Mgr Pierbattista Pizzaballa, administrateur du patriarcat latin de Jérusalem, a célébré pour le dimanche des Rameaux une liturgie depuis le Dominus Flevit sur le Mont des Oliviers, avant de bénir la ville et le monde avec une relique de la Sainte Croix :
Chers amis,
Aujourd’hui, nous n’avons pas célébré l’entrée solennelle et magnifique de Jésus dans la ville de Jérusalem comme nous le faisons chaque année, avec des fidèles de toutes les paroisses du diocèse et des pèlerins du monde entier.
Nous n’avons pas levé nos palmes et nos rameaux d’oliviers pour crier « Hosanna » à notre Roi, Jésus-Christ. Les rues qui, en ce jour, seraient pleines de monde et de chants, d’hymnes et de cornemuses sont vides et silencieuses.
Que nous dit le Seigneur ? Pourquoi tout cela ? Que pouvons-nous faire dans ces moments dramatiques pour la vie du monde et pour la nôtre ?
Les habitants de Jérusalem ont accueilli Jésus avec enthousiasme, le reconnaissant comme Roi, comme le Messie attendu, comme celui qui allait enfin recevoir leurs prières.
Mais Jésus sait et l’Evangile nous dit que rien n’est si simple. Nous savons qu’il est venu à Jérusalem, non pas pour être intronisé comme David, mais pour être tué. Le sens que Jésus donne à son « entrée triomphale » est différent de celui que les habitants de Jérusalem y ont vu. C’est peut-être la leçon que Jésus veut nous donner aujourd’hui. Nous nous tournons vers Dieu quand quelque chose nous fait mal. Lorsque nous sommes en difficulté, nous voulons soudain tous poser les grandes questions difficiles.
En d’autres termes, nous voulons que Jésus devienne le genre de roi et de messie qui résout nos problèmes : la paix, le travail, la vie de nos enfants ou de nos parents, une aide, en bref, les situations difficiles que nous traversons. Nous voulons qu’il nous sauve du Corona Virus, que tout redevienne comme avant…
Bien sûr, nous savons que Jésus répond à nos prières et n’exige pas que nos motivations soient pures. Il est venu chercher et sauver les pêcheurs. Ce ne sont pas les bien-portants qui ont besoin du médecin, mais les malades.
Mais en même temps, Jésus répond à sa manière. Précisément parce que Jésus dit « oui » à nos désirs les plus profonds, il devra dire « non » à nos désirs immédiats.
Les habitants de Jérusalem voulaient un prophète, mais ce prophète leur a dit que leur ville était sous le jugement imminent de Dieu. Ils voulaient un Messie, mais celui-ci va être intronisé sur une croix païenne. Ils voulaient être sauvés du mal et de l’oppression, mais Jésus va les sauver du mal dans toute sa profondeur, et pas seulement du mal de l’occupation romaine et de l’exploitation par les riches.
L’histoire de la grande entrée à Jérusalem, en somme, est une leçon sur l’écart entre nos attentes et la réponse de Dieu.
La foule sera déçue, car Jésus ne répondra pas à ses attentes de salut immédiat. Mais au fond, il ne va pas en être ainsi : l’entrée de Jésus à Jérusalem est vraiment le moment où le salut naît. Les « Hosanna » étaient justifiées, mais pas pour les raisons que les habitants de Jérusalem avaient supposées. Apprendre cette leçon, c’est faire un grand pas vers la vraie foi chrétienne.
Peut-être sommes-nous nous aussi déçus, car nos prières ne sont pas entendues, nos attentes restent sans réponse apparente. Il semble que Dieu ne nous écoute pas. Reconnaissons-le : nous sommes encore loin de cette foi simple et pure, la foi des pauvres. Nous voudrions, nous voulons que notre vie change, ici et maintenant, et non pas dans un avenir vague ou dans l’au-delà. Nous voulons un Dieu tout-puissant et fort, nous voulons avoir foi en un Dieu qui nous donne certitude et sécurité. Puisse-t-il nous calmer dans cette mer de craintes et d’incertitudes dans laquelle nous nous trouvons maintenant.
L’Évangile nous dit cependant que la foi chrétienne est fondée sur l’espoir et l’amour, et non sur la certitude. Elle ne résoudra pas tous nos problèmes, elle ne nous donnera pas toutes les certitudes dont notre nature humaine a besoin, mais elle ne nous laissera pas seuls. Nous savons qu’Il nous aime.
A son passage, les gens de la foule étendirent leur manteau aux pieds de Jésus et l’accueillirent avec des branches d’olivier et les palmes coupées çà et là. Alors, malgré notre difficulté à comprendre, déposons, nous aussi, devant notre Messie le peu que nous avons, nos prières, nos besoins, notre besoin d’aide, nos pleurs, notre soif de Lui et de Sa parole de consolation. Nous savons qu’il nous faut purifier nos intentions, demandons-Lui aussi cette grâce, de comprendre ce dont nous avons vraiment besoin. Et ici, aujourd’hui, malgré tout, aux portes de Sa et de notre ville, redisons notre désir de vraiment l’accueillir comme notre Roi et notre Messie, et de le suivre sur son chemin vers son trône, la croix. Mais nous lui demandons aussi de nous donner la force de la porter comme lui, avec son amour fécond.
+Pierbattista