Lu dans Minute :
"Jean-Marie Molitor est coupable d’injures publiques envers une personne, Christiane Taubira, à raison de son origine ou de son appartenance à une race déterminée, parce qu’on ne peut pas se moquer de Taubira comme on le ferait d’une vulgaire femme blanche. Ce n’est pas écrit ainsi mais c’est ce que signifie le jugement rendu le 30 octobre devant la XVIIe chambre du tribunal correctionnel de Paris.
Certes, reconnaît le tribunal, qui cite les fables de La Fontaine et le Bébête Show, la présentation d’une personne sous les traits d’un animal relève « d’une tradition ancienne et courante ». Certes, des hommes politiques ont souvent été caricaturés sous for me animalière, « notamment de singes, tel Jean-Marie Le Pen et de nombreux autres ». Mais il ne faut pas confondre le blanc menhir et le noir dessein: « La situation peut être différente lorsque la personne visée est de couleur noire puisque le rapprochement avec un singe est susceptible de conférer alors au message un aspect racial dans l’esprit du public. » C’est comme ça, pour être un peu daltonien, que Jean-Marie Molitor s’est ramassé une amende de dix mille euros qui l’a un peu fait grimper aux branches du cocotier.
Le tribunal a bien noté que « Minute » avait vocation à faire rire. Mais lui-même a ri jaune car il n’accorde qu’un côté « partiellement humoristique » à nos « jeux de mots à double sens ». Les juges se seraient esclaffés que l’amende eût peut-être été moins salée…
Trêve de plaisanteries. Cette condamnation est scandaleuse dans ses motivations. Le tribunal ne dit pas que l’intention de « Minute » était raciste – et pour cause, elle ne l’était pas et rien ne vient étayer cette thèse. Le tribunal explique que « les limites de l’humour ont été dépassées »! On peut savoir par quelle loi, quel décret, quel arrêté sont mesurées et fixées « les limites de l’humour »? Le tribunal explique également que certes, en pages intérieures, nous dénoncions l’instrumentalisation qui était faite, par Taubira, des attaques qui étaient portées contre elle, mais: a)qu’il était possible, chez un marchand de journaux ou sur internet, de voir la Une sans prendre connaissance des pages intérieures (on se pince!); b) que, même à l’intérieur du numéro, nous ne dénoncions pas ces attaques racistes! En somme, le tribunal nous reproche d’être maîtres de nos écrits et de parler de Taubira sans croire devoir écrire: « Bouh, c’est pas bien toutes ces méchancetés racistes que nous condamnons formellement. » […]"