Extrait de la lettre de Mgr Jeanbart, archevêque d'Alep :
"[…] Le diocèse d’Alep est l’un des diocèses les plus anciens de l’Eglise Universelle, il existait déjà au troisième siècle, en 325 son Archevêque était présent au Concile de Nicée. L’Histoire ancienne et récente du Proche-Orient présente cette Communauté active et prospère, comme étant un centre de rayonnement du christianisme dans la région. De quoi être vraiment fier! Ce fait m’a d’ailleurs toujours ému et donné un attachement profond à ses fidèles passés et présents et a alimenté d’un surplus d’enthousiasme mon ministère épiscopal.
Effectivement j’ai pu, durant ces années de travail assidu, réaliser bien plus que ce que je pouvais espérer! J’ai eu la joie d’ordonner dix prêtres et je fus en mesure de construire trois nouvelles églises, tout en restaurant les bâtiments vétustes mais deux fois séculaires de l’Archevêché. Trois maisons antiques remontant au XVII° ont pu être refaites pour retrouver leur faste d’antan et servir de locaux aux différentes œuvres du diocèse. Deux nouvelles écoles et quatre Instituts ont vu le jour durant ces années bénies par le Seigneur! Des projets d’habitat ont permis à plus de deux cents couples de se marier, et à autant d’autres d’espérer, en attendant la finition des projets en cours de réalisation et que cette guerre ignoble a bloqué. Des foyers d’étudiants, des maisons de vacance pour les jeunes, un centre de congrès, des structures pour les activités culturelles et les rassemblements communautaires ont de même été établis. Je m’arrête là pour remercier le Seigneur pour tant de grâces données et dont il serait inutile de parler ici.
Aujourd’hui et au moment où j’écris ces lignes, des bombes tombent, comme de la pluie, sur les quartiers résidentiels de la ville. On parle déjà de soixante morts et de trois cents blessés. Les gens sont désemparés, ils ne savent où trouver refuge, moi-même j’ai dû quitter mon archevêché détruit par des bombardements il y a trois mois. Je n’aurai jamais pensé que ce qui arrive à notre ville était possible! Alep est actuellement une ville sinistrée au plein sens du terme. […] Sans travail, sans ressources, sans sécurité, sans eau, sans électricité, privés de toute pitié espérée et du secours attendu en vain de l’Occident Chrétiens. Les gouvernements occidentaux semblent, les uns insouciants et les autres injustes, pour ne pas dire pervertis par l’appât de cet argent sale, ennemi mortel de toute équité et de toute justice. […]
Le dernier fléau qui nous frappe aujourd’hui, c’est celui de l’exode, une forme de déportation, qui condamne nos fidèles à un exile avilissant et notre Église deux fois millénaire à un dessèchement étouffant. Les assaillants ont tout fait pour cela. Tout d’abord ils ont terrorisé les citoyens. Ils ont ensuite détruits les usines, le commerce, les institutions et les maisons pour obliger les gens à partir trouver leur gagne pain ailleurs. Ils ont enfin rendu possible le transfuge en laissant des passeurs organiser des convois massifs vers l’Occident. […]
On nous fait la guerre, nous voulons faire la paix. On cherche à détruire, nous cherchons à bâtir. On cherche à nous expatrier, nous luttons pour rester. En bref tout ce que nous attendons c’est la Paix et nous voulons Bâtir pour Rester."