Par Antoine Bordier, auteur de la trilogie Arthur, le petit prince
La CCI France Arménie s’est rendue cette semaine en visite officielle à Gyumri, la deuxième ville du pays. Tigran Arakelian était accompagné de l’homme d’affaires Hrayr Hakobyan. Sur place, ils ont rencontré le maire, Vardan Ghukasyan, et son équipe. Au programme : des projets d’investissement dans le secteur hôtelier, dans celui de l’énergei, dans le stockage en transit, et dans la maintenance aéronautique. Nous les avons suivis pendant 24h. Interview-reportage aux couleurs des deux drapeaux tricolores, hissez haut.
Bonjour Tigran Arakelian, comment va la CCI France Arménie que vous présidez depuis 2020 ?
Depuis notre dernière entrevue, il y a trois ans, je suis toujours le Président de la Chambre de Commerce et d’Industrie Française à l’étranger, et cette fonction continue de me passionner.
En mars 2024, j’ai été reconduit à l’unanimité dans mes fonctions, pour un nouveau mandat de trois ans. Depuis sa création en 2011, à Erevan, la CCI France Arménie n’a jamais compté autant de membres, ce qui entraîne une charge de travail croissante et nécessite l’élargissement de notre équipe. À la rentrée de septembre, deux nouvelles personnes viendront renforcer nos rangs.
J’ai cru comprendre que vos activités avaient réellement commencé en 2014. Que s’est-il passé entre 2011 et 2014 ? Est-ce que cela correspond à une période transitoire d’accréditation auprès de votre organisme de tutelle ? D’ailleurs, de qui dépendez-vous statutairement ?
La structure originelle a commencé ses activités en 2011 sous la forme d’un club d’affaires, puis, après une période probatoire de deux ans, elle a été accréditée par le réseau officiel de CCI France dont elle dépend sous l’appellation Chambre de Commerce et d’Industrie France-Arménie. Je suis arrivé à la présidence de l’institution fin septembre 2020, quelques jours avant le commencement de la guerre de 44 jours d’Artsakh.
Combien d’adhérents avez-vous ? Pouvez-vous nous citer quelques noms et nous décrire leurs activités et leur histoire ? Je crois savoir que Nork Group va bientôt vous rejoindre.
Au 30 avril 2024, nous étions 96. Un an plus tard, nous avons dépassé les 100 membres. Parmi eux, j’ai pour habitude de citer Amundi-ACBA Asset Management. C’est une vrai success story française en Arménie, bien connu du grand public par le nom mais moins pour ses activités. Depuis leur création en 2014, Amundi-ACBA est le principal gestionnaire du fonds de pension de retraite d’Arménie avec des actifs sous gestion dépassant le milliard de dollars. L’entreprise, par son activité de mécénat, est aussi très impliquée dans les domaines éducatifs et culturels.
Renault, fleuron de l’industrie française, est présent en Arménie par l’intermédiaire d’un distributeur exclusif depuis 2005, est se hisse en deuxième place des ventes de véhicules neufs en Arménie.
Arc Informatique, éditeur français de logiciels industriels innovant dans les domaines de l’énergie, des transports de l’industrie et de la ville intelligente, a choisi de relocaliser sa filiale PcVue en Arménie pour la zone des pays de la CEI suite au déclenchement de la guerre en Ukraine en 2022.
Nork Group a déjà rejoint la CCI France Arménie, c’est un groupe arménien disposant d’une holding au Canada. Ils sont spécialisés dans le prêt-à-porter de luxe en Arménie et Géorgie ainsi que dans la construction, domaine dans lequel ils souhaitent augmenter les acquisitions de matériels français.
Vous ne citez plus Veolia et Pernod-Ricard. Sont-ils encore membres de la CCI France Arménie ?
Plus précisément, Pernod Ricard est présent en Arménie à travers sa filiale arménienne, Yerevan Brandy Company, dont elle détient intégralement la propriété.
La CCI France Arménie soutient Veolia en Arménie et souligne le travail de sa direction.
Ces deux entreprises sont familières au public arménien, leur nom et leurs activités étant largement reconnus. Cependant, il est aussi important de mettre en avant d’autres succès français en Arménie. En effet, la diversité et l’inclusivité des membres de la CCI France Arménie représentent un vaste éventail de domaines d’activités et d’expertises.
Quels sont vos liens avec la CCI Franco-Arménienne, la CCIFA ? Pourquoi, d’ailleurs, l’existence de deux chambres ? L’une serait plus ancienne et marseillaise et la vôtre plus parisienne, c’est ça ?
L’association locale de Marseille, que vous évoquez, réunit essentiellement des entrepreneurs de la diaspora arménienne et n’est pas accréditée par le réseau des CCI dont nous dépendons. Nous n’avons pas de lien, si ce n’est celui de la courtoisie, bien entendu.
Notre institution est d’envergure internationale et fait partie de l’une des 120 CCI Françaises accréditées à l’étranger. Ce réseau mondial de CCI a vocation à couvrir toutes les demandes émanant des entreprises du territoire national français, pour le marché arménien dans notre cas.
La CCI France Arménie travaille aussi en “sens-inverse”, en aidant les entreprises arméniennes à exporter vers le marché français et plus globalement vers le marché européen en coopération avec Enterprise Armenia, institution de l’État arménien.
Depuis 2020, où en êtes-vous de vos projets ? Pouvez-vous nous en dresser le bilan ?
Il y a deux ans, pour la première fois dans l’histoire de nos relations bilatérales, un sommet économique entre la France et l’Arménie a été organisé à Paris, sous l’égide de la CCI France Arménie en collaboration avec nos partenaires de la CCI Paris Ile-de-France, le 24 février 2023. Cet événement a réuni une délégation de ministres arméniens (chargés de l’économie et de l’industrie des hautes technologies), des représentants du Quai d’Orsay et de Bercy, ainsi que des personnalités politiques françaises telles que François-Xavier Bellamy et Valérie Debord. Il y avait, aussi, les ambassadeurs des deux pays. Plus de 300 participants, dont une majorité d’entreprises françaises, ont assisté à cet événement.
Cette initiative s’inscrit dans la continuité de la feuille de route économique 2021-2026, signée entre les gouvernements français et arménien, et visent à renforcer les relations économiques et commerciales entre les deux pays.
De plus, pour la première fois, l’Arménie a été mise à l’honneur lors du plus grand rassemblement d’affaires en Europe, BIG, organisé annuellement par Bpifrance. Lors de ce rassemblement, la CCI France Arménie a présenté le marché arménien lors d’un panel dédié, où j’ai eu l’honneur d’intervenir aux côtés du directeur d’Amundi-ACBA Asset Management, Hovik Mazedjian.
Ces divers événements ont permis de mettre en lumière le potentiel économique de l’Arménie et ont attiré plusieurs prospects que nous accompagnons, dont certains ont déjà pris pied sur le marché arménien. Bien entendu, nous n’allons pas nous arrêter-là…
En effet, vous êtes dynamique. Pour la première fois, il y a un an, la CCI France Arménie participait au Salon Mondial de la Défense et de la Sécurité à Eurosatory. Quel est votre retour ?
Oui, c’est vrai. Pour la première fois, l’Arménie a été présente au salon international de Défense & Sécurité Eurosatory qui s’est tenu du 17 au 21 juin 2024 à Paris. C’était formidable. Nous étions plus de 1 800 exposants, provenant de 90 pays. Et, près de 100 000 visiteurs et professionnels ont parcouru les allées du salon. La CCI France Arménie y a tenu avec ses invités le pavillon Arménie. Nous étions accompagnés de plusieurs entreprises arméniennes membres, dont l’activité est l’industrie militaire. Cet événement a été l’occasion pour ces entreprises d’exposer pour la première fois en Europe leurs technologies et leurs solutions lors d’un salon international.
Pendant l’événement, un moment important a été la tenue d’une conférence dédiée à l’Arménie, en présence du groupement des industriels français de défense et de sécurité, et des sociétés arméniennes.
Les ministres et vice-ministres de la Défense et des Hautes Technologies de la République d’Arménie Suren Papikyan et Mkhitar Hayrapetyan étaient présents lors de cette conférence.
Pour les entreprises arméniennes exposantes, le bilan est très positif. Ce sont plus de 600 échanges et 310 contacts qualifiés qui ont eu lieu.
Terminons notre entretien, par cette relation économique que vous développez avec Gyumri, la deuxième ville du pays. Aujourd’hui, la population est de +/- 120 000 habitants. Il y a 40 ans, sa population était plus du double. Est-ce que vous pariez sur son renouveau et de celle de sa région qui était surnommée « la capitale culturelle » d’Arménie ?
Oui, en effet. Le potentiel de cette ville et de sa région est bien réel. Sous l’empire tsariste, Gyumri, qui s’appelait Alexandropol, de par la volonté de Nicolas Ier qui en avait fait son bastion avancé en Transcaucasie, s’est appelée Leninakan de 1924 à 1991. Elle était devenue la principale ville du pays. Puis, Erevan, capitale à partir de 1918, a commencé à la supplanter dans les années 50. La grande différence s’est faite à partir de 1988, lors du terrible tremblement de terre qui a détruit plus de 50% de la ville.
Aujourd’hui, tous les critères sont réunis pour que Gyumri connaisse un renouveau économique. Les projets que nous sommes allés présenter au nouveau maire (NDLR : Vardan Ghukasyan a été élu en avril dernier) concerne les secteurs suivants : hôtelier, énergétique, le stockage douanier, et la maintenance aéronautique. Nous ne pouvons pas vous donner les noms des entreprises et des groupes français qui sont potentiellement intéressés pour développer leurs activités à Gyumri, mais, ce que je peux vous dire, c’est que, lorsque ces entreprises seront-là, Gyumri et sa région vont connaître une très forte croissance. Il ne faut pas oublier qu’il y avait, ici, des usines importantes dans l’acier, le textile, etc.
Prochain agenda du président : le tirage au sort du tournoi de football « Tovmasyan Cup », organisé par la Fondation Tovmasyan. Cette coupe se déroulera ce dimanche, à l’Académie de Police d’Erevan. Histoire de remettre les crampons et de jouer contre des collègues représentant l’Allemagne et le Koweït.
Reportage réalisé par Antoine BORDIER
Copyright des photos CCI France Arménie et Antoine Bordier