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France : Laïcité à la française

Triste anniversaire : celui des 120 ans de la Loi de 1905

Triste anniversaire : celui des 120 ans de la Loi de 1905

D’Antoine Bordier, auteur, biographe, essayiste, consultant et journaliste indépendant :

Oui, souvenez-vous, c’était le 9 décembre 1905. Aristide Briand en avait pris le bâton révolutionnaire et la responsabilité en tant qu’initiateur et rapporteur. La Terreur rouge-sang des années 1789-1794 coulait encore en France sous la forme d’une encre législative. Il fallait bien punir d’une façon ou d’une autre la conversion de Clovis, qui a permis au 5e siècle d’unifier la France et de faire du peuple Franc « la Fille aînée de l’Eglise ». Aristide Briand, ce grand serviteur de l’Etat et de la franc-maçonnerie a été 11 fois Président du Conseil (Chef du gouvernement) et une trentaine de fois ministre (quelle folie !) sous la IIIe République. Aujourd’hui, dans une France qui se déchristianise à grandes enjambées depuis mai 1968, et qui s’islamise à marche forcée depuis les années 1980, le dernier sondage IFOP paru en novembre dernier tire une sonnette d’alarme : 59 % des jeunes musulmans souhaitent que l’islam prime sur la République française. Eclairage et zoom sur une loi qui a fait couler beaucoup d’encre, et qui interdit les croix mais pas les voiles.

Nous sommes dans la nuit de Noël, celle du 24-25 décembre 496 (les historiens font circuler plusieurs dates différentes sur le sujet, mais retenons celle-ci en raison du 1500e anniversaire qui a été fêté en France, à Reims, en 1996). Clovis, le roi des Francs, par amour, par conviction et par grâce, est baptisé par l’évêque saint Rémi. Son épouse, Clotilde, sa garde et sa cour l’entourent. La première racine de la France est une fine fleur, une semence, celle de la tige de Jessé, celle du père de David, celle du christianisme. Elle s’enfonce profondément dans l’humus, craquelle la terre et transforme le basalte incandescent du Royaume de France. Ce-dernier, à son apogée, sous Charlemagne, en 804, s’étend de la France actuelle jusqu’en Pologne, le nord de l’Espagne et le nord de l’Italie.

La France chrétienne se pare de ses saints, comme autant de brillants, de diamants, d’or et d’argent. Ses villes et villages se bâtissent autour des abbayes, des cathédrales, des chapelles, des églises et des monastères. Aujourd’hui encore, près de 5 000 communes de France portent fièrement le nom d’un saint !

Et les 110 cathédrales de France, les avez-vous visitées ? Elles sont encore debout. Regardez, regardez une carte de France. Dans chaque département, dans chaque diocèse se trouve une cathédrale. Même la Révolution et les trahisons de Philippe d’Orléans, dit Philippe-Egalité, qui a voté la mort de son cousin Louis XVI en janvier 1793, n’ont pu les abattre, les incendier, et les ruiner. Cet Orléans périra de la même façon que son cousin-roi : décapité en novembre de la même année.

Le Duc d’Orléans, selon Marion Sigaut (auteur d’une vingtaine d’ouvrages, dont Voltaire : une imposture au service des puissants), était grand-maître du Grand Orient. Et, il voulait renverser son cousin ! Le péché de Caïn contre son frère Abel se répète. 

La Révolution et la Constitution civile du clergé

Les révolutionnaires avaient et ont toujours qu’une idée en tête, aux idées et aux ramifications multiples : ni Dieu, ni maître, ni devoir, ni famille, ni mari, ni père, ni clergé. Ainsi, Voltaire et Rousseau étaient anti-cléricaux. En criant « Ecrasez l’infâme », cri de ralliement des idées révolutionnaires, le philosophe des « Lumières » désigne une cible, une tête à coupée et tout ce que représente le clergé et l’Eglise au 18e siècle. Selon Marion Sigaut, auteur d’un livre sur Voltaire, ce-dernier « a fait passer le libéralisme des Lumières pour une émancipation ».

De son côté, Rousseau milite avec moins de virulence politique et plus de poésie, de romantisme et de sentimentalisme. Il milite pour l’égalité, la liberté et l’abandon des privilèges. La franc-maçonnerie dans ses loges secrètes joue un rôle indéniable et méconnu. Pour Marion Sigaut, son rôle est « accessoire ».

