ; nous voyons sur son corps les traces de ses grandes souffrances. Alors qu’hier les répons étaient des plaintes sorties de la bouche de Jésus, ce sont d’ordinaire, aujourd’hui, des plaintes de l’Église. Les Lamentations respirent déjà l’espérance ; tout est, aujourd’hui, plus calme, plus clair. Vers la fin, cependant, les matines reviennent à une impression de tristesse profonde.
Cela ne doit pas nous étonner : les matines, en effet, doivent exprimer le deuil de l’Église privée de son Époux. Les blessures mortelles sont encore visibles sur le divin cadavre et crient continuellement vengeance contre Israël infidèle ; les ennemis de Jésus sont encore pleins de rage ; par le mensonge et la calomnie, ils essaient d’effacer jusqu’au souvenir du Seigneur ; Marie et les disciples sont encore plongés dans le deuil, et l’Église doit avouer douloureusement que beaucoup de ses enfants quittent le Golgotha, le cœur froid et sec, pour s’en retourner chez eux. Quand on pense à tout cela, il semble que les blessures du grand Mort recommencent à saigner.
Aux Matines, à la différence des deux jours précédents, on remarque un progrès dans l’action. Ce progrès est marqué, surtout, par les antiennes et les psaumes correspondants. Les répons ne suivent pas l’action. On pourrait peut-être distinguer six actes dans ce drame. Pendant que l’Église est assise près du tombeau, six tableaux passent devant ses yeux :
1er Tableau : Le repos du tombeau (Ier Nocturne) : « Dans la paix je m’endors et me repose ». « Il se reposera sur la montagne sainte ». « Mon corps repose dans l’espérance » (Psaumes).
2e Tableau : L’entrée de l’âme de Jésus dans les Limbes (IIe Nocturne) : « Levez-vous, portes éternelles, que le Roi de gloire fasse son entrée !!) (Ps. 23).
3e Tableau : L’espérance de la Résurrection : « Je crois que je verrai le Seigneur dans la terre des vivants ». « Tu as tiré mon âme des enfers » (Ps. 26, 29).
4e Tableau : Le sceau apposé sur le tombeau : Les leçons du second nocturne.
5e Tableau : Jésus vainqueur de ses ennemis (me Nocturne, Ps. 53, 75).
6e Tableau (retour à l’impression fondamentale) : Tristesse profonde et plainte : « Comme un homme sans secours livré aux morts » (Ps. 87) ; en outre, les répons l, 2, 3,4, 5, 6, 7 ; le dernier répons nous donne l’image finale du Samedi Saint : Jésus au tombeau et les gardes autour de sa tombe.
Remarquons encore que, dans ces matines, les antiennes jouent un grand rôle, et que certains psaumes ont été choisis non pas à cause de leur contenu complet, mais à cause d’un seul verset, comme, par exemple, les psaumes 4, 14, 23. L’action se poursuit sans arrêt jusqu’au seuil de la Résurrection. Et au moment où nous attendrions le joyeux alléluia, elle revient à la plainte funèbre, comme si l’Église voulait nous dire : Arrêtez, revenez en arrière, le Seigneur est encore au tombeau.
Il y a dans ces matines un charme tout particulier que l’on peut éprouver quand on vit vraiment ces matines. Ce charme tient peut-être en partie à ce mélange de tristesse, d’espérance et de joie contenue.