Originaire de Russie, où il a grandi sous le régime soviétique, le prêtre et religieux assomptionniste Édouard Shatov vit aujourd’hui à Québec où il dirige le Centre culture et foi Le Montmartre. Il a été interrogé par Le Verbe sur notre rapport à la liberté. Extrait :
En Russie, vous avez connu le régime soviétique communiste. Qu’est-ce qui était le plus difficile au quotidien dans cette société ?
On n’imagine pas jusqu’à quel point, sous le prétexte de l’égalité, on instaurait le totalitarisme, c’est-à-dire l’égalitarisme total, et sous le prétexte du bien commun, on instaurait la destruction de la confiance et la surveillance de tout le monde.
Comment brisait-on la confiance ?
Mais par des choses toutes simples : les parents surveillaient leurs enfants et dénonçaient leurs enfants ; les enfants surveillaient leurs parents et dénonçaient leurs parents ; les collègues de l’université faisaient des rapports mutuels les uns sur les autres.
Je n’oublierai jamais l’histoire d’une de mes professeures à l’université qui est allée faire un stage pour étudier en Allemagne de l’Est avec d’autres collègues. Est alors née une belle histoire d’amour entre elle et un garçon. Mais quand ils sont rentrés en Russie, le recteur de l’université l’a convoquée dans son bureau, il a ouvert un tiroir et sorti tous les rapports que le garçon écrivait sur elle, sur ce qu’elle disait, en public, mais aussi aux moments les plus intimes de leurs rendez-vous.
Dans ce régime, rien ne reste privé. Tout est dévoilé, et surtout, tout est exposé au regard de l’autre. Tout peut servir, sans aucune preuve ou cause d’ailleurs, contre vous. Évidemment, cette atteinte à la liberté se fait souvent sous la perversion du langage, en présentant cela par exemple comme une mesure nécessaire « pour le bien commun ».
Vous comprendrez que même si je ne veux pas dresser un parallèle avec nos sociétés, des clignotants rouges s’allument en moi d’une manière automatique quand j’entends certaines phrases, par exemple : « Surveillez-vous les uns les autres » et « dénoncez-vous les uns les autres », toujours au nom du bien commun.
Est-ce qu’on se sent libre dans une société communiste ?
Je pense que oui malgré tout. Car comme disait la philosophe anglaise Iris Murdoc : « Nous sommes toujours libres, tout dépend de quelle liberté nous parlons ». Il y a la liberté extérieure qui peut être limitée dans certains cas, mais même là, nous avons toujours la possibilité d’opérer des choix, et ça, c’est la liberté intérieure.
Très souvent aussi, quand on parle de la liberté dans la société d’aujourd’hui, on parle seulement de la liberté « de » : je suis libre « de » ne pas faire ceci, ou bien je ne suis pas libre « de » faire cela.
Mais il y a une autre manière de vivre la liberté, c’est la liberté « pour » : je suis libre « pour » aider quelqu’un, je suis libre « pour » l’idéal qui me fait vivre, je suis libre même « pour » donner ma vie « pour » ceux que j’aime.
Dans la société communiste, comme dans la société démocratique, il y a toujours ce discernement à opérer entre la liberté extérieure et la liberté intérieure, la liberté « de » et la liberté « pour ». Et il ne faut jamais oublier non plus que tout choix porte des conséquences.
Est-ce qu’on a la liberté de vivre sa foi en régime communiste ?
On peut toujours vivre sa foi, mais il faut cependant être prêt à en assumer les conséquences justement.
Tout dépendait des régions de l’Union soviétique, mais dans la plus grande partie, si vous étiez repéré comme vivant activement votre foi, vous pouviez perdre votre travail, vous ne pouviez pas entrer dans certaines facultés de l’université, vous ne pouviez pas exercer certaines fonctions publiques.
Je connais une femme qui, par exemple, seulement parce qu’elle était baptisée, a été dénoncée et a été condamnée à 14 ans de travaux forcés dans le Goulag, c’est-à-dire le camp de concentration communiste.
Est-ce exagéré de dire que notre société a des tendances au totalitarisme ?
Toutes les sociétés tendent toujours vers le totalitarisme ou vers l’anarchie.
Il y a toujours comme deux extrêmes : ou bien on fait ce qu’on veut, peu importe les conséquences, parce que « moi je décide que c’est bon de le faire », ou bien il nous faut une main forte, un homme ou une femme forte, qui règlera tous nos problèmes, qui dira comment il faut faire, et on instaurera l’ordre où tout le monde sera « heureux ».
Il y a toujours cette tension. Et précisément, c’est entre ces deux tensions que se situe l’éducation du libre arbitre pour faire les choix libres, responsables et constructifs. […]
VIVANT
Je suis surpris qu’un prêtre orthodoxe parle ainsi de la liberté sans parler du Libérateur de la liberté humaine. Cf. Romains 12, 2 et le discernement. Etes-vous certain que ce type soit un prêtre ordonné ?
Michel Janva
Lisez l’intégralité de l’entretien, dont je n’ai cité qu’un extrait svp.
VIVANT
Merci M. Michel Janva. J’ai lu. Lamphone Phonevilay : des jeux vidéos à la vie religieuse (le-verbe.com)
La suite parle de Dieu créateur de l’homme libre. Vous serez d’accord avec moi pour dire qu’il serait bon que ce prêtre porte une croix quand il fait une vidéo destinée au public. Il faut valoriser la séparation-distinction sacrée entre laïcs et clercs afin de revitaliser le tout.
Gaudete
mais bien sur que nous nous dirigeons tout droit vers un régime communiste, le pass auschweis on devrait dire n’est autre que l’émanation d’un dictateur, il ne peut en être autrement et ça me fait rire tous ces gens qui courent après pour aller au ciné ou au restau, pauvres types
philippe paternot
le passeport intérieur a été imposé aux soviétiques , ça ne vous fait penser à rien?
au canada ils ont commencé à faire des autodafés de livres bigrement dangereux comme tintin, astérix et lukyluke ! ça ne vous fait penser à rien ?