Voici la préface d'un ouvrage publié en 1920 sur le traité de paix de Versailles. Au-delà de la sagesse prophétique de cet universitaire Antoine Pillet, on constate que son analyse s'applique aussi aux initiatives idéologiques de l'ONU, de l'OTAN, de l'UE… :
"Nous ne pouvions pas faire rentrer dans le cadre de quatre brèves conférences, l'analyse des dispositions multiples et complexes que renferme le traité de paix du 28 juin 1919. Toute tentative de cette sorte eut été vaine et n'aurait abouti qu'à un résume rapide, sec et dénué d'intérêt. Notre objet a été tout différent ; nous avons considéré ce traité sous l'angle particulier du droit, nous contentant du reste, de l'étudier dans ses traits les plus généraux ; en ce faisant, nous avons essayé de montrer que son imperfection la plus grande, tient peut-être à ce que, en le dressant, on n'a tenu presque aucun compte de la pratique coutumière des nations en cette matière.
Il n'est plus personne qui ne reconnaisse aujourd’hui les lacunes et les défauts du traité de paix. Pour nous, Français, son vice le plus grand, est qu'il n'a pas tenu un compte suffisant des sacrifices et des légitimes aspirations de la France. Ce reproche n'est pas le seul que nous ayons à lui adresser, et nous insisterons également sur ce fait que le traité de paix tel qu'il nous est présenté, n'est pas un véritable traité de paix, un traité propre à faire régner la paix entre les ennemis de la veille, en instituant un état de choses qui écarte soigneusement toute chance de nouvelles hostilités.
On s'imaginerait à tort qu'un traité soit un acte arbitraire, dont la rédaction puisse dépendre sans inconvénient du libre choix ou de la fantaisie de ses auteurs. Dans un ouvrage précédent, consacré aux conventions de la Haye, nous nous sommes attaché à montrer que tous les résultats sociaux que l'on peut désirer obtenir pour le bien de l'humanité, ne peuvent pas être acquis à l'aide de traités et que l'on se méprend gravement en voulant appliquer cette forme particulière du droit à des objets pour lesquels elle n'est point faite. Ici, nous prétendons prouver par l'exemple de ce grand traité qui vient d'être ratifié et qui est à la veille d'entrer en vigueur, que ce n'est point vainement que l'on méprise les enseignements de l'histoire et que l'on prétend rédiger des accords, tels que le monde n'en avait pas encore vus. L'esprit de l'homme est prompt, mais s'il se confie trop aveuglément à lui-même, il arrive que les faits lui donnent de cruels démentis.
Ce que serait le traité de Versailles, nous avons pu le prévoir, lorsque nous est parvenu cet étrange document qui portait les quatorze propositions du président Wilson. Ces propositions étaient de nature surtout philosophique. Elles eussent été à leur place imprimées à la suite des œuvres de Kant et n'auraient pas déparé un programme universitaire. Destinées à dominer la solution du plus gigantesque conflit qui ait jamais soulevé l'humanité, elles paraissaient comme quelque chose de semblable à un énorme anachronisme. Vouloir panser des plaies, hélas bien réelles et profondes, à l'aide de remèdes empruntés à la plus lointaine idéologie, quelle illusion, ou au moins quelle tentative risquée et pleine de périls. Alors que le fracas des armes n'a point encore cessé, peut-on espérer que la puissance de l'idée vaincra tout d'un coup la puissance du fait et que les peuples prendront, un rameau d'olivier à la main, le chemin qui leur est montré. Le vieux monde se meut sur une route parée d'iniquités, c'est la vérité même et l'honneur de la grande guerre de 1914-1918 aura été de permettre d'effacer deux de ces iniquités justement réputées des plus scandaleuses, l'iniquité des partages qui ont effacé de la carte politique de l'Europe, la malheureuse et imprudente Pologne, et l'iniquité qui retenait sous un joug exécré nos fidèles Alsaciens-Lorrains, mais ce résultat si consolant, n'autorise pas de beaucoup plus amples espérances. Au lendemain de la guerre, les nations se sont retrouvées ce qu'elles étaient la veille, forcément égoïstes et forcément craintives, aussi ardentes à s'enrichir et à s'étendre qu'insensibles aux justes plaintes d'autrui, vibrantes d'enthousiasme et consumées de haines, prêtes à tout faire pour s'assurer ce qu'elles disent être leur bien et pour frayer le chemin qui mènera à son terme ce qu'elles appellent leur vocation. Comment espérer courber sous l'empire d'un droit qui n'existe pas, le monde qui existe?
La coutume qui représente souvent en droit des gens la sagesse des siècles, avait peu à peu élaboré un certain type de traité de paix, dont la diplomatie ne s'écartait guère. Ce type n'avait rien d'un idéal, mais il était humain. Il tenait compte avant tout, du besoin de paix que le monde ressent à la suite d'une grande guerre, cédait quelque chose aux exigences du vainqueur et veillait en même temps à ce que le vaincu put vivre et à l'occasion se défendre, il essayait surtout de ne pas jeter au sein d'un monde ébranlé et frémissant de nouveaux germes de discorde. La coutume réparaît la vieille maison, sans prétendre la reconstruire.
Les auteurs responsables du traité du 28 juin 1919, n'ont rien gardé de cette modeste atavique. Ils ont entendu refaire le monde suivant leurs propres plans qu'ils jugeaient excellents. L'expérience montrera si cette confiance était méritée.
Bornons-nous à souhaiter que ce traité ne soit pas absolument malfaisant et qu'au lieu des grands progrès espérés, il ne déchaîne pas les pires maux sur l'humanité."
Irishman
Et pourtant, il y a eu des gens qui avaient prévenu, pour ne pas dire prophétisé, des conséquences néfastes du traité de Versailles…
20 ans après à peine, le patacaisse recommencait ! Est-on seulement capable de comprendre quelle monstrueuse erreur a été de mettre fin à l’empire austro-hongrois, quelle illusion a été de créer de toutes pièces une Yougoslavie qui n’a pas tenu 70 ans (une vie) ?
Comme toujours, on a bafoué le droit des nations pour satisfaire les caprices des vainqueurs et les intérêts de la finance internationale…