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L'Eglise : Vie de l'Eglise

Synode : la proposition du Cal Kasper contraire à la miséricorde

Depuis la faculté de théologie de Fribourg, en Suisse, le théologien dominicain français Thomas Michelet attire l'attention sur un passage obscur de l’"instrument de travail" du synode consacré à la famille. À son avis, la proposition formulée par le cardinal Walter Kasper et par ceux qui, comme lui, veulent accorder aux divorcés remariés l'accès à la communion même s’ils restent dans la même situation de vie, est non pas conforme mais opposée à l'authentique miséricorde de Dieu. Et cela ferait du remariage civil "le seul péché pour lequel on pourrait être pardonné sans avoir renoncé pour autant à son péché", en plus du fait qu’elle attaquerait à la racine le sens véritable des sacrements du mariage, de l'eucharistie et de la pénitence :

"[…] D’après certains commentateurs, on est passé de l’idée d’un "tout ou rien", d’une admission immédiate ou bien d’un refus persistant des divorcés remariés à l’eucharistie à ce qui peut apparaître comme une "troisième voie" : l’idée d’une admission conditionnelle au terme d’un chemin pénitentiel, sur lequel tout le monde a l’air de s’accorder finalement. Fort bien, mais concrètement, de quel parcours s’agit-il ? Quelles en seraient les étapes précises ?

L’alternative fondamentale nous paraît être la suivante.

Est-ce qu’il suffira d’un temps de pénitence dont la durée sera laissée à l’appréciation de l’évêque (ou d’un prêtre député à cet office) suivi d’une admission à l’eucharistie en l’état, sans avoir le moins du monde changé de vie par rapport à la situation désordonnée dans laquelle on se trouvait ?

Ou bien est-ce que ce temps sera non seulement un chemin de pénitence et de repentance, mais de véritable conversion et de changement de vie ; la durée de la pénitence étant alors celle nécessaire pour obtenir cette conversion ?

Le choix entre ces deux alternatives est particulièrement décisif.

Dans la première hypothèse, qui nous semble rejoindre celle formulée par le Cardinal Kasper (sauf erreur de lecture de notre part), cela ferait du remariage après divorce le seul péché pour lequel on pourrait être pardonné sans avoir renoncé pour autant à son péché, ce qui paraît contraire à l’Évangile, à l’authentique miséricorde de Dieu qui fait miséricorde au pécheur non pas en fermant les yeux ou en oubliant son péché, mais en transformant les cœurs. Ce ne saurait être donc la voie retenue par le synode, qui ne peut que vouloir demeurer fidèle à la doctrine de l’Évangile, et il serait bon qu’il l’affirme clairement.

Certains fidèles ou pasteurs en viennent même à nier qu’il puisse y avoir ici une situation de péché. Mais alors pourquoi voudrait-on faire pénitence ? Et s’il y a donc bien péché, comment pourrait-on en être pardonné sans se détacher de celui-ci ? Il nous semble que ces errements procèdent d’une grave perte du sens du mystère en général et de celui des sacrements en particulier. Du mariage, dont on ne voit plus que le remariage du vivant de son conjoint est un adultère, alors que le Christ l’enseigne expressément (Mc 10, 11-12). De l’Eucharistie, qui n’est plus reçue comme le corps sacré de Notre Seigneur mais comme la simple marque d’un lien social dont la privation équivaut seulement à l’exclusion du groupe. De la Pénitence, dans laquelle on confond le regret et la contrition, la pénitence et la conversion. Il ne suffit pas en effet de "regretter" de s’être mis dans une situation impossible ; encore faut-il vouloir vraiment s’en sortir, avec la grâce de Dieu. Il ne suffit donc pas davantage de proposer un chemin de pénitence pour l’acte passé que l’on regrette, si ce chemin de pénitence ne vise pas également à transformer l’avenir et ouvrir sur une véritable voie de salut, un chemin de grâce, un itinéraire de sainteté.

Dans la seconde hypothèse, l’admission finale à l’eucharistie ne pourrait avoir lieu a priori que dans les trois cas déjà fixés par le magistère (Familiaris Consortio, n. 84 et autres textes) : ou bien la reprise de la vie commune (celle du premier mariage qui est le seul valide) ; ou bien l’engagement à vivre "en frère et sœur" (ce qui revient à la dispense de la vie commune dans le respect des autres obligations du mariage, l’exclusivité promise dans le mariage mais aussi le devoir d’assistance mutuelle) ; ou bien la mort du conjoint permettant un véritable remariage sacramentel (ce que l’on ne saurait souhaiter, évidemment). Peut-être pourrait-il se présenter d’autres cas, mais à ce stade on ne voit pas lesquels ; ou bien plutôt ne voit-on pas que ceux qui les ont présentés jusqu’à présent aient fait la preuve de leur conformité à la doctrine catholique authentique (Écriture, tradition et magistère).

Cette seconde hypothèse, celle du maintien de la discipline actuelle, est donc la seule qui nous semble envisageable, si tant est que l’on veuille être fidèle à la Parole du Christ. Est-ce à dire qu’il s’agirait là d’un refus absolu de tout changement par rapport à la situation présente ? Pas nécessairement. Même dans la fidélité, il y a toujours la possibilité d’une nouveauté, d’une "surprise de l’Esprit saint".

Tout d’abord, il y a manière et manière de le présenter. Ou bien comme une porte qui se ferme et un refus de toute voie de salut. Ou bien plutôt comme un pèlerinage dans lequel celui qui prend un chemin de bonheur est déjà sur la bonne voie, même s’il ne parvient pas tout de suite à se conformer à tous les aspects de la vie dans l’Esprit selon l’Évangile. Cette seconde manière, qu’il faut nettement privilégier, consiste en fait à intégrer la loi de gradualité présentée par le pape S. Jean-Paul II dans "Familiaris consortio" n° 84, sans la confondre avec sa figure inverse, celle de la gradualité de la loi (ce qui serait la première hypothèse évoquée plus haut).

Ensuite, il faut découvrir que des pastorales fidèles à cet enseignement du pape S. Jean-Paul II se sont déjà mises en place depuis et ont manifesté qu’elles pouvaient porter de beaux fruits de grâce. Ainsi, il est arrivé que certains couples "divorcés remariés" aient manifesté une telle foi et un tel respect profond de l’Eucharistie en décidant de ne plus communier que l’évêque les a autorisé à conserver chez eux la présence réelle, afin de nourrir leur chemin de conversion par l’adoration eucharistique. Ces pastorales existent donc, mais pas dans tous les pays du monde ; et il faut reconnaître que même lorsqu’elles sont présentes et pratiquées, bien peu les connaissent. Il serait bon alors que le synode les promeuve, qu’il rende grâce pour ceux qui ont obéi aux appels de l’Esprit Saint pour les découvrir et les approfondir dans la prière et l’expérience, qu’il témoigne des fruits qu’elles ont déjà portés et qu’on peut en attendre encore, et qu’il indique clairement que cette direction est bonne à suivre.

Pour abonder encore dans cette ligne de fidélité novatrice tracée par le pape S. Jean-Paul II, nous avons fait nous-mêmes la proposition d’un aggiornamento de l’"ordo pænitentium", la reprise de cet ancien ordre des pénitents de l’antiquité chrétienne qui a longtemps subsisté même en parallèle avec la forme actuelle du sacrement de pénitence. […]"

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