Cette mère a fait une dépression après un avortement thérapeutique :
“C’est terrible, c’est très particulier. Vous revenez chez vous sans bébé. Vous avez été enceinte, on vous a vu enceinte, il y avait une réalité sur un projet d’enfant, un projet de naissance et quand vous rentrez, vous n’avez pas le bébé et personne ne l’a vu. Les gens comprennent que vous soyez triste, pour ça il n’y a pas de problème parce qu’il y a quand même une douleur. Par contre, il n’y a aucune existence sociale de cet enfant. […] Nous, parents, sommes les seuls à l’avoir entraperçu.
Aux yeux de tout le monde, à l’école, au travail, j’étais enceinte. Quand je rentre […], on me demande des nouvelles du bébé pour ceux qui ne savent pas, et là on ne sait pas trop quoi dire : ‘Ça c’est mal passé… je ne l’ai pas. Il est mort en fait.’
Mon couple a résisté. Il a quand même enduré pas mal d’épreuves, d’abord avec la décision d’interrompre [la grossesse]. Ensuite, c’est le vide, un énorme vide. Le papa s’en remet un peu plus vite parce qu’il ne s’arrête pas, il travaille, il n’est pas en congé paternité. La maman, par contre… J’étais en congé maternité sans bébé. Tout ce temps, ce vide je l’ai vécu à 100%.
Ça tourne dans la tête, on se sent extrêmement coupable de la décision que l’on a prise. On se sent mauvaise. Je disais : ‘Je me suis prise pour Dieu, j’ai donné la vie mais j’ai aussi donné la mort parce que c’était une décision.’ Cette décision, on a beaucoup de mal à l’assumer. On se dit : ‘Est-ce que l’on a bien fait ? Est-ce qu’il était si malade que ça ?’ Ce vide, vous l’avez dans le cœur, dans le ventre, vous l’avez partout.
Je me suis coupée de beaucoup de monde. On m’appelait mais je ne voulais faire ni sorties, ni cinéma, ni rien du tout. Je ne voulais voir personne (…)”