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France : Société

St Thomas d’Aquin au Bac de philosophie

Parmi les sujets du Bac de philosophie, qui s'est déroulé aujourd'hui, on trouve celui-ci (série Littéraire) :

"Expliquez le texte suivant :

Parce que les actes humains pour lesquels on établit des lois
consistent en des cas singuliers et contingents, variables à l'infini,
il a toujours été impossible d'instituer une règle légale qui ne serait
jamais en défaut. Mais les législateurs, attentifs à ce qui se produit
le plus souvent, ont établi des lois en ce sens. Cependant, en certains
cas, les observer va contre l'égalité de la justice, et contre le bien
commun, visés par la loi. Ainsi, la loi statue que les dépôts doivent
être rendus, parce que cela est juste dans la plupart des cas. Il arrive
pourtant parfois que ce soit dangereux, par exemple si un fou a mis une
épée en dépôt et la réclame pendant une crise, ou encore si quelqu'un
réclame une somme qui lui permettra de combattre sa patrie. En ces cas
et d'autres semblables, le mal serait de suivre la loi établie ; le bien
est, en négligeant la lettre de la loi, d'obéir aux exigences de la
justice et du bien public. C'est à cela que sert l'équité. Aussi est-il
clair que l'équité est une vertu. L'équité ne se détourne pas purement
et simplement de ce qui est juste, mais de la justice déterminée par la
loi. Et même, quand il le faut, elle ne s'oppose pas à la sévérité qui
est fidèle à l'exigence de la loi ; ce qui est condamnable, c'est de
suivre la loi à la lettre quand il ne le faut pas. Aussi est-il dit dans
le Code [Code publié par Justinien en 529] : « II n'y a pas de doute qu'on pèche contre la loi si, en
s'attachant à sa lettre, on contredit la volonté du législateur ». II
juge de la loi celui qui dit qu'elle est mal faite. Mais celui qui dit
que dans tel cas il ne faut pas suivre la loi à la lettre, ne juge pas
de la loi, mais d'un cas déterminé qui se présente.

Thomas d'Aquin, Somme théologique"

Bon courage aux commentateurs.

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17 commentaires

  1. D’où l’utilité d’une conscience droite et bien formée chez ceux qui ont des responsabilités (les juges et les politiques aussi !)…

  2. Il n’est pas si rare de le trouver au bac philo, il était en série technologique il y a quelques années. Il figure dans tous les manuels, aux professeurs de le choisir parmi les auteurs étudiés. Je ne ferai pas de commentaire de ce grand texte, j’attends de corriger les copies qui arrivent demain. A noter que la vérité, la morale et le bonheur étaient à l’honneur, il n’y a plus qu’en philo que les élèves abordent ces sujets qui semblent absents de la vie de beaucoup.

  3. je parie qu’en mettant ça c’était pour défendre la cause des clandos !!!

  4. Ce texte fait partie des grands textes de saint Thomas d’Aquin.
    Il révèle une vertu (l’équité, qui parfois peut exiger la désobéissance à la lettre de la loi) très combattue, tant par le pouvoir civil que par certains hiérarques ecclésiastiques…
    Dans les temps de crise que nous vivons, il importe au plus haut point de former en soi cette vertu.
    Suivez mon regard !

  5. Et qui a autorité pour dire ce qui est ou non conforme aux “exigences de la justice et du bien public” ? Si c’est chaque particulier, en consultant sa propre conscience, comme sa conscience peut être mal formée ou obscurcie, il n’y a pas d’espoir d’avoir jamais la moindre unité sociale. Si c’est le chef suprême de la religion à laquelle on appartient, il y aura autant d’opinions différentes que de religions autorisées, et ce sera la même anarchie. Conclusion : la loi et son interprétation légitime ne peuvent procéder que de la même et unique personne, qui parle au nom de Dieu pour la totalité du genre humain. Si un tel personnage n’existe pas, ou s’il paraît impossible de discerner avec certitude qui il est, parmi le nombre de ceux qui peuvent prétendre à la même fonction, alors tout effort de cohésion sociale est d’avance condamné à l’échec, et c’est l’ensemble de la réflexion politique que l’on doit considérer comme une perte inutile d’énergie intellectuelle.

