Dans le dernier numéro de Liberté politique, consacré au monde d’après, Gabrielle Vialla écrit :
“Alors que nos aînés dans la foi se privaient de nourriture et de boisson pour pouvoir communier, par un simple artifice de langage il nous était possible de manger, boire, profiter de l’existence, du confort moderne et des divertissements sur internet, tout en faisant un nouveau jeûne : celui de se priver de la messe ! Quand on prend quelques minutes de réflexion, on mesure la terrible inversion qui s’est glissée et répandue.”
Le monde est devenu fou pour avoir tenté de chasser la mort. L’expérience du confinement a agi comme un accélérateur de prise de conscience de la vacuité de notre modèle de société organisé autour de la matérialité, du travail dépourvu de sens, et d’une consommation qui vide les âmes de leur substance. Une société sans espérance, qui a évacué toute transcendance, met toute son énergie à lutter contre la souffrance, la maladie, la mort. On commence à liquider les malades incurables, on se confine à la moindre grippe, on refuse les obsèques publiques… Le “portez-vous bien” devient l’horizon indépassable de la béatitude moderne.
Je suis rarement en accord avec Bernard-Henri Lévy mais il semble avoir perçu quelque chose de la morbidité de notre époque :
[…] C’est elle, cette pulsion de mort, qui tire les fils qui nous gouvernent dans une guerre au virus que nous sommes, pourtant, en train de gagner. C’est elle qui anime, dans une civilisation désespérée d’elle-même, la grande tentation suicidaire dont le coronavirus aura été la divine surprise. C’est elle qui, s’autorisant du Roi Corona, distancie les humains les uns des autres comme s’ils n’étaient que miasmes, glaires et sources d’infection. Et c’est elle qui voudrait les condamner à une vie de zombies, gagnés par la méfiance, l’égoïsme, le repli et le sacrifice, hâtivement consenti sur l’autel de l’hygiénisme, de cette ouverture confiante à l’autre qui est le fondement même de la socialité. Sauf retournement en faveur de la vie et de ce qu’elle implique de liberté, d’espoir et de fraternité, il y a là une très mauvaise nouvelle.