La féministe Anne Soupa a la possibilité médiatique de proposer sa candidature pour remplacer Mgr Barbarin, sans doute pour déconstruire un peu plus l’Église en remettant ainsi en cause la Tradition et l’autorité. Mais elle n’en a pas le droit comme le lui explique avec intelligence Sandra Bureau, docteur en théologie et professeur au séminaire.
La tribune est longue et mérite d’être lue dans son intégralité sur le Figaro :
Comme catholique j’ai d’abord accueilli la publication Twitter de Madame Soupa, en tout contraire à la Tradition de l’Église, comme un de ces pamphlets qui offrent si peu de sérieux qu’à peine lus on les jette à la poubelle. Pourtant, même chiffonnée, écartée de ma vue, cette publication laissait en moi une interrogation profonde: comment une femme, partageant la même foi que moi, se disant, comme moi, théologienne, pouvait-elle dire cela? Comment pouvait-elle prétendre par-là défendre la place des femmes dans l’Église? Mystère. C’est donc en femme, et en théologienne que je voudrais réagir.
En théologienne d’abord. Il faut quand même avouer que l’argumentation de Madame Soupa présente des raccourcis saisissants, tant dans la forme (une ligne dans un tweet) que dans le fond. Et pour s’y laisser prendre il faut avoir plus de goût pour la polémique que pour la vérité, et somme toute peu de culture chrétienne – il est d’ailleurs saisissant que Madame Soupa appelle des non-catholiques, voire des non chrétiens, à la soutenir. Qu’on me permette donc de faire droit à la pensée théologique ici réduite à l’insignifiance et à l’instrumentalisation. Madame Soupa affirme en effet: «Si ma candidature est interdite par le droit canon, c’est tout simplement parce que je suis une femme, que les femmes ne peuvent être prêtre et que seuls les prêtres, en devenant évêques, dirigent l’Église catholique.» C’est avoir une bien médiocre vision du droit canonique que d’affirmer cela. Car le droit de l’Église n’est pas au-dessus de l’Église et moins encore au-dessus de la Révélation, il est au service de l’une et de l’autre. (…) Ni l’Église, ni son droit, ne sont au-dessus de ce que Dieu veut et fait, et ce faisant de ce qu’il nous dit qu’il est et de ce qu’il nous dit que nous sommes (…)
Mais avant d’en venir à l’anthropologie, revenons à la théologie de l’Église. Si seuls les hommes peuvent être prêtres c’est précisément parce que notre religion est une religion de l’Incarnation, c’est parce que nous prenons au sérieux ce qui s’est produit une fois pour toutes en Jésus-Christ (…) Nous savons que le célibat sacerdotal est une grâce faite à l’Église latine, et que l’Église d’Orient admet des prêtres mariés. Mais jamais l’Orient n’a retenu cet argument pour un épiscopat marié, elle n’ordonne à l’épiscopat que des prêtres qui ont fait choix du célibat. Ne faisons pas fi de la Tradition.
Si «les femmes ne peuvent être prêtre» ce n’est pas une déconsidération de la femme, c’est peut-être même sa considération la plus haute, en ne voulant pas faire des femmes ce qu’elles ne sont pas, des hommes (…)
Qu’on nous permette d’en venir à des considérations plus ecclésiales. Madame Soupa souligne avec regrets que «seuls les prêtres, en devenant évêques, dirigent l’Église». Et son regret est d’autant plus grand que cette charge pourrait selon elle parfaitement incomber à un laïc puisque, étymologiquement, «l’évêque est un surveillant, un protecteur qui observe et veille sur la cohésion et la rectitude doctrinale, d’un ensemble de communautés.» (…) Rappelons d’abord que le sacrement de l’ordre présente trois degrés, le diaconat, le presbytérat (ou sacerdoce) et l’épiscopat. L’épiscopat est la plénitude du sacrement de l’ordre. C’est donc en effet à l’évêque que revient de droit de gouverner le peuple de Dieu qui lui est confié. Mais cette charge est liée, intrinsèquement, à l’ordination reçue (…) À l’évêque revient de plein droit de gouverner, enseigner et sanctifier le peuple de Dieu qui lui est confié, et cela lui revient en vertu de son ordination épiscopale. Celui qui n’est pas ordonné ne peut pas gouverner, celui qui n’enseigne pas la vérité ne peut gouverner, celui qui ne sanctifie pas ne peut gouverner.
