David Hornus, directeur de Corpguard, est un spécialiste des questions de sécurité. Il s'interroge sur les choix sécuritaires autour des fan-zones pour l'Euro 2016 qui commence dans 10 jours (article à lire en entier sur le magazine en ligne de Corpguard) :
[…] "Rien ne permet de remettre en cause le professionnalisme et le sérieux des sociétés de gardiennage qui vont être chargées d’assurer la sécurité à l’intérieur des fans-zones. Elles assurent déjà la sécurité des matchs dans les stades lors des compétitions plus traditionnelles et locales. Cependant, sont-elles adaptées face au risque que représentent des zones à forte densité de population, où la consommation d’alcool sera autorisée et alors que nous sommes en plein état d’urgence avec une menace terroriste à son paroxysme ?
Nous sommes en droit de nous interroger sur la pertinence de la mission qui leur est confiée.
D’autant que les plus grosses entreprises de sécurité en France, telles que Sécuritas, ont toutes refusé de sécuriser les fans-zones, car “elles jugent trop difficile, mais aussi trop risqué d’assurer la protection de dizaines de milliers de personnes rassemblées devant un écran géant“.
Quelle sera la capacité de réaction des vigiles en cas d’incident et comment interviendront-ils pour fixer et neutraliser une menace potentielle, particulièrement dans le cas d’une attaque terroriste du type de celle du 13 novembre.?
A moins d’être secondés et accompagnés par un OPJ, comment interviendront-ils lors d’affrontement entre supporters ou encore en cas de hooliganisme bien plus violent, sans moyens de coercition, ni pouvoirs de police ?
Si le patron de Synergie-Officiers, Patrice Ribeiro assure que : « Le problème principal demeure le hooliganisme et les débordements conventionnels » ; pour Jean-Claude Delage, numéro un d’Alliance, les fans-zones sont « un souci de plus à gérer, dans un contexte déjà très tendu ». Au sein d’Unité-SGP-FO, Nicolas Comte estime quant à lui, que « les déplacements anarchiques hors des fans-zones seront tout aussi compliqués à gérer ».
Quid en cas d’attaque ou d’attentats ?
Ça passe ou ça casse
A Paris seuls 400 vigiles assureront la sécurité des 90 000 supporteurs de la fan-zone du Champ-de-Mars (soit 1 agent pour 225 personnes), alors que le ratio appliqué en Pologne lors de l’Euro 2012 était de 1 pour 100. Soit 2 fois plus…
Dans son édition du 29 mai , Libération interroge un bon connaisseur du milieu(sic), selon lequel certaines sociétés auraient raclé les « fonds de tiroir » du côté du Bénélux (Belgique, Luxembourg, Pays-Bas) afin d’engager ce qu’il restait de francophones disponibles.
Alain Bauer déclare même que « le casse-tête se situe plutôt du côté de l’humain » et se demande si « …les opérateurs privés ont réussi à recruter tous les agents nécessaires, et notamment un nombre suffisant de femmes pour assurer les palpations sur le public féminin », avant de poursuivre : « …on rappelle des gens qui étaient à la retraite, …mais la vérité, c’est qu’on n’a plus d’agents en stock. ».
Il conclut le 27 mai sur le plateau de BFM « Une partie de l’organisation est aléatoire ».[…]
Le statut d’agent de sécurité armé : un effet d’annonce
Nous l’avons déjà écrit, les enseignements de l’attaque du Bataclan ont mis en lumière que les premières minutes qui suivent une attaque sont décisives et que si le primo intervenant dispose d’une capacité de neutralisation (donc d’une arme) ce sont de nombreuses vies qui peuvent ainsi être sauvées. (Au Bataclan, l’intervention d’un commissaire de la BAC et de son chauffeur ont permis de neutraliser un terroriste qui n’a pu faire usage de son arme ni déclencher sa ceinture d’explosifs).
Cependant, malgré les annonces relatives à la création d’un statut d’agent de sécurité renforcée (ASR) après les attaques contre le Bataclan, rien n’a été réalisé à ce jour.[…]
S’attendre au pire, espérer le meilleur : un pari risqué
Enfin, à défaut d’avoir des Agents de Sécurité recrutés parmi les anciens militaires ayant les compétences professionnelles pour être armés, comme de nombreuses sociétés et syndicats professionnels le suggèrent depuis longtemps ; le bon sens ne commanderait-il pas que les vigiles des sociétés de sécurité soient déployés en périphérie et autour des fans- zones et affectés au filtrage et au contrôle des accès, voir à l’ilotage ?
Cela permettrait d’assurer une sécurité périphérique et périmétrique et de déceler de manière précoce des fauteurs de troubles, des comportements ou individus « suspects » qui, en liaison avec les forces de l’ordre, seront contrôlés, expulsés ou interpelés.
Cette mission parait beaucoup plus en adéquation avec l’expertise des sociétés de gardiennage, la sécurité à l’intérieur des fans-zones restant de la responsabilité d’agents des forces de l’ordre armées et ou en civils ayant capacités à intervenir là où le risque sera le plus grand.
Malheureusement, il semble que, faute de moyens, ce ne soit pas le choix qui ait été arrêté."[…]