Nous remercions l’association Una Voce de nous autoriser à publier des extraits des excellents commentaires des cinq pièces grégoriennes du dimanche ou de la fête à venir.
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La Toussaint, c’est la fête du Ciel. L’Église honore en ce jour tous les hommes qui nous ont précédés et qui ont déjà mérité la récompense éternelle. Parmi eux il y a les saints canonisés que l’on connaît mais aussi tous les autres que l’on ne connaît pas, cette foule immense que personne ne peut dénombrer, dont parle l’Apocalypse.
► Introït
Nous nous réjouissons en leur compagnie de la victoire qu’ils ont remportée. C’est ce que chante l’introït de la fête, le célèbre Gaudeámus.
Son texte n’est pas tiré de la Sainte Écriture. Il a été composé pour la fête de sainte Agathe, le 5 février, puis il a été repris pour d’autres fêtes, notamment certaines fêtes de la Sainte Vierge. Sa mélodie très joyeuse et pleine de grands élans convient tout à fait pour nous unir à la joie des anges et de tous les saints du paradis.
Cet introït est le même que celui de la fête de Notre Dame du Très Saint Rosaire que nous vous avons passé le 7 octobre. Il suffit de remplacer les mots « Maríæ Vírginis » par « Sanctórum ómnium », c’est-à-dire « tous les saints » et le 1er verset du psaume 44 par celui du psaume 32.
Exsultáte justi in Dómino : rectos decet collaudátio.
Justes, exultez dans le Seigneur, la louange convient aux cœurs droits.
► Graduel :
C‘est le seul chant de la messe de cette fête qui soit tiré d’un psaume, le psaume 33, chant de louange envers la bonté du Seigneur, un des plus utilisés dans la liturgie. Timéte Dóminum omnes sancti ejus quóniam nihil deest timéntibus eum. Craignez le Seigneur, tous les saints, car rien ne manque à ceux qui le craignent Et le verset : Inquiréntes autem Dóminum non defícient omni bono. Ceux qui cherchent le Seigneur ne manqueront d’aucun bien. Il ne s’agit pas ici de crainte au sens moderne de peur, mais d’un adoration pleine de soumission à la volonté divine. D’ailleurs le verset précédent du psaume, que nous avons déjà rencontré à plusieurs reprises, disait : Goûtez et voyez comme le Seigneur est doux ! Quant aux saints, il s’agit dans le psaume des fidèles du peuple élu, qui observent cette soumission pleine de respect, et ne manquent de rien au sens spirituel. Cela s’applique à plus forte raison aux élus du ciel qui sont en possession du bien infini ; ils l’ont obtenu grâce à cette parfaite soumission toute leur vie, quoi qu’il en coûte.
La mélodie est ample et solennelle, déroulant des formules que l’on rencontre dans d’autres graduels avec de belles vocalises, en particulier celle qui termine de façon identique la première et la deuxième partie, descendant dans le grave pour une cadence paisible et majestueuse convenant parfaitement à l’évocation de la bienheureuse éternité.
► Alléluia :
Ces textes de l’alléluia et de la communion de la Toussaint sont tirés de passages de l’Évangile où notre Seigneur nous apprend à supporter les épreuves par lesquelles nous devons passer sur cette terre pour mériter le bonheur éternel dont jouissent les élus ; le verset alléluiatique est pris en saint Mathieu au chapitre XI. C’est donc notre Seigneur qui parle ici, après avoir rappelé sa divinité :
Veníte ad me, omnes qui laborátis, et oneráti estis, et ego refíciam vos.
Venez à moi, vous tous qui peinez et êtes accablés, et moi je vous soulagerai.
Non seulement les élus dans le ciel ne manquent de rien et sont comblés par la possession du bien infini, mais ils reçoivent la récompense de toutes les peines et des souffrances de cette vie. Notre Seigneur lui-même est là pour les accueillir et la leur accorder.
Cette invitation pleine de douceur est accompagnée ici d’une mélodie très riche et très ornée dans une ambiance joyeuse et affirmative évocatrice du bonheur du ciel. On remarquera particulièrement la grande vocalise du mot laborátis qui commence et s’achève par deux envolées à l’aigu identiques, entre lesquelles se déroule un passage plus grave reprenant un des thèmes du júbilus de l’alléluia que l’on retrouve à la fin du verset.
►Offertoire :
L’antienne d’offertoire est empruntée au commun des martyrs. En effet la fête de tous les saints fut à l’origine, à Rome, une fête de tous les martyrs, et on sait que dans les premiers siècles de l’Église tous les saints auxquels on rendait un culte étaient des martyrs. Le texte est tiré du livre de la Sagesse ; s’il s’applique en premier lieu aux martyrs, il convient à tous les saints, qui ont tous eu à souffrir sur cette terre pour être fidèles à la volonté divine.
Justórum ánimæ in manu Dei sunt, et non tanget illos torméntum malítiæ
Les âmes des justes sont dans la main de Dieu et le tourment du mal ne les atteindra pas.Visi sunt óculis insipiéntium mori : illi autem sunt in pace.
Aux yeux des insensés ils ont paru mourir, mais eux, ils sont dans la paix.
La mélodie empruntée à un ancien offertoire de la fête de l’Ascension exprime de façon saisissante le contraste entre les souffrances de la terre et le bonheur et la paix du ciel. Toute la première partie se tient de plus en plus dans le grave jusqu’à rester presque immobile à ras de terre. Puis soudain elle s’élance dans l’aigu en une immense et somptueuse vocalise chantant éperdument la récompense éternelle.
►Communion :
Comme celui de l’alléluia, le texte de la communion de la Toussaint est tiré de l’Évangile, et il s’agit cette fois de l’évangile du jour, celui des béatitudes. Ceux qui sont maintenant dans le ciel, et qui sont les bienheureux, beáti comme l’Évangile les appelle à huit reprises, sont ceux qui ont conformé leur vie à ces exigences. Ce sont les trois dernières des huit béatitudes qui sont reprises ici :
Beáti mundo corde, quóniam ipsi Deum vidébunt
Bienheureux les cœurs purs, car ils verront Dieu.Beáti pacífici quóniam fílii Dei, vocabúntur
Bienheureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu.Beáti qui persecutiónem patiúntur propter justítiam, quóniam ipsórum est regnum cælórum.
Bienheureux ceux qui souffrent persécution pour la justice, car le royaume des cieux est à eux.
Ce texte est assez long pour une antienne de communion, et il est chanté simplement dans un style de récitatif en partie syllabique. La première phrase commence légèrement à l’aigu, avant de redescendre tranquillement. La deuxième au contraire commence dans le grave en s’y attardant un peu, avant de monter en un bel élan vers les mots fílii Dei. La troisième enfin, la plus longue, débute hardiment par une grande montée enthousiaste, sommet de toute la pièce, suivie d’un récitatif dépouillé s’achevant par une cadence en demi-ton un peu douloureuse pour évoquer les persécutions, avant de retrouver le calme et la paix du début.