Nous remercions l’association Una Voce de nous autoriser à publier des extraits des excellents commentaires des cinq pièces grégoriennes du dimanche ou de la fête à venir.
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La messe du septième dimanche après la Pentecôte présente quelques caractères assez particuliers. Elle ne figure pas dans les anciens livres romains, et serait donc d’origine gallicane. Précisons qu’il ne s’agit pas ici du gallicanisme du XVIIe siècle, et des prétentions de l’Église de France à s’ériger en Église nationale indépendante de Rome, mais de la liturgie de l’Église des Gaules antérieure à l’époque carolingienne, alors que l’unité liturgique n’était pas réalisée, et qu’il y avait encore un chant romain (ancêtre du chant grégorien), un chant ambrosien (à Milan), un chant bénéventin, un chant hispanique, un chant gallican etc.. C’est seulement au VIIIe siècle, sous Pépin le Bref et Charlemagne, que la liturgie romaine a été adoptée par tout l’occident chrétien, incorporant cependant certains éléments gallicans, dont cette messe est un témoin. C’est très net en ce qui concerne l’Alléluia, dont la mélodie s’étire en longueur de façon exubérante. De même l’Offertoire est une prière longue et développée, mais à l’opposé l’Introït, le Graduel et la Communion sont très simples et parmi les plus courts du répertoire.
► Introït : Omnes gentes
L’Introït, très court, et l’Alléluia, très long, ont exactement le même texte, ce qui est très rare (il n’y a qu’un autre cas, à la messe de minuit de Noël). Il s’agit du premier verset du psaume 46, acclamation triomphale qui accompagnait la montée de l’arche d’alliance sur la montagne de Sion, pour remercier le Seigneur d’une grande victoire accordée à son peuple. Ce psaume était déjà utilisé à la fête de l’Ascension, où cette montée préfigurait celle du Christ dans le ciel.
En ce temps après la Pentecôte, après les sentiments exprimés dans les chants des précédents dimanches : confiance en Dieu, abandon à sa volonté, prière pour obtenir sa protection, nous trouvons ici une autre attitude chrétienne fondamentale, que nous retrouverons le dimanche suivant : la louange de la majesté et de la toute puissance divine, l’action de grâces pour ses bienfaits :
Omnes gentes, plaudite manibus, jubilate Deo in voce exsultationis.
Tous les peuples, battez des mains, acclamez Dieu avec des cris de joie.
On remarquera que cette louange divine doit s’effectuer par les mains et par la voix, c’est-à-dire aussi bien par nos actions que par nos paroles.
Le deuxième verset du psaume est psalmodié à la suite :
Quoniam Dominus excelsus, terribilis, rex magnus super omnem terram.
Car le Seigneur est très haut, redoutable, grand roi sur toute la terre.
Cet Introït, nous l’avons dit, est très court, et sa mélodie, très simple, est légère et joyeuse.
► Graduel : Venite filii
Contrairement aux autres chants de la messe du septième dimanche après la Pentecôte, le Graduel figure dans les anciens livres romains, mais au mercredi de la quatrième semaine de Carême, appelé ” férie des grands scrutins “, car c’était le jour où l’on désignait les catéchumènes qui allaient recevoir le baptême à la Vigile Pascale, et où il a été repris pour ce dimanche. C’est donc d’abord à ces futurs baptisés que ce texte s’adresse. Il est tiré du psaume 33, cantique de louange et d’action de grâces, attribué à David, que nous retrouverons à plusieurs reprises en ce temps après la Pentecôte. Les deux versets réunis ici ne se suivent pas dans le psaume, mais ils se complètent admirablement :
Venite filii, audite me : timorem Domini docebo vos. Accedite ad eum, et illuminamini : et facies vestræ non confundentur.
Venez mes enfants, écoutez-moi, je vous enseignerai la crainte du Seigneur. Approchez-vous de Lui et vous serez illuminés et vos visages n’auront pas à en rougir.
Cette invitation aux nouveaux baptisés s’adresse aujourd’hui à nous tous. Nous y trouvons réunies deux grandes étapes de la vie spirituelle ; la crainte de Dieu, premier des dons du Saint Esprit, qui nous fait nous prosterner avec humilité devant la majesté divine, et l’illumination, qui nous fait connaître et contempler celui qui est la beauté et le bien infini, et nous attire irrésistiblement vers Lui.
