Authueil, blogueur de centre gauche, publie une tribune dans laquelle il s'en prend aux bobos du Monde :
"[…] L’édito «anti-FN» du directeur du Monde, publié à la veille des élections régionales, est affligeant. Au bout de trente ans, ils arrivent encore à croire que les éditoriaux critiquant le FN vont faire reculer ce parti. Juste à pleurer de voir tant d’aveuglement, à moins que ça ne soit du cynisme, pour obliger par la peur, à faire voter pour les partis dits «de gouvernement».
Si le FN monte aux élections, c’est pour des raisons bien connues de qui veut bien regarder. Il est le symptôme d’un malaise profond de la France, d’une certaine France qui se sent exclue et méprisée, pour qui l’action publique, depuis trente ans, n’a été qu’une série de déceptions. On leur a tout promis, droite comme gauche, et ils n’ont vu qu’une dégradation de leur situation. En prime, ils se font traiter de cons par des gens qui vivent dans une tour d’ivoire, bien à l’abri dans une forteresse dont les autres sont exclus.
Le FN monte parce que la France est un pays barricadé, qui précarise une partie de sa population (qui en finit par voter FN), pour sécuriser une petite minorité (celle qui lit le Monde). Il suffit de voir la difficulté qu’il peut y avoir pour certains à avoir un travail, un logement, même simplement accès à Internet ou aux services publics. Quand vous habitez au fin fond de la Picardie, que vous êtes au chômage (et sans espoir de sortir des petits boulots), que le bureau de poste de la commune d’à côté vient de fermer, que votre débit internet est encore de 512K, quel effet peut avoir l’édito du Monde, qui vous explique que le programme du FN est une imposture ? Déjà pour commencer, vous ne lisez pas le Monde. Vous ne lisez pas plus les programmes de partis politiques, quels qu’ils soient. Pour ce qu’ils valent, ce n’est pas plus mal, car si le programme du FN est mauvais, il a le mérite d’exister. J’aimerais bien lire le programme du PS, enfin, le vrai, celui qu’ils appliquent, pas celui qui était sur leur tract au moment des élections (rappelez-vous : «Le changement, c’est maintenant»).
La question du FN n’est donc pas une histoire de programme politique qu’il faudrait démonter de manière systématique et rationnelle. C’est d’abord l’histoire d’une fracture sociale (encore un vieux slogan non suivi d’effets) et d’un immobilisme des élites, qui s’est doublé, ces derniers temps, de la révélation de leur incompétence totale. Il a suffi d’une crise liée à des attentats pour que le décor s’écroule et qu’on s’aperçoive que ces élus pontifiants ne maîtrisent plus rien. La seule ressource de François Hollande pour répondre à la menace terroriste est de donner les pleins pouvoirs à la police, au mépris total des libertés publiques.
Depuis le 13 novembre, et la manière dont se comportent nos élus, j’en viens à comprendre le vote FN. Je n’en suis pas encore là (et il en faudra vraiment beaucoup pour que j’y arrive) mais je partage désormais la colère que les électeurs cherchent à exprimer en votant pour le FN. Je comprends que pour certains, le vote FN est un crève-cœur, mais cela leur apparaît comme la seule porte de sortie, faute d’alternative. […]"