C’est la Constitution civile du clergé, un décret adopté par l’Assemblée nationale constituante, le 12 juillet 1790, promulguée par Louis XVI un mois plus tard, qui servira de modèle à la Loi de 1905. Les biens de l’Eglise de France y sont nationalisés, spoliés, transformés. Cette Constitution coupe la tête et supprime les offices ecclésiastiques et le clergé régulier, les biens de l’Eglise sont sécularisés.

Des abbayes, des églises, des monastères deviennent des entrepôts, des prisons… Pendant que les révolutionnaires assoiffés de sang transportent au bout de leurs piques les têtes des curés réfractaires. Les vœux de religion sont supprimés.

Et, les prêtres, les moines et les religieux doivent prêter ce serment : « Je jure de veiller avec soin sur les fidèles de la paroisse (ou du diocèse) qui m’est confiée, d’être fidèle à la Nation, à la Loi, au Roi et de maintenir de tout mon pouvoir la Constitution décrétée par l’Assemblée nationale et acceptée par le Roi. » Dieu est mis à mort, le roi bientôt…

Quelques mois plus tard, le serment est modifié. Avant qu’on ne lui coupe définitivement la tête, le roi n’est plus mentionné !

Sur les près de 130 à 150 000 prêtres et religieux, 40 à 45% seront réfractaires, et la majorité des évêques. Une loi de « déportation » est alors votée en novembre 1790. Louis XVI n’est plus l’ombre que de lui-même. La France devient génocidaire de son propre peuple ! La France révolutionnaire tue 500 000 Français… Les Lumières se transforment en Ténèbres noir-sang. Les condamnations du Pape Pie VI ne changeront rien. 

De 1789 à 1905 !

116 ans séparent 1905 de 1789. La France monarchiste est devenue révolutionnaire, républicaine, puis, impériale, puis, une dernière fois monarchiste. Le régime républicain est institutionnalisé depuis la 3e République (1870-1940). Les attaques de l’Etat contre l’Eglise reprennent après l’accalmie et la défense napoléonienne. Le Concordat est l’exemple type des exceptions à la laïcisation à outrance de notre société. Des exceptions qui devraient être la règle.

En 1905, le Pape, comme ses prédécesseurs, dénoncent « les persécutions » de l’Etat français contre l’Eglise de France, contre « la sécularisation ». Une nouvelle fois, les biens de l’Eglise sont transférés à l’Etat. Ce-dernier nationalise à tour de bras. Il s’empare, soumet, spolie à son autorité tous ces biens.

L’affaire Dreyfus n’a rien arrangé. Malgré la grâce présidentielle, l’antisémitisme et l’anticléricalisme sont repartis à la hausse. En plus, l’inauguration officielle et solennelle de la basilique du Sacré-Cœur de Montmartre le 5 juin 1891, du Vœu national, déclarée d’utilité publique par la loi du 24 juillet 1873, à la suite de la guerre de 1871, a relancé le sentiment anticlérical pour les radicaux de gauche comme Jules Ferry (de la gauche républicaine). On encense l’ancien ministre et l’ancien président du conseil pour l’école gratuite, et c’est très bien. Mais, on oublie vite qu’on lui doit l’expulsion des congrégations religieuses en 1880-1882. On oublie vite sa christianophobie !

En 1893, le Pape Léon XIII

Oui, cette année-là, le pape demande aux catholiques français toujours opposés à la République de se ranger de son côté. « Léon XIII demande aux catholiques de reconnaître la République comme une forme de gouvernement comme une autre, expliquait Martin Dumont (docteur en Histoire, ingénieur d’études, secrétaire général de l’Institut de recherche pour l’étude des religions à la Sorbonne Université, chargé d’enseignement à l’Institut catholique de Paris), il y a quelques mois dans une tribune. Mais il s’oppose au principe d’une séparation de l’Église et de l’État, et il condamne fermement la franc-maçonnerie. Il ne fait aucune concession au libéralisme catholique. L’idée, derrière le ralliement, est une reconquête chrétienne de la société. »

La reconquête a-t-elle eu lieu ? La société française est-elle redevenue chrétienne. Manifestement, non. Aujourd’hui, en 2025, il y a en France plus de 9 000 prêtres. Ils étaient plus de 50 000 en 1945, à la sortie de la Seconde Guerre mondiale, et plus ou moins 130 000 en 1800. Une véritable hécatombe !

