Le 21 février 2018, sur proposition de Juncker, les 28 commissaires européens avaient nommé Martin Selmayr secrétaire général adjoint de la Commission européenne, poste « libéré » de façon inattendue par la précédente titulaire, la Grecque Praskevi Michou. L’opération aurait duré entre une et trois minutes, pour des postes qui donnent normalement lieu à de longues procédures d’embauche, émaillées de nombreuses consultations, de rencontres avec les postulants, et de rapports. Ce poste de la haute fonction administrative de l’Union européenne, qui a sous sa responsabilité 33 000 fonctionnaires, doit normalement faire l’objet d’un appel à candidatures large. Or une seule candidature a été déclarée, celle d’une femme (c’est obligatoire dans les procédures ), Clara Martinez Alberola, chef adjoint de cabinet de Jean-Claude Juncker, (et ancienne du cabinet Barroso) déjà appelée à d’autres fonctions et qui aurait finalement retiré sa candidature. Il s’agissait d’une candidature purement formelle, destinée à répondre aux exigences du règlement.
Le 12 mars en séance plénière à Strasbourg, les députés, tous partis confondus, avaient dénoncé cette promotion truquée. Au terme de la séance, le lancement d'une enquête approfondie sur cette nomination a été approuvée. Le rapport d'enquête vient d'être publié.
Olivier Bault analyse sur Réinformation.tv :
"Après la publication mardi du rapport d’enquête à charge de la médiatrice européenne Emily O’Reilly, il n’est pas exagéré de parler d’un véritable Selmayrgate comme le fait Jean Quatremer dans Libération. Mais Jean-Claude Juncker et le reste de la Commission européenne, qui a laissé faire, vont-ils pour autant présenter leur démission collective comme l’avait fait la Commission Santer en 1999 ? On peut en douter, vu l’arrogance des réponses de la Commission aux questions posées à propos de l’Allemand Selmayr par la médiatrice de l’UE et sa non-réaction aux violents reproches du Parlement européen. Pourtant, « M. Juncker a violé les règles européennes afin de permettre à M. Selmayr de devenir secrétaire général. Il est responsable d’une partie du discrédit qui frappe l’Europe, et qui se traduit notamment par la montée de l’extrême droite », de l’avis des eurodéputés socialistes français qui font partie de ceux qui avaient saisi la médiatrice O’Reilly de ce scandale.
[…] La machination qui l’a poussé au poste de Secrétaire général, dont le très européiste Libération nous donne aujourd’hui tous les détails, est un véritable coup d’état sans doute destiné à assurer la continuité après le départ de Juncker. […]
Malgré tout, la Commission européenne a fait savoir après la publication du rapport d’enquête de la médiatrice qu’il n’y aurait pas de procédure disciplinaire contre qui que ce soit et que les conclusions du rapport étaient le résultat de simples malentendus.
Aujourd’hui, on peut lire dans le “Daily Mail” cette citation d’un député britannique au Parlement européen : « Si l’UE permet à cette nomination de rester en vigueur, ce sera la confirmation de ce qui nous soupçonnions depuis longtemps : que l’UE ne croit pas au respect de ses propres règles. » Et « ce qui est vraiment choquant » pour le député conservateur Daniel Hannan, « c’est la manière dont l’UE se comporte toujours. Elle crée des règles en fonction des besoins. Personne n’est jamais tenu responsable, personne n’est jamais puni, et c’est pourquoi je suis content que nous soyons sur le point de partir »."