Le verbe macronien, quand il n’est pas télédiffusé en urgence suite à la crise des « gilets jaunes » un 10 décembre 2018, est généralement ample, articulé, riche et facile. Au-delà de l’indéniable aisance du président de la République quand le parterre d’invités est choisi, quels sont les éléments caractéristiques de son discours ? Pour répondre, reprenons celui donné à l’institut du monde arabe (IMA) à l’occasion de l’exposition « Chrétiens d’Orient : 2000 ans d’histoire », c’était le 26 septembre 2017.
On y retrouve bien sûr cette emphase, voire une sorte de boursouflure, comme un contentement de soi :
« A travers votre exposition, nous voulons envoyer un message clair. Ce passé glorieux nous oblige et ce passé glorieux tresse l’exigence d’un présent qui est le nôtre. ».
Et aussi :
« Partout où des minorités défendent leur foi, la France est à leurs côtés. Parce que nous croyons au pluralisme. Parce que ces traces de religions sont une part aussi de notre histoire, et de ce qui a fait la grandeur de notre pays et partout où on ampute, sur quelque continent que ce soit, et en particulier en Orient, un peu de cet histoire et de votre présence,on ampute une part de ce la dignité de la présence française ».
Cette emphase se retrouve aussi dans la jouissance avec laquelle il endosse une posture traditionnelle de la France, source et acteur supposés de l’universel, perçue comme de l’arrogance partout ailleurs :
« C’est la mission de la France au plus profond de son histoire, c’est ce pont jeté entre François 1eret nous aujourd’hui. C’est ce qui fait que la France a toujours porté un peu de cet universel, qui n’est pas un grand tout qui vise à nier les différences mais qui est cette exigence portée dans tous les continents permettant à chacune et chacun de croire, de poursuivre. »
Le discours macronien prend ses désirs pour des réalités. L’histoire retiendra sans doute l’impuissance géopolitique française malgré les affirmations tonitruantes :
« Je veux dire aux chrétiens d’Orient que la France est à leurs côtés, que notre priorité sera bien non seulement la défense de leur histoire, de cette trace que l’exposition d’aujourd’hui permet, non pas de redorer mais de défendre, mais je veux surtout que leur foi, leur engagement leur présence puissent se conjuguer à l’actuel complet et véritable. »
Et aussi :
« Dans la construction d’une solution politique durable et inclusive en Syrie, il y aura bien la place de toutes les minorités, la place de toutes les religions et en particulier la place des chrétiens d’Orient ».
Cela rappelle la récente adresse d’Emmanuel Macron aux Tchèques et aux Slovaques dans laquelle il oubliait simplement le rôle de la France dans les accords de Munich en 1938 !
Le discours d’Emmanuel Macron décrit un monde fantasmé. La diversité y est belle, la coexistence religieuse évidente (« La présence chrétienne reste ce témoignage inestimable de la coexistence de plusieurs religions en Orient »). Et quand on cite le terrorisme ou les attentats, c’est de façon allusive :
« Vous êtes chacune et chacun par votre foi, vos histoire singulière, votre action politique, votre engagement culture, votre vie propre, ces ponts jetés entre tout ce qui aurait pu opposer ces pays, ces régions, ces langues, ces cultures ; vous êtes la trace vibrante qui résiste à l’imbécillité des hommes. Dans une région où certains voudraient qu’elle ne leur soit pas destinée ou plus réservée. »
Le discours d’Emmanuel Macron élude tout le réel qui pourrait fâcher : rien sur le risque d’une disparition totale des chrétiens de ces pays d’Orient (berceau du christianisme), rien sur Daech ou sur l’état islamique, rien sur les milices islamiques que la France a contribué à armer en Syrie, rien sur les exodes (le nombre de chrétien en Irak divisé par plus de trois depuis 2003, le nombre de chrétiens en Syrie divisé par plus de deux), rien sur les lieux de cultes détruits et empêchés, rien sur le statut de citoyens de seconde zone, sur les discriminations ni la dhimmitude (cf au Sénat le 13/02/2014 déjà – M. Hervé Marseille attire l’attention de M. le ministre des affaires étrangères sur la situation des chrétiens en Égypte :il semblerait que 492 églises et bâtiments de services chrétiens aient été incendiés ou attaqués ; les tribunaux manquent d’impartialité et condamnent les victimes coptes tout en relaxant les criminels. La conversion et le mariage forcé des jeunes filles continuent…), rien sur une présence des chrétiens devenue finalement si faible (hormis le Liban) : 1% en Irak ? 2% en Syrie ? 0,3% en Iran ? 0,1% en Turquie ? 4% en Jordanie ? qu’effectivement, bientôt, il n’y aura plus que l’histoire à célébrer. La seule personnalité politique nommément ciblée est Bachar Al Assad, pourtant justement considéré par les chrétiens de Syrie comme un rempart («On a parfois voulu dire que défendre les chrétiens d’Orient, ce serait accepter toutes les compromissions. Non, défendre les chrétiens d’Orient, ça n’est pas défendre Bachar Al Assad. C’est être à la hauteur de l’exigence historique qui est la nôtre. Et c’est justement ne laisser aucun opposant à ce dernier »). Tirer sur l’ambulance, c’est tellement plus facile.
Mais il est vrai qu’on était là pour une exposition et pour le coup, Emmanuel Macron n’hésite pas :
« C’est pourquoi nous nous sommes engagés à défendre les œuvres d’art et les créations partout où elles sont menacées par le fondamentalisme le plus abject, par le terrorisme. ».
Au pire, Emmanuel Macron pourra toujours créer un musée-mémorial.
Et il est vrai qu’on était à l’institut du monde arabe, chez son « cher Jack Lang » (bientôt 80 ans, mais il n’y a pas d’âge pour profiter des prébendes de l’Etat) et qu’il ne faudrait pas choquer. Quitte à travestir ou cacher la réalité.
Emmanuel Macron est en somme le croisement de Dalida (Paroles, paroles, paroles) et de François, le héros du livre de Michel Houellebecq, Soumission, mot qui en arabe signifie… islam.
F. JACQUEL
En ce qui concerne le Général, je m’autorise 2 bémols :
– le 4 juin 1958, il commence son célèbre discours par “Je vous ai compris”, qui sera la source d’énormes malentendus et une des causes de la création de l’OAS;
– “Jamais, de mon vivant, le drapeau du FLN ne flottera sur l’Algérie”. Dans son discours du 16 septembre 1959, ce propos entrediendra un mythe, alors qu’il avait déjà décidé de donner son indépendance à l’Algérie.
philippe paternot
le discours officiel : l’islam est compatible avec la république, pas d’amalgame, des déséquilibrés, et ensuite des discours, des bouquets et des bougies!
DUPORT
M. Macron appartenait au gouvernement Hollande qui bloquait systématiquement tous les visas des chrétiens d’Orient voulant se réfugier en France…