Sur la NBQ, Luisella Scrosatti décrypte le communiqué surréaliste du Dicastère pour la doctrine de la foi, visant à justifier Fiducia Supplicans. Extrait de la traduction de Benoît et moi :
[…] Et de fait, face aux évêques africains, qui ne veulent pas entendre parler d’unions de couples irréguliers ou homosexuels, et face aux Allemands, qui veulent au contraire bénir ces mêmes couples, Fernández parvient à écrire noir sur blanc un chef-d’œuvre de contradiction.
Dans la section 2 (« Réception pratique »), il écrit:
« La Déclaration contient la proposition de bénédictions pastorales brèves et simples (non liturgiques ou ritualisées) de couples irréguliers (et non d’unions) ».
Dans la section 4 (« La véritable nouveauté du document »), il affirme exactement le contraire :
« La véritable nouveauté de cette Déclaration, celle qui exige un généreux effort de réception et dont personne ne devrait se déclarer exclu, n’est pas la possibilité de bénir les couples irréguliers ».
Donc, la proposition est de bénir les couples irréguliers, mais la nouveauté du document n’est pas de bénir les couples irréguliers. C’est clair, non ?
De son côté, Gabrielle Vialla écrit :
Suite à ma dernière lettre, quelques prêtres ont réagi à ma réaction à chaud sur la déclaration « Fiducia supplicans ». L’un d’eux, en désaccord avec moi, m’a fait un reproche qui m’a légèrement ébranlée. Il m’a dit que je considérais trop l’Église comme Magistra et pas assez comme Mater.
Certes, nous avons tous une maman, mais il se trouve que le regard est différent quand on l’est soi-même. Étant une mère bien limitée et imparfaite depuis un quart de siècle (un siècle en cumulé), j’ai pu réfléchir à ce qu’est une bonne mère, afin de m’encourager au bien. L’analogie ne doit pas être poussée à l’extrême mais elle est instructive. Laissez-moi vous en dire quelques mots, avec peut-être l’avertissement que la transposition avec des événements récents n’est pas à prendre au premier degré.
La mère de famille donne beaucoup d’elle-même. Elle voit disparaître son corps de jeune fille, pour porter ses enfants non sans peine et sans fatigue, bien qu’elle se réjouisse d’avoir ses enfants. Elle les nourrit et les élève. Rien ne lui est indifférent. Elle veut être proche de son enfant quand il souffre. Même lorsqu’elle est très optimiste sur la nature humaine, elle sait qu’il faut quelques règles dans la maison. Ne serait-ce que pour sa propre survie. La bonne mère ne peut donner des instructions de telle façon que la moitié des enfants prenne la direction opposée de l’autre moitié. L’ambiance qui en découlerait deviendrait vite exécrable. Certes, il est fréquent dans les familles que la discipline vis-à-vis des benjamins soit plus souple que vis-à-vis des aînés, mais les règles fondamentales ne changent pas. S’il n’était pas possible d’écrire sur les murs en 2021, cela le restera en 2024. Son discours peut s’adapter à ses enfants dans la forme ou le ton mais comme bonne Mère, elle ne saurait se contredire. Elle sait d’ailleurs que les injonctions contradictoires sont très mauvaises pour les enfants. Aujourd’hui, elle a même les connaissances des neurosciences pour le savoir.
La bonne mère est présente pour chacun. Oh elle écoute mais elle répond aussi. Ce n’est pas un distributeur de nourriture, ni de plaisirs. C’est une personne qui aime ; elle reçoit chacun dans une relation unique, irremplaçable avec des joies et des peines. Lorsqu’elle s’adresse à tous, elle s’assure que les plus jeunes ont compris. Elle ne légifère pas sur tout[1]. Ce serait étouffant. Elle laisse de la latitude à chacun. Elle ne peut pas prévoir toutes les situations que ses enfants auront à affronter. Elle a l’espérance qu’avec l’exemple et l’instruction qu’elle leur donne, ils sauront toujours écouter leur conscience, revenir à ce qu’elle a toujours enseigné.
Si par malheur, l’un d’eux s’égare, la bonne mère supplie Dieu pour lui. Elle égrène son chapelet et fait des sacrifices. Lorsque ce petit revient la voir, pensez-vous qu’elle commence par lui demander « As-tu fait une belle découverte pendant ta fugue ? » Elle le supplie plutôt « Mon enfant, je m’inquiète pour toi. Reviens à la maison. Ici, tu es chez toi. La nourriture est abondante et gratuite. »
Si par un malheur plus grand encore, son enfant ne respecte plus sa maison et revendique d’y vivre à sa manière à lui, elle se montre ferme « Tu es toujours mon enfant mais tu scandalises tes frères et sœurs. Pars vite avant que ton père ne revienne et que sa colère ne s’aggrave plus fortement contre toi. Reviens quand enfin tu auras décidé de ne plus te moquer de nous ». La bonne mère retournera à ses larmes et à ses supplications.
Le fils aîné rend compte de ses décisions. S’il venait à instaurer dans la maison une nouveauté qui divise les enfants, la bonne Mère pleure encore. Elle espère dans la prière, elle rappelle à tous de prier pour le fils aîné et de continuer à l’aimer. De nouveau, elle exhorte sans cesse chacun à être ce que Dieu attend de lui. Dans l’épreuve, elle maintient. « Elle rayonne de force et retrousse ses manches ! Elle s’assure de la bonne marche des affaires, sa lampe ne s’éteint pas de la nuit. » (Prov 31, 17-18)[2]
Oui, l’Église est Mère. Et justement, grâce à l’analogie de la mère de famille ou de la femme forte[3], tout un chacun peut comprendre qui elle est. Cela demande toutefois de refuser une idée facile mais faussée où la maternité serait doucereuse, peu exigeante. La bonne mère nous parle certes de ses enfants mais bien plus vite que je ne l’ai fait (pour garder un certain suspense), elle nous conduit à son Époux ! Elle est fidèle et vit des Noces de l’Agneau. Elle parle comme Lui. Lui dont nous avons les mots dans les Évangiles. Sainte, elle attend le retour de l’Époux. « Ses fils, debout, la disent bienheureuse et son mari fait sa louange. » (Prov 31, 28)
Gabrielle Vialla
[1] « L’Église ne se prononce que lorsque c’est nécessaire. Et quand elle établit en maîtresse de vérité une donnée générale, les théologiens sont mis alors à la tâche et doivent expliquer concrètement ce qu’elle a voulu dire ; ils le font par l’interprétation littérale, par l’étude des circonstances, par la reconnaissance des exceptions, afin de rendre la décision aussi tolérable que faire se peut et de laisser le moins de tentation possible aux esprits obstinés, indépendants ou mal instruits. » Card. J.H. Newman, Lettre au Duc de Norfolk
[2] Saint Augustin explique la nuit ainsi : « La nuit désigne les tribulations. Pendant la nuit, elle sert de modèle. Elle enseigne par ses actes le devoir qu’elle a tracé… » (sermon 37)
[3] Le sermon 37 de saint Augustin a pour titre La femme forte ou l’Église Catholique. (on peut le retrouver sur internet)