Yvon Tranvouez, professeur émérite d’histoire contemporaine à l’université de Brest, membre du Centre de recherche bretonne et celtique, vient de publier L’ivresse et le vertige. Vatican II, le moment 68 et la crise catholique (1960-1980).
Le concile Vatican II, qui espérait réconcilier l’Église et le monde moderne, a très vite suscité des remous chez les clercs comme chez les fidèles. Ses décisions commençaient tout juste à être mises en oeuvre quand survint l’onde de choc de Mai 68, qui plongea plus encore le catholicisme français dans une période de fortes turbulences jusqu’à la fin des années 1970.
Certains pensent que l’Église ne s’en est pas remise, emportée depuis lors dans une spirale de déclin. D’autres estiment que cette agitation n’a fait que précipiter une reconfiguration qui serait advenue de toute manière, du fait de la sécularisation de la société contemporaine et de la montée de l’individualisme.
Revenant à la fois sur quelques questions révélatrices de ce qui s’est joué alors et sur certains acteurs qui furent au coeur de cette crise catholique, ce livre se propose d’éclairer une scène ecclésiale souvent complexe et parfois confuse, dans une période cruciale – excitante et vertigineuse à la fois – dont l’héritage est aujourd’hui fortement controversé.
L’auteur montre la dérive politique de nombreux catholiques de cette période, qui sombrent dans le gauchisme jusqu’à abandonner toute foi catholique. Il cite un texte révélateur de cette apostasie, publié par des militants de cette gauche catholique des années 1970 :
Chrétiens menant un combat révolutionnaire nous avons constaté que les chrétiens qui mènent cette lutte abandonnent tôt ou tard la foi chrétienne. Il semble qu’il y ait une incompatibilité de fait entre la foi telle qu’elle est vécue dans l’Eglise et toute entreprise de transformation radicale de la société. Nombreux sont les chrétiens qui résolvent ou ont résolu la contradiction en laissant tomber un des termes. Pour notre part, nous vivons aussi cette contradiction et il ne nous semble pas qu’elle constitue une alternative.
Pesons bien ces mots : les militants de la gauche catholique vivent dans la contradiction, mieux, ils vivent de la contradiction, cultivant plus ou moins longtemps leur conscience fausse et leur identité malheureuse, trop à gauche pour être catholiques ou trop catholiques pour être à gauche.