Alors, là encore, si le droit canonique dit qu’il faut être prêtre pour gouverner un diocèse, ce n’est pas une déconsidération des fidèles laïcs, hommes ou femmes, c’est une affirmation essentielle au fonctionnement de l’Église (…) -Le jeune prêtre ne sera pas immédiatement (ni peut-être jamais) appelé à être curé, le curé à être évêque, l’évêque à être archevêque, l’archevêque à être Pape. Mais pour tous il est permis de dire que «Dieu donne ce qu’il demande», et précisément il le donne dans le sacrement conféré, le sacerdoce ou l’épiscopat.
Dire que seuls les prêtres, devenus évêques, peuvent diriger l’Église, ne veut pas dire que les femmes n’aient pas de place dans l’Église, qu’elles n’aient pas de rôle à jouer, loin de là!(…) En femme ensuite, bien que ces lignes portent déjà l’empreinte de ma féminité. L’Église des Apôtres sans Marie, et toutes les saintes femmes qui les entouraient, ne serait pas l’Église! Non seulement parce que l’Église demande des fidèles mais encore parce qu’il y a dans l’Église quelque chose qui ne peut s’exprimer que dans un «ministère» féminin, que par la grâce féminine. Le dessein de Dieu n’est pas d’exclure les femmes, mais bien de leur donner leur place, leur part, peut-être même la «meilleure» comme disait Jésus à Marthe. En tout cas sans une Catherine de Sienne, une Thérèse d’Avila, une Mère Teresa, et toutes ces «réformatrices», l’Église ne serait pas ce qu’elle est aujourd’hui. Sans ce vis-à-vis féminin exhortant à la foi, au don de soi, à la sainteté, l’Eglise ne serait pas ce qu’elle est aujourd’hui. Et contrairement à Madame Soupa, qui pense que les femmes ne sont pas reconnues dans l’Église comme des «êtres humains à part entière» – pensée effrayante! -, moi je pense que sans l’Église je n’aurais jamais réussi à toucher du doigt la féminité que je porte et encore moins à la vivre ! (…°
C’est parce que j’ai en face de moi des prêtres qui donnent tout ce qu’ils ont reçu, et même plus, tout ce qu’ils sont, que je peux vivre ma vocation de femme, de consacrée, de façon belle, épanouie, et réciproquement c’est parce que j’attends de ces prêtres qu’ils me donnent le Christ, sa vie surabondante, qu’ils peuvent donner le meilleur d’eux-mêmes. Si la figure d’une sainte Catherine de Sienne est si frappante c’est bien précisément parce qu’elle va rappeler au Pape ce pour quoi il est fait. Elle ne va pas s’installer sur un siège «vacant», elle va chercher celui qui doit assumer sa charge de Pontife suprême. Non, je n’attends pas qu’une femme monte sur le siège de Lyon, mais heureusement cela n’arrivera pas, j’attends un évêque qui soit un successeur des Apôtres, là sur le siège de Pothin, d’Irénée, … Philippe. Un évêque qui soit un Père pour ses prêtres, un Pasteur pour ses fidèles, un homme rempli d’Esprit Saint et de foi.
pnfo
Bonjour. Très intéressant cette vision. Mais la raison est toute simple : c’est parce que le prêtre dit “in peersonna Christie” les paroles de la consécration. Comme le Christ est un homme, le prêtre est un homme.
Si Dieu s’est incarné en un homme et non pas une femme, ce n’est pas à cause de la culture de l’époque puisque c’est Lui qui a choisi l’époque. Sincèrement j’aurait été lui, je n’aurais pas choisi cette époque et surtout pas dans ce trou paumé sans l’électricité, sans eau courante, sans internet… pour faire la mission qu’il avait reçu de nous montrer le chemin… Et en plus subir l’echec total de sa mission en étant cloué à une croix où il n’y a plus qu’un homme et deux femmes. Il faut une sacrée humilité, un sacré amour pour accepter cela. Bien à vous.
Balley
“Et en plus subir l’echec total de sa mission en étant cloué à une croix”
humm humm. De quel échec parlez-vous? Il s’agit au contraire d’une victoire totale surnaturelle.
DUPORT
Ce n’est pas aussi simple puisqu’on pourrait imaginer qu’une femme dise les paroles de la consécration “in persona Christi”.
Après tout c’est bien du pain qui symbolise la chair et du vin qui symbolise le sang.
En réalité c’est parce que le Christ a choisit pas moins de 12 apôtres (ce qui est un nombre conséquent) et qu’il en a exclut les femmes. Pourtant il en était entouré et il était suffisamment “révolutionnaire” pour ne pas s’interdire d’en nommer.
C’est donc bien le Christ lui même qui a réservé aux hommes la fonction d’apôtre.
Et comme il n’en a pas explicité la raison on ne peut que constater.
pnfo
Bonjour. Anne Soupa, ne serait elle pas justement cléricale ? Il est interessant de voir comment le fondateur des chrétiens rembarre les gens qui leur demande quelque chose : sa mère, Nicodème, les pharisiens… Tout ça pour susciter l’humilité. Marie est toute humilité, elle accepte et fait toujours confiance en son Fils. Son fils fait alors son premier miracle de changer l’eau en vin. C’est le miracle charnière entre l’ancien testament (la mane et l’eau) et le nouveau (le pain et le vin). Nicodème accepte de rester. Jésus lui révèle la naissance dans l’Esprit. Par contre, les pharisiens, remplis d’orgueil, n’accepte pas. Ils le feront crucifier. Dans l’église, tous ceux qui postulent sont justement rejetés car on n’a pas besoin de gens remplis d’ambition mais plutôt des gens humbles. Bien à vous.
F. JACQUEL
Mme Soupa n’est-elle pas tour simplement une nostalgique de la légende de la “Papesse Jeanne” ?
AFumey
Un point m’a attiré l’attention lors de la publication de cette provocation. Cette dame revendique pour elle une charge épiscopale: pas seulement un engagement consacré (tout à fait courant pour les femmes, dont certaines ont dirigé très jeunes des couvents et même des ordres entiers) ni même sacerdotal (déjà dans la logique de la confusion des sexes, ce qui heurte frontalement Ge 1-2). La revendication est de ‘Pouvoir’, ce qui révèle deux traits de caractère de la requérante: son goût pour le pouvoir, à l’opposé des tentations du Christ; mais également une position ‘sous les feux de la rampe’, qui flatte l’orgueil, encore à l’opposé du message évangélique.
Ce qui nous pose tout de même un problème: d’une part cette dame ne peut plus se réclamer de l’Eglise Catholique puisqu’elle rejette son enseignement; plus grave, en prétendant parler comme ‘catholique’, elle est susceptible de tomber sous le chef de ‘blasphème contre l’Esprit’ en égarant des âmes fragiles (réponse du Christ à ceux qui affirment qu’il chasse les démons par la puissance de satan): or “il n’y a pas de pardon pour le blasphème contre l’Esprit”.
Nous ne pouvons nous réjouir de sa condamnation mais pouvons prier pour sa conversion afin qu’elle retrouve le chemin du salut, comme tous les catholiques qui s’égarent dans les séductions du monde et de son apparente ‘modernité’.
Henri
Permettez à un canoniste, juge diocésain, de préciser qu’en outre il n’y a pas de candidatures à un siège épiscopal: le nouvel évêque est choisi par le pape sur une liste élaborée par le nonce au vu des recommandations des évêques diocésains sur les personnes que ceux-ci jugent épiscopables.
Donc Madame Machin ne peut non seulement pas être évêque (car non prêtre et femme, la théologienne a bien raison, mais en outre, elle ne risque pas même par erreur d’apparaître sur la dite liste.
Rabolio
Un très beau texte.
Chantal de Thoury
Merci ma Soeur,
Clofer
Mme Soupa, la future « primate » des Gaules ?