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France : Société

Un ancien Black bloc témoigne : “Ces gens sont dans une vision romanesque du djihad”

Un ancien Black bloc témoigne : “Ces gens sont dans une vision romanesque du djihad”

Après vingt-cinq années acquises à la cause de l’extrême gauche au sein des black blocs, il s’est repenti et témoigne dans Le Figaro :

Gaspard est un pseudonyme qu’il s’est lui-même attribué pour les besoins de cette interview. Il tient à faire référence, non sans une petite note d’humour et de sarcasme, à ses anciens camarades de «lutte».

«Il n’y a qu’un antifa ou un black bloc pour s’appeler Gaspard, s’amuse-t-il. Durant toutes ces années dans ce milieu, je n’ai côtoyé presque que des Gaspard, des gosses de bourges. Les autres sont les rejetons d’anciens soixante-huitards, d’enseignants et de syndicalistes. Ils vivent dans le confort et cherchent à s’encanailler en jouant aux révolutionnaires. Ils brûlent des façades de McDo, mais n’ont aucun problème à aller manger un Big Mac quand ils se sont défaits de leurs tenues de casseur… Tous les mecs de gauche, lâche-t-il dans un éclat de rire, bouffent du McDo! »

Gaspard, lui, n’est pas né avec une cuillère en argent dans la bouche. Il a grandi en banlieue au cœur d’une cité. Son engagement pour la cause anticapitaliste, il le décrit lui-même comme sincère et hérité d’un milieu familial à la conscience politique très enracinée à gauche.

«Je n’ai connu que ça. Je suis tombé dans l’extrême gauche quand j’étais tout petit. C’était un passage inévitable. J’ai passé beaucoup de temps auprès de mon grand-père qui, lors des réunions familiales, nous racontait l’histoire du Front populaire. À chaque déjeuner du dimanche, on ne parlait que de la gauche, c’est tout juste si on ne consacrait pas une prière à Léon Blum. Il n’y avait pas de débat sur le vote. Il fallait qu’il soit le plus rouge possible. Si quelqu’un avait le malheur de dire que la droite pouvait avoir de bonnes idées, cette personne était assurée de se prendre l’entrecôte en pleine figure !»

Biberonné à ces valeurs, l’adolescent grandit convaincu de la nécessité de s’inscrire dans la lutte contre l’oppresseur capitaliste. Il tâtonne au début, ne sachant comment intégrer cette nébuleuse qu’il ne connaît pas très bien. Il commence par le graffiti en vandalisant des murs ou des devantures, puis il accompagne quelques-uns de ces militants pour saccager des distributeurs de billets de banque. À la fin, il se retrouve encagoulé dans les manifestations.

«Le glissement s’est fait tout doucement d’une action à l’autre, explique-t-il. Ça s’est mis en place lorsque j’ai eu 14 ans et que je commençais à être un peu plus structuré idéologiquement et politiquement. J’étais un black bloc et ma mission consistait dorénavant à me concentrer sur la destruction des symboles du capitalisme ou à créer des TAZ (Temporary Autonomous Zones) en occupant des lieux. J’ai fait ça pendant vingt-cinq ans, et j’étais sincèrement convaincu de la justesse de mon engagement. »

Depuis près d’un an, Gaspard s’est retiré de ce milieu. Il se décrit comme réveillé brutalement d’un état de torpeur, comme s’il avait été sous l’emprise d’une secte. L’émotion le submerge. Il lui faut, pendant de longues minutes, retenir ses larmes pour expliquer ce cheminement. L’ampleur de la secousse de la rupture est, selon lui, à la hauteur de «la trahison».

« Au lendemain du 7 octobre et des attaques du Hamas en Israël, je me suis pris un mur en pleine figure, celui de l’antisémitisme qui s’est exprimé. Le plus grave, c’est la soumission à l’islamisme. Ces gens sont dans une vision romanesque du djihad avec les yeux qui brillent de fascination. Ils sont dingues. Les entendre dire que ces actes de barbarie s’apparentaient à ceux de la Résistance, c’était intolérable. »

Le choc est tel que son seul retrait de cette nébuleuse violente d’extrême gauche ne suffit pas. Il ressent le besoin de faire un travail d’introspection pour se reconstruire. Il ne s’agit pas pour Gaspard de renier son passé. Au contraire, il le regarde en face pour mieux avancer. Son honnêteté est à la fois touchante et déroutante. Il ne tente pas de minimiser les actes de violence auxquels il a participé lors des manifestations. Il décrit d’ailleurs, avec force détails, la façon dont chaque action est organisée.

« Je n’étais pas un antifa, insiste Gaspard : eux, leur spécialité, c’est la chasse aux fachos d’extrême droite. Ces mecs sont dangