Agrégé d'histoire, normalien et énarque, Roland Hureaux écrit dans Le Figarovox :
"[…] C'est un fait que, la propagande LGBT aidant, l'hostilité à la loi Taubira est devenue à droite plus compromettante encore que le refus de l'immigration ou celui de l'euro.
Elle n'est pourtant pas seulement un marqueur d'extrémisme.
On ne saurait oublier en effet que cette loi a provoqué la plus grande mobilisation du quinquennat et même de l'histoire de France (exception faite de celle, plus éphémère, qui a suivi l'attentat contre Charlie ) ; celle de la CGT contre la loi Travail n'est rien en comparaison.
Renoncer à y toucher est pour les candidats de droite au moins aussi risqué que s'y engager.
Car il faut bien le dire: pour une partie de l'opinion, le refus de remettre en cause la loi Taubira, compte tenu de tout ce qui a été dit par l'opposition au moment de son vote, porte avec lui un message subliminal: «je me dégonfle».
Et ce message ne concerne pas que cette loi: il est probable que la réaction de beaucoup d'électeurs qui n'y attachent pas forcément une grande importance, sera de dire que si la droite dite «républicaine» se dégonfle sur ce sujet, elle risque bien de se dégonfler sur tous les autres et qu'en définitive, si la droite revient au pouvoir, il ne se passera rien. Car sur bien d'autres sujets, en matière économique et sociale, en matière d'école, de justice, d'immigration, la droite, si elle veut aller tant soit peu à la rencontre des attentes populaires, devra aussi se faire politiquement incorrecte. Comment croire qu'elle en aura l'audace si elle a déjà capitulé sur le mariage homosexuel? Qui prendra au sérieux des expressions comme la «droite forte» ou la «droite décomplexée» dont on se gargarise dans l'opposition?
L'autre inconvénient de cette position est de polariser le programme de la droite sur des sujets comme l'ISF, les 35 heures, l'âge de la retraite ou le code du travail sur lesquels elle apparaîtra, en accomplissant des réformes libérales, également réactionnaire, mais en un autre sens: le parti des gros contre les petits. La gauche d'aujourd'hui l'est aussi, certes, mais avec plus de subtilité. La brutalité des mesures économiques et sociales projetées par la droite aidant, la gauche reviendra très vite en grâce. Il n'est pas sûr que l'opposition ait intérêt à abandonner le champ sociétal pour présenter un programme de remise en cause des acquis sociaux à l'état nu et rien que cela.
Enfin, le refus de la remise en cause est, qu'on le veuille ou non, une caution apportée à la gauche, dont on reconnaît a posteriori la lucidité et le progressisme. Si une telle réforme était irréversible, c'est la preuve que la gauche seule était dans le sens de l'histoire. La résistance de la droite n'était que vaines criailleries, baroud d'honneur inutile. Mais comment dès lors expliquer que la gauche n'avait par contre pas raison sur les autres sujets? Expliquer par exemple que la réforme du collège, malgré la levée de boucliers qu'elle a suscitée, n'était pas, au fond, une réforme progressiste?
[…] L'échec retentissant aux élections locales des candidats LR qui avaient été les plus favorables à la loi Taubira: Fabienne Keller à Strasbourg, Nathalie Kosciusko-Morizet à Paris , Dominique Reynié en Midi-Pyrénées devrait pourtant servir de leçon. Il n'est pas sûr que, sur la question de l'effet électoral, sinon direct, du moins indirect, du refus de remettre en cause la loi Taubira, les candidats de la droite classique doivent trop écouter leurs conseillers en communication."