Sous la plume de Christine Clerc :
"Ma génération doit beaucoup, paraît-il, à Simone de Beauvoir dont on célèbre le centenaire : elle fut une femme libre, vivant sans entraves ses liaisons avec Sartre, Lanzmann et Algren ; elle milita pour l’avortement et écrivit : «On ne naît pas femme, on le devient.» Je trouvais cela très fort. Aujourd’hui, je crois au contraire avec Antoinette Fouque, la fondatrice du MLF, qu’il est «impossible de se libérer en niant la différence des sexes» – et d’abord, la maternité. Pour l’avoir oubliée, nous avons pris beaucoup de retard dans le combat qui devrait être prioritaire : afin que des millions de mères seules aient les moyens matériels et intellectuels d’élever leurs enfants. Simone de Beauvoir s’en souciait-elle seulement ? Je relis la Force des choses et n’y trouve qu’une bourgeoise intello préoccupée de sa propre personne, confessant dans les années 1940 : «Ce que je n’ai pas découvert, c’est la manière de traduire par des actes mon opposition au nazisme» et partant, en 1945 – année de rationnement en France –, effectuer une tournée de conférences en Espagne et au Portugal. Là-bas, elle trouve des magasins «au luxe d’un autre âge» et s’achète tenues de cocktail et manteaux de fourrure. Dans la rue, cependant, elle voit des enfants nus et “scrofuleux”. «La bourgeoisie portugaise, note-t-elle, supportait très sereinement la misère des autres.» Elle aussi. Sa règle d’or : «Je ne m’appliquais pas au dégoût, ni à la compassion.» En sept cents pages, pas une once de générosité ! Beauvoir aura incarné, en somme, la “gauche ragondin”."