  6. @ Babar :
    Meuh non, voyons ! Vous n’y êtes pas du tout : c’était pour défendre la contre-manifestation non autorisée devant la primatiale de Lyon ! Pour une fois que l’EN prend fait et cause pour les cathos… :D
    J’ajouterais bien un truc ou deux sur la FSSPX mais je vais encore me faire taper sur les doigts. ^^

  7. Qui a dit que le niveau du bac baissait ?

  8. C’est un texte à double tranchant, et subversif, puisqu’il appelle à relativiser la loi.
    Saint Thomas, penseur d’élite, s’adressait aux élites, à ceux qui sont capables d’apprécier le bien-fondé ou non d’une loi. Au risque de paraître prétentieux et je ne sais quoi, je dirai que ce texte n’est pas à mettre entre toutes les mains, ainsi que cela est fait pour le Bac.
    Mal interprété, il peut être dangereux.

  9. Nietzche est plus convainquant qui dit que la loi est toujours du plus fort,et la Morale, souvent une injustice déguisée,donc opposée à l’équité

  10. le fameux devoir de désobéissance civil embusqué entre les lignes. Grossièrement maquillé en camion volé pour rebellocrates bien-pensants et autre pauvres décérébrés, fruits de notre merveilleuse institution nationale.
    Tout l’art de pervertir un noble concept en lui faisant dire l’inverse de ce qu’il véhicule : justice et bien public.
    L’enfer est pavé de bonne intentions.
    Voila un autre concept qu’il est plus qu’urgent d’étudier.

  11. @ CV: vous aussi vous récupérez les copies de philo demain? Héhé, on à de bonnes heures de correction devant nous cher ami. Et pour tout vous dire, ça me gonfle d’avance^^

  12. En revanche, je me souviens d’une interview de Jean Guitton disant qu’il n’était dans aucun programme…
    En fac de Philo, j’ai eu à travailler sur le Proslogion de Saint Anselme.

  13. Tiens Saint Thomas d’Aquin a perdu sa sainteté en passant à l’Education Nationale ?!
    Affligeant.

  14. Un texte plein de bon sens. La lettre tue, l’esprit vivifie. Mais cela suppose une conscience convenablement formée.

  15. Telemaque, le texte n’est pas à double tranchant, puisqu’il fait de l’équité une vertu, donc une exigence morale conforme au bien; il ne s’agit en aucun cas de relativiser la loi, mais de l’appliquer non pas de façon égale pour tous, mais en tenant compte des circonstances; c’est toute la difficulté des réflexions sur les actes humains, qui sont contingents. L’équité ne s’entend que comme application juste d’une loi juste, c’est à dire conforme au droit naturel.
    Bon courage à vous, Henry, quelques perles nous attendent!!

  16. Le Code de Justinien date de 534, pas de 529. Bravo l’éducation nationale!

  17. Pas d’ambiguïté chez Saint Thomas, les exemples illustrent parfaitement ce qu’il dit. En plus vous remarquerez qu’il a supposé que les lois proclamés sont justes! Ce qui arrive la plus souvent (oh qu’il est cohérent!). Et il est très clair ici: “Cependant, en certains cas, les observer va contre l’égalité de la justice, et contre le bien commun, visés par la loi”. Et oui c’est la fin qu’on veut atteindre, et si le moyen contredit la fin, il faut changer de moyen. C’est tout bête! ou plutôt c’est prodigieusement simple et intelligent!
    Appliquez le principe de la fin et des moyens en vue de la fin au salut de votre âme, c’est salutaire! Et quand vous lisez un ouvrage de morale, gardez le principe en tête sinon vous ne comprendrez rien!
    J’espère que les candidats l’ont cité ce principe parce que sinon il manque la pierre d’angle du commentaire…

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