Dans un long entretien au Figarovox, en deux parties (1 et 2), Jean-Marie Guénois donne son analyse du pontificat. Extraits :
"Ses objectifs majeurs sont simples: réactiver – comme je démontre dans mon livre face aux esprits de gauche qui voient en lui un aimable chef religieux humanitaire social démocrate – l'élan missionnaire catholique dans l'Eglise. Jean-Paul II avait inquiété les milieux catholiques de gauche qui n'ont cessé de combattre sa «nouvelle évangélisation» mais François déclenche une «nouvelle-nouvelle évangélisation». Très «catholique» qui plus est! François, de ce point de vue, est un missionnaire de choc. C'est, en vérité, la seule chose qui l'intéresse vraiment. Il veut convertir au Christ, sans aucun complexe.
Mais à la différence de Jean-Paul II qui développa son charisme de façon global – il fut le premier pape mondial à l'heure où la mondialisation prenait forme- , à la différence de Benoît XVI qui porta son effort sur la qualité même des catholiques, veillant à leur formation intellectuelle et à leur enracinement spirituel, François, lui, vise les «anciens» catholiques. Les catholiques de nom, ceux qui sont seulement baptisés. Il s'adresse aussi aux non catholiques. Aux déçus ou aux indifférents. Il leur dit que le christianisme, tel que l'Eglise catholique le propose, n'est pas cette suite d'interdits qu'ils imaginent ou qu'ils repoussent. Ni cette religion d'initiés, donc inaccessible mais la religion de «la miséricorde de Dieu» ouverte «à tous», sans «barrières de douane». D'où sa mise au second plan des questions morales qui inquiète certains milieux.
En somme, son pontificat – on commence à le comprendre et c'est l'un des problèmes actuels – ne s'adresse pas aux catholiques… C'est paradoxal mais c'est aussi prophétique. Il est vrai que les milieux bourgeois cathos bien pensants agacent au plus haut point ce jésuite. Il a même parfois du mal à le cacher comme lors de la canonisation de Jean-Paul II… A ces catholiques le pape demande de se «convertir» d'aller «vers les pauvres», d'oser parler de leur foi chrétienne et de ne pas se contenter de sagement pratiquer.
Ce faisant, il réveille peut-être des «âmes habituées» aurait dit Péguy mais il prend le risque par ses formules au vitriol d'enfermer les plus fidèles des catholiques dans des caricatures, de juger leur foi, de leur donner mauvaise conscience. Ce qui a pour effet de cliver les communautés et finalement, d'indisposer. Il y a en effet beaucoup plus de foi et d'engagement dans ces milieux catholiques occidentaux, clercs et laïcs, européens et nord américains, que ce pape latino américain, connaît mal et comprend mal et qu'il fustige à longueur d'homélies.
Si tous les fidèles partagent sa volonté d'évangéliser, un malaise et une certaine défiance s'installent car on ne fait progresser un corps social en tapant régulièrement sur ses forces vives, surtout dans les pays occidentaux où l'Eglise catholique est vraiment très affaiblie… Comment rejoindre en effet les plus éloignés de l'Eglise en dénigrant les plus proches, les plus fidèles, ceux qui forment le noyau des communautés?"