 

La Loi de Séparation de l’Eglise et de l’Etat : un nouveau mystère douloureux

De nouveau la gauche républicaine en 1900-1905 veut reprendre la main, enfoncer les clous dans les mains de l’Eglise de France et gommer définitivement les avantages du Concordat. Oui, de nouveau, comme si l’Eglise était crucifiée, des congrégations sont expulsées (comme en 1790, 1880 et 1882). Avant 1905, le gouvernement Combes avait, déjà, ordonné la fermeture de plus de 2 000 écoles privées. Les Bénédictins, les Chartreux, etc., sont expulsés.

Selon Dom Louis Soltner, moine bénédictin de Solesmes, auteur de nombreux ouvrages sur le sujet, ces 120 ans, cet anniversaire

« de la séparation de l’Église et de l’État va ramener l’attention des français sur la période de politique anticléricale du gouvernement de la troisième République avant 1914. Déjà en 1980, Solesmes avait commémoré un événement douloureux de son histoire : l’expulsion des moines par la force publique, pour insoumission aux décrets du 29 mars 1880. La plupart de nos visiteurs sont surpris quand on leur apprend que les bénédictins de l’abbaye Saint-Pierre ont été chassés de chez eux en novembre 1880 et en mars 1882. Ils apprennent ensuite que les moines ont vécu durant une quinzaine d’années dans les maisons du village, hors de leur cloître, aux portes de leur monastère qui leur était interdit ; puis qu’ils y sont rentrés en 1895, à la faveur d’une accalmie, le temps de construire un bâtiment grandiose le long de la Sarthe, et qu’à peine celui-ci terminé, ils ont dû s’exiler en Angleterre en 1901… »

Aujourd’hui quid de la Christianophobie ?

Selon l’ancien Président de la Conférence des Evêques de France, organe dirigeant l’Eglise de France, Mgr Eric de Moulins-Beaufort qui s’exprimait en 2021 au sujet d’un texte de projet de Loi confortant le respect des principes de la République et visant à renforcer la Loi de 1905 :

« Lorsque j’avais rencontré le Président de la République à la fin du mois d’août 2019, il avait déjà évoqué ces sujets avec beaucoup de vigueur. Nous comprenons les inquiétudes que suscitent les actions de groupes généralement qualifiés d’islamistes – ce que le terme de « séparatisme » voulait mentionner au départ. Mais l’on se trouve finalement devant un texte qui modifie, ou qui risque de modifier, l’équilibre général de la loi de 1905 et ainsi la manière dont les catholiques, les protestants, les orthodoxes et les juifs ont trouvé à vivre en France d’une manière qui nous paraît plutôt harmonieuse et sur laquelle nous ne souhaitons pas particulièrement revenir. Autant dire que nous ne sommes pas demandeurs de ce projet de loi, même si nous comprenons certaines nécessités relatives à l’ordre public. »

En résumé : statu quo sur 1905, le problème c’est l’islamisme.

Aujourd’hui, tous les projecteurs sont braqués sur l’islamisation de la France, sur une France qui deviendrait en partie, dans certaines villes, dans certains villages, dans certaines régions de France (toutes ?) musulmanes. Une France sarrasine qui ferait voler en éclat la Loi de 1905 et l’apaisement entre les religions catholiques, protestantes et juives. Une France qui effacerait les valeurs de la République pour les remplacer par celle du Coran ! La charia remplacerait la Liberté, l’Egalité et la Fraternité, sur les frontons de nos institutions et de nos mairies.

Une France nettoyée de son histoire chrétienne, qui a vu le nombre de musulmans passé de 200 000 après la Première Guerre mondiale, à plus ou moins 10 millions aujourd’hui ! Une France qui a vu le nombre de ses mosquées passer de 1 à 2 600-2 700 ! Une France en danger ! Une France islamisée !

En 2019, la cathédrale Notre-Dame de Paris brûle. L’enquête est toujours en cours… Aucune autorité ne s’est prononcée sur un énième attentat.

En 2023, selon Camille Chaize, porte-parole du ministère de l’Intérieur, « un peu moins de 1 000 actes anti-chrétiens, contre les biens comme des cimetières ou des églises » avaient été déclarés. En 2024, le nombre d’incendies d’églises était monté en flèche. Et en 2025 ?

Triste anniversaire, donc, celui des 120 ans de la Loi de 1905, qui embastillerait la France chrétienne dans la christianophobie…

Reportage réalisé par Antoine BORDIER

Copyright des photos A. Bordier, Assemblée Nationale, Marion Sigaut et GodefroyParis / CC by-sa

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