"Les « valeurs d’ordre », comme disent les sociologues, ont progressé en trois ans. C’est ce qui ressort du dernier « baromètre de la confiance politique »,
publié cette semaine par le Cevipof, le Centre de recherches politiques
de Sciences Po. De quoi inquiéter le pouvoir en place – de moins en
moins de Français partagent les valeurs traditionnelles défendues par
cette famille politique – mais aussi les commentateurs de la grande
presse, littéralement stupéfaits par un peuple qui, décidément, ne leur
ressemble pas.Imaginez le désarroi ! Prenons trois sujets qui sont au cœur du
logiciel de cette bonne société, de ce joli monde. La peine de mort par
exemple : en une année, les partisans de son rétablissement sont passés
de 35 % à 45 %. Autre sujet : fin 2009, 49 % des électeurs pensaient
qu’il y avait trop d’immigrés en France. Ils sont… 65 % aujourd’hui. En
revanche, alors qu’ils étaient 73 % à faire confiance aux personnes
ayant une religion différente de la leur, ils ne sont plus que 68 %.Les Français en âge de voter – puisque cette enquête ne concerne
qu’eux — seraient donc d’affreux réacs, méfiants, suspicieux. Et, bien
sûr, tout cela sans fondement véritable. Au pire, une mauvaise passe, un
« désenchantement démocratique » dû à la crise et à la « déception qui a suivi la présidentielle » commente le directeur du Cevipof. On se rassure comme on peut.Parce que si vous ajoutez à ces chiffres les autres données qui
ressortent de cette étude – les Français sont toujours plus méfiants,
moroses –, le tableau dépeint laisse penser qu’il s’agit d’une véritable
lame de fond qui, si elle ne se traduit pas encore dans les urnes (ou,
du moins, pas avec la vigueur correspondant à ce désarroi), pourrait
bien finir par emporter cette société toute entière. […]"