Face aux grévistes de la communion, l'abbé Matthieu Rougé, curé de St Ferdinand des Ternes à Paris, pulie une tribune en réponse dans Le Monde. Il a intitulé son texte "La grâce des décisions sereines". Le Monde a préféré titrer "Accueillons gays et divorcés dans l’Eglise sans nous renier"… ce qui s'appelle une trahison :
"Qu’est-ce qu’un Synode ? Ce n’est pas une réunion politique qui, prisonnière des pressions contradictoires de lobbies partisans, s’imagine pouvoir trouver son salut dans de simples effets d’annonce. C’est une retraite : des évêques, entourés d’experts et d’acteurs de terrain, se rassemblent fraternellement autour du Pape pour prier et réfléchir sérieusement en vue de décisions à la fécondité durable.
Ce choix de la sérénité et du sérieux a été renforcé par la décision inédite du Pape François d’organiser un synode en plusieurs étapes : une large consultation, une première assemblée, une année d’approfondissement et une assemblée conclusive en octobre 2015, à partir de laquelle le Pape prendra ses décisions. « Processus laborieux », penseront certains. A notre époque de perpétuel emballement médiatique, une des premières missions de l’Eglise est au contraire de témoigner en faveur du temps long et des décisions sereines.
Quel est l’objectif de ce processus synodal ? Aider le plus grand nombre de familles, dans la complexité des circonstances actuelles, à vivre un bonheur durable et rayonnant à la lumière de l’Evangile. L’enjeu de ce questionnement est principalement ecclésial mais il concerne aussi toute la société, tant il est vrai que la fragilité contemporaine des familles contribue largement à la « fracture sociale » dénoncée depuis longtemps et jamais résorbée.
Que dire aux familles qui sont blessées par des ruptures ? La richesse chrétienne par excellence, le pardon, doit pouvoir être mobilisée en amont de séparations définitives. Mais quand une rupture est survenue, comment accompagner les personnes qui se retrouvent isolées ? Il existe ici et là dans l’Eglise des fraternités de personnes divorcées dont l’audace spirituelle devrait faire école si elles étaient mieux connues et valorisées.
Les personnes divorcées qui se sont remariées civilement sont chez elles dans l’Eglise. Le poids qu’elles ont à porter appelle une sollicitude spécifique à leur égard et à l’égard de leurs enfants. Mais la solution pour ces couples est-elle de faire comme si de rien n’était ? Le synode s’est finalement prononcé sur ce point en faveur d’un approfondissement ultérieur. En rester à un assouplissement de type disciplinaire serait une réponse insuffisante aux complexités de la recomposition familiale. Il ne s’agit donc pas de fermer quelque porte que ce soit mais de chercher avec un surcroît de profondeur spirituelle quelle porte vraiment originale ouvrir.
La question de l’accueil des personnes homosexuelles n’est pas d’abord un sujet familial. Chacun est le bienvenu dans l’Eglise quel que soit son chemin de vie. Pour tous peut s’ouvrir un itinéraire de rencontre avec le Christ et de découverte progressive des exigences de son amour. Mais il n’est pas contradictoire avec cette approche bienveillante d’affirmer que le mariage est une réalité spécifique : l’union d’un homme et d’une femme qui veulent fonder une famille, enracinée, pour les chrétiens, dans l’Alliance nuptiale de Dieu avec l’humanité. Le respect dû à chacun ne passe pas par une uniformisation, en fait factice, des modèles de vie.
L’Eglise n’a pas à choisir entre la fermeté et l’ouverture mais à cultiver l’ouverture par l’approfondissement. Si l’on peut dire que le synode n’est pas allé assez loin, c’est dans ce chemin d’approfondissement de l’originalité salutaire du message chrétien sur la famille. Cela tombe bien puisque le processus synodal est loin d’être achevé."