Comme l’Introït Omnes gentes, ce Graduel est très court, mais sa mélodie, bien qu’elle utilise des formules que l’on retrouve dans de nombreux autres Graduels, exprime à merveille les richesses contenues dans le texte. On remarquera en particulier la descente au grave sur les mots docebo vos exprimant la profonde adoration devant la majesté divine, et à l’opposé la grande vocalise sur les mots accedite ad eum montant progressivement jusqu’à l’extrême aigu, exprimant ainsi notre attirance vers le ciel où nous contemplerons la splendeur divine.
► Alléluia : Omnes gentes
Comme nous l’avons dit le texte de l’Alléluia du septième dimanche après la Pentecôte est le même que celui de l’Introït, le premier verset du psaume 46, acclamation à la majesté et la toute puissance divine :
Omnes gentes plaudite manibus, jubilate Deo in voce exsultationis.
Tous les peuples, battez des mains, acclamez Dieu avec des cris de joie.
Mais alors que l’Introït était très court, faisant retentir cette acclamation avec une mélodie simple, légère et joyeuse, à l’opposé l’Alléluia est très long, avec une mélodie ample et solennelle, de grandes vocalises, de nombreuses modulations, s’attardant ainsi pour célébrer toutes les splendeurs de Dieu et de son œuvre dans leur immensité et leur variété. On voit là à quel point la mélodie grégorienne peut donner à un même texte des expressions différentes.
► Offertoire : Sicut in holocausto
Tous les chants des précédents dimanches étaient tirés des psaumes. Dans la messe du septième dimanche après la Pentecôte, nous allons trouver à l’Offertoire un chant tiré d’un autre livre de l’Ancien Testament, comme le seront plusieurs autres grands Offertoires que nous rencontrerons au cours de ce temps liturgique. Celui-ci est emprunté au prophète Daniel, et plus précisément à l’épisode des trois jeunes Hébreux jetés dans la fournaise par le roi Nabuchodonosor, et miraculeusement épargnés par les flammes, après avoir adressé à Dieu une magnifique prière, souvent utilisée dans la liturgie, dans laquelle ils offrent leur sacrifice pour le salut de leur peuple :
Sicut in holocausto arietum et taurorum, et sicut in millibus agnorum pinguium, sic fiat sacrificium nostrum in conspectu tuo hodie ut placeat tibi, quia non est confusio confidentibus in te Domine.
Comme un holocauste de béliers, de taureaux et de milliers d’agneaux gras, qu’ainsi notre sacrifice s’accomplisse en votre présence afin qu’il vous plaise ; car ceux qui mettent en vous leur confiance, Seigneur, n’auront pas à en rougir.
On remarquera qu’une partie de ce texte, la deuxième phrase, figure dans les prières que le prêtre récite à l’Offertoire de la messe, au moment précis ou il est chanté aujourd’hui par la schola. Les sacrifices de l’Ancien Testament, et particulièrement celui que les trois jeunes hébreux étaient prêts à offrir pour leur peuple, sont évidemment la figure du sacrifice du Christ qui est offert sur l’autel. La mélodie de ce chant d’Offertoire commence très humblement avant de s’élever progressivement d’une manière suppliante avec des motifs répétés ; puis soudain elle s’envole en un grand élan sur les mots in conspectu tuo, et devient ensuite pleine d’assurance, avec de nouveau des motifs répétés plusieurs fois et une insistance très marquée jusqu’à la fin.
► Communion : Inclina aurem tuam
L’antienne de Communion du septième dimanche après la Pentecôte, comme l’Introït et le Graduel de cette messe, est une pièce très courte, peut-être la plus courte du répertoire. Nous y retrouvons un texte qui avait déjà été chanté le dimanche précédent, c’était la dernière phrase du verset de l’Alléluia, tiré du psaume 30 :
Inclina aurem tuam, accelera ut eruas nos.
Tendez l’oreille, hâtez-vous de nous délivrer.
Une petite différence cependant : le texte est mis ici au pluriel (eruas nos au lieu de erue me) et de prière personnelle, devient prière collective. C’est tout le peuple de Dieu, toute l’Église qui supplie le Seigneur avec confiance. Bien que la pièce soit très courte, elle comporte néanmoins deux phrases et la mélodie n’est pas celle d’une petite antienne. Elle est peu développée, mais assez ornée et très expressive, dans une ambiance douce et contemplative.