Le gouvernement a publié en catimini mercredi 24 décembre le décret d'application du très contesté article 20 de la loi de programmation militaire (LPM). Ce texte prévoit un accès très vaste des services de l'État aux télécommunications (téléphone, SMS, Internet, etc.) des Français, et à toutes les informations qui transitent par les réseaux nationaux.
La mesure de surveillance, pudiquement nommée "accès administratif aux données de connexion", avait été votée fin 2013 et entrera en vigueur le 1er janvier 2015. Le spectre terroriste permet au gouvernement de faire passer des mesures très floues et de tirer pleinement parti des systèmes d'information de plus en plus performants afin de surveiller la population.
Le décret du 24 décembre présente "le groupement interministériel de contrôle […], un service du Premier ministre chargé des interceptions de sécurité et de l'accès administratif aux données de connexion". Ce groupement est chargé de centraliser les demandes des agents et de les transmettre aux opérateurs concernés, en les épurant de toute information sensible.
En effet, si les services de l'État doivent justifier leurs requêtes auprès du Premier ministre (qui nomme une "personnalité qualifiée"), il est hors de question de transmettre ces explications aux opérateurs. Les fournisseurs d'accès ne sauront même pas de quel service ou ministère émane une demande, ni à quelle date elle a été formulée.
Peuvent donc être interceptés les
"informations ou documents traités ou conservés par les réseaux ou services de communications électroniques, y compris les données techniques relatives à l'identification des numéros d'abonnement ou de connexion à des services de communications électroniques, au recensement de l'ensemble des numéros d'abonnement ou de connexion d'une personne désignée, à la localisation des équipements terminaux utilisés ainsi qu'aux communications d'un abonné portant sur la liste des numéros appelés et appelants, la durée et la date des communications".
La formule "y compris" n'est aucunement exhaustive : difficile de faire plus vaste.
Trois ministères sont habilités à émettre des demandes. Le décret détaille le nombre impressionnant de services pour lesquels les vannes du Web français sont ouvertes :
– Au ministère de l'Intérieur :
- la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI),
- la Direction générale de la police nationale (unité de coordination de la lutte antiterroriste, Direction centrale de la police judiciaire, Direction centrale de la sécurité publique, Direction centrale de la police aux frontières),
- la Direction générale de la gendarmerie nationale (sous-direction de la police judiciaire ; sous-direction de l'anticipation opérationnelle ; service technique de recherches judiciaires et de documentation ; sections de recherches),
- la préfecture de police (Direction du renseignement ; direction régionale de la police judiciaire ; service transversal d'agglomération des événements ; cellule de suivi du plan de lutte contre les bandes ; sûreté régionale des transports ; sûretés territoriales).
– Au ministère de la Défense :
- la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE),
- la Direction de la protection et de la sécurité de la défense,
- la Direction du renseignement militaire.
– Au ministère des Finances et des Comptes publics :
- la Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières,
- le service de traitement du renseignement et d'action contre les circuits financiers clandestins.
Voilà un outil de surveillance de la population française qui aurait fait pâlir d'envie les pires dictateurs de l'histoire.