Partager cet article

Suivre la messe avec le missel

Vidéos

Le missel, du latin missale ou liber missalis (livre de messe) est au sens le plus large du mot un livre contenant les prières de la messe. En un sens plus précis, le terme désigne depuis les IXe-Xe siècles le livre qui contient toutes les prières de la messe, celles dites par le prêtre et celles chantées par le chœur, le diacre ou le sous-diacre : on parlait parfois en ce sens de missel « plénier », puisqu’il était la réunion en un seul volume de plusieurs livres dont l’origine est largement antérieure à cette époque.

Des sacramentaires, lectionnaires et antiphonaires… au missel « plénier »

Le premier de ces livres, le plus central, est le sacramentaire. Il contenait les paroles dites ou chantées par l’évêque ou par le prêtre[1] dans la célébration de la messe, comme les oraisons, le canon, les prières d’intercession ; mais aussi parfois les rites du baptême, des ordinations et quelques bénédictions. Ces sacramentaires contenaient peu d’indications relatives à la manière de célébrer la messe (ce qu’on appelle aujourd’hui les rubriques, en rouge dans les missels), qu’il fallait chercher dans les ordines, véritables manuels de liturgie dont les plus anciens à notre disposition remontent au VIIIesiècle. Enfin, si l’on pousse très loin dans le temps, on peut remonter à une époque où certaines parties de l’ordinaire de la messe et même du canon étaient conservées à part, notamment les diptyques, prières d’intercession et liste d’intentions, qui ont d’abord existé sous forme de tablettes ou de feuillets indépendants, ensuite ajoutés aux sacramentaires.

Le terme lectionnaire désigne quant à lui tous les livres liturgiques contenant des passages de l’Écriture lus pendant la liturgie ; le premier lectionnaire fut tout simplement la Bible (dans certains manuscrits, les passages à lire dans la liturgie sont indiqués en marge). Lorsque l’on édita des livres propres, on distingua entre l’épistolier (pour l’épître, lue par le sous-diacre) et l’évangéliaire (pour l’évangile, lu par le diacre).

Enfin, les parties chantées par les chantres ou le chœur étaient notées dans un antiphonaire, parfois appelé aussi cantatorium ou graduel.

Historiquement, c’est avec la généralisation des messes basses que se produit l’unification de ces différents livres : le prêtre doit en effet réciter lui-même les parties autrefois réservées aux autres acteurs de la liturgie, il faut donc que son propre livre contint aussi les épîtres, évangiles, introïts, graduels… en plus des oraisons et du canon de la messe. C’est ainsi qu’à la fin du Iermillénaire, on passe du sacramentaire au missel plénier. Ce développement des missels pléniers continua avec parfois de nombreuses variantes, jusqu’à l’époque du Concile de Trente, ou le pape Pie V décida d’unifier la prière liturgique en étendant à toute la chrétienté latine l’usage du missel de la Curie romaine (originellement missel des franciscains).

Des missels d’autel aux missels des fidèles

L’existence de versions traduites et parfois commentées du missel, à destination des fidèles, est une tradition qui remonte déjà à plusieurs siècles, et qui a connu une histoire mouvementée. Dom Prosper Guéranger était un fervent opposant de ces traductions[2] : il en mentionne la trace dès le XVIIe siècle, puisque le fait fut selon lui dénoncé au Saint-Siège en 1660[3]. Selon lui, cet usage provient notamment des milieux proches du jansénisme et du gallicanisme : l’un des arguments avancés à l’époque aurait été celui de l’apostolat auprès des protestants, dans les années précédant la révocation de l’Édit de Nantes. Au siècle suivant, le débat autour de l’usage de traductions de l’ordinaire de la messe est encore vif : les jésuites semblent en avoir été de fervents opposants jusqu’à leur interdiction dans le dernier quart du XVIIIe siècle.

C’est à partir de la seconde moitié du XIXesiècle, et jusque dans les années 1960, que se déploya l’âge d’or du missel des fidèles, édité très largement en de nombreuses versions, avec commentaires, gloses, explications… La réforme liturgique a considérablement réduit l’usage des missels des fidèles : le déploiement des lectures bibliques sur deux ou trois ans rendant presque impossible l’édition d’un missel contenant la totalité des textes de la liturgie (même le « missel romain » employé à l’autel ne contient pas tous les textes).

Les origines de l’année liturgique

L’Église n’a pas eu dès l’origine un calendrier propre : elle a d’abord suivi les usages des lieux où elle s’était établie. L’année liturgique se réduisait à la fête de Pâque, à la Pentecôte, et à quelques mémoires locales de martyrs. Lorsque ces fêtes se multiplièrent (IIIe-IVe siècles), on dut se préoccuper d’en noter les dates dans un calendrier déterminé, souvent local. Puis la communication entre les différentes Églises permit une relative universalisation du culte des saints et une harmonisation des pratiques. À partir du IVe siècle, on commença à intégrer le calendrier dans les sacramentaires, au début du volume… Ces documents anciens font découvrir le visage de l’année liturgique chrétienne.

L’année liturgique appartient au mystère de la vie de l’Église : elle est le cycle du temps, en tant qu’il est organisé et vécu par l’Église, et sanctifié par l’économie du salut. En l’espace d’un an, la liturgie permet ainsi aux fidèles de revivre tous les mystères de la vie du Christ, et ainsi de le rencontrer chaque jour. L’année liturgique est aussi comme une image de notre vie, qui passe par le péché originel, l’arrivée de la grâce, le combat spirituel et la mort à nous-mêmes, pour aboutir à la résurrection finale. L’année liturgique est enfin un résumé de l’histoire du salut, partant de l’attente du Messie, passant par sa conception et sa naissance, traversant sa vie jusqu’à la mort et la Résurrection, dont elle nous montre les fruits pour l’Église à travers la Pentecôte et les dimanches qui la suivent, jusqu’à la parousie que préparent les derniers dimanches du cycle. On pourrait dire la même chose du jour liturgique, avec le lever du soleil et son mouvement croissant puis décroissant, qui illustre le cours de notre vie terrestre et la figure de ce monde qui passe. Au cœur de chaque journée, le saint sacrifice de la messe récapitule lui aussi toute l’histoire du salut. L’année liturgique est donc un moyen unique de sanctification, possédant sa propre efficacité surnaturelle. Comme l’écrit dom Guéranger :

Si l’Église renouvelle chaque année sa jeunesse, comme l’aigle, c’est parce que, au moyen du Cycle liturgique, elle est visitée par son Époux dans la proportion de ses besoins. Chaque année, elle le revoit enfant dans la crèche, jeûnant sur la montagne, s’offrant sur la croix, ressuscitant du sépulcre, fondant son Église et instituant ses Sacrements, remontant à la droite de son Père, envoyant l’Esprit-Saint aux hommes ; et les grâces de ces divins mystères se renouvellent tour à tour en elle, en sorte que, fécondé selon le besoin, le Jardin de l’Église envoie à l’Époux en tout temps, sous le souffle de l’Aquilon et de l’Auster, la délicieuse senteur de ses parfums. Chaque année, l’Esprit de Dieu reprend possession de sa bien-aimée, et lui assure lumière et amour; chaque année, elle puise un surcroît de vie dans les maternelles influences que la Vierge bénie épanche sur elle, aux jours de ses joies, de ses douleurs et de ses gloires; enfin, les brillantes constellations que forment dans leur radieux mélange les Esprits des neuf chœurs et les Saints des divers ordres d’Apôtres, de Martyrs, de Confesseurs et de Vierges, versent sur elle chaque année de puissants secours et d’inexprimables consolations[4].

Sous leur aspect matériel et historique, les mystères que commémore l’année liturgique sont passés et terminés, et pourtant la vertu sanctificatrice des mystères du Christ demeure et les événements du salut s’actualisent réellement lorsque l’Église les célèbre. En effet chacun des actes de Notre Seigneur sur terre fut passager et transitoire, mais le Christ qui l’a accompli demeure, et sa puissance exercée en chaque action dure pour toujours.

Les mystères de Jésus sont passés quant à l’exécution, mais ils sont présents quant à la vertu, et leur vertu ne passe jamais, ni l’amour ne passera jamais avec lequel ils ont été accomplis… la disposition vive par laquelle Jésus a opéré ce mystère est toujours, présente et actuelle à Jésus… cela nous oblige à traiter les choses et les mystères de Jésus, non comme choses passées et éteintes, mais comme choses vives et présentes, et même éternelles, dont nous avons aussi à recueillir un fruit présent et éternel[5]

Les fêtes [6] de l’année liturgique ne sont donc pas des anniversaires[7] : « Elles sont une présentation actuelle, une remise dans le présent des différents mystères qui nous deviennent ainsi présents, actuels et vivants, et s’insèrent quant à leur vertu sanctificatrice dans notre présent à nous, pour nous appliquer actuellement, hic et nunc, les effets sanctifiants pour lesquels ils ont été vécus pour nous à tel moment historique de la vie de Jésus »[8].

Les grands temps liturgiques : temporal et sanctoral

La notion de temps liturgique s’articule concrètement autour de trois bases, dont chacune peut prétendre à une origine apostolique certaine :

– le premier fondement de l’année liturgique est la fête de Pâques, la résurrection du Christ, pierre d’angle de notre foi, vers laquelle toute sa vie converge et qui inclut indissolublement le mystère de la Passion et de la Croix.

– le second repère est le dimanche, pivot de la semaine, lié à Pâques puisqu’il exprime l’idée de la Résurrection, rappelée et célébrée au sein de chaque semaine.

– la troisième base est le jour, sanctifié au long des heures diurnes et nocturnes par la prière liturgique (l’office divin). Pendant plusieurs siècles, le jour liturgique a été compté sur le modèle hébraïque, commençant avant la tombée de la nuit par la prière des premières vêpres, pour s’achever par celles du lendemain. Cet enchevêtrement des jours (que l’on retrouve encore chaque dimanche et fête de Ire classe – qui commencent aux vêpres du soir précédent) donne une idée de l’éternité.

Lorsque l’on ouvre un missel (le missel d’autel ou un missel des fidèles), on trouve généralement deux parties bien distinctes, séparées par les pages de l’ordinaire de la messe : le temporal et le sanctoral.

Le temporal contient tous les dimanches et les fêtes à date mobile (car fixées en fonction de celle de Pâques) : Ascension, Pentecôte, Sainte Trinité, Saint-Sacrement (Fête-Dieu), Sacré Cœur… mais on y trouve aussi les quatre-temps (célébrations saisonnières) et quelques fêtes à date fixe : Noël, l’Épiphanie et les jours de leurs octaves (saint Étienne, saints Innocents, saint Jean…).

Le sanctoral contient toutes les autres fêtes à date fixe, principalement les fêtes de saints du calendrier liturgique, en commençant généralement au début (approximatif) de l’Avent, soit à la fête de saint André (le 30 novembre)

Les deux cycles du temporal et du sanctoral s’articulent tout au long de l’année pour rythmer les célébrations de l’année liturgique. Si celle-ci commence aujourd’hui avec l’Avent, le premier temps liturgique identifié dans l’histoire de l’Église était celui qui entoure la fête de Pâques, qui a été durant trois siècles la première et sans doute la seule fête de l’année. Au IVe siècle, ce jour de fête était étendu sur trois jours (le triduum), depuis le vendredi saint. En même temps s’est imposée l’idée d’une préparation de quarante jours : le carême, qui fut bientôt précédé à son tour d’un « avant-carême » (le temps de la Septuagésime, dont on trouve trace chez saint Grégoire le Grand en 590). La fête de Pâques est prolongée par une octave, huit jours durant lesquels les nouveaux baptisés participaient aux offices de chaque jour en conservant la robe blanche reçue lors de la vigile pascale. La tonalité festive se poursuit ensuite au cours des sept semaines de temps pascal. La solennité de l’Ascension fait partie des plus anciennes fêtes de l’Église, placée quarante jours après Pâques et dix jours avant la Pentecôte : on y faisait à Jérusalem une procession accompagnant le Christ vers le Mont des Oliviers. Puisqu’elle était (comme Pâques) à l’origine une fête juive, la Pentecôte fait partie des plus anciennes dates du calendrier chrétien. Elle est également suivie d’une octave, apparue un peu plus tardivement (avant le VIIe siècle toutefois). Le cycle de la Pentecôte se poursuit ensuite sur au moins 24 semaines (variable selon la date de Pâques), au cours desquelles on retrouve plusieurs fêtes introduites plus ou moins récemment : fête de la Sainte-Trinité (premier dimanche après la Pentecôte), du Saint-Sacrement (jeudi suivant le premier dimanche), du Sacré-Cœur (vendredi suivant le deuxième dimanche)…

Avec le dernier dimanche de la Pentecôte, s’achève l’année liturgique : une nouvelle année commence, et s’ouvre sur un nouveau cycle, celui de Noël et de l’Épiphanie. Ces fêtes apparaissent et se généralisent autour du IVesiècle, prenant de l’importance dans le contexte de lutte contre l’arianisme (hérésie qui niait la divinité du Christ). Au Ve siècle on y ajoutera donc un temps préparatoire : l’Avent.

Astuces pour bien utiliser le missel des fidèles

L’utilisation du missel des fidèles est une grande aide pour la dévotion et la participation au saint sacrifice de la messe, elle peut toutefois devenir un piège si l’on reste enfermé entre ses pages, ou – pire encore – si l’on s’y perd…

Pour en faire un usage efficace, il est recommandé de préparer à l’avance son missel (ou de se faire assister pour bien le préparer), en repérant les différentes pages qui seront à consulter durant la messe (et que l’on pourra marquer d’un signet ou d’une image).

l’ordinaire de la messe, qui contient toutes les prières « ordinaires » (les mêmes à chaque messe) dites ou chantées par le prêtre, le chœur et l’assistance. C’est la référence pour suivre le déroulement de la liturgie. À certains moments de la liturgie, l’ordinaire nous renvoie vers les prières « propres », celles qui changent chaque jour, et qu’il faut aller chercher, soit dans le temporal, soit dans le sanctoral, en fonction de la fête célébrée.

– le temporal (généralement situé au début du missel, avant l’ordinaire) : c’est le plus souvent vers lui qu’on se tourne pour les prières « propres » si l’on est un dimanche, une fête mobile (Pâques, Ascension…)

– le sanctoral (généralement situé dans la deuxième moitié du missel, après l’ordinaire) : c’est le plus souvent vers lui qu’on se tourne pour les prières « propres » si la fête du jour est à date fixe (Immaculée Conception le 8 décembre, Saint Joseph le 29 mars, La Toussaint le 1er novembre…)

– Il arrive cependant que certains saints n’aient pas de messe spécialement composée pour eux : le missel renvoie donc vers des textes « communs » : commun des martyrs, pontifes, confesseurs, vierges…, placés avant ou après le sanctoral.

– Certains jours où il n’y a pas de fête obligatoire dans le calendrier liturgique ; le prêtre peut alors choisir de célébrer une messe votive. Certains formulaires de messes votives sont associés à un jour (comme les messes en l’honneur de la Sainte Vierge, le samedi) ; d’autres peuvent être dits pour des occasions particulières, comme la messe de mariage, ou la messe pour l’élection du souverain pontife…

– enfin, la liturgie des défunts peut souvent être trouvée à la fin du missel.

Partager cet article

Nous utilisons des cookies pour vous offrir la meilleure expérience en ligne. En acceptant, vous acceptez l'utilisation de cookies conformément à notre politique de confidentialité des cookies.

Paramètres de confidentialité sauvegardés !
Paramètres de confidentialité

Lorsque vous visitez un site Web, il peut stocker ou récupérer des informations sur votre navigateur, principalement sous la forme de cookies. Contrôlez vos services de cookies personnels ici.


Le Salon Beige a choisi de n'afficher uniquement de la publicité à des sites partenaires !

Refuser tous les services
Accepter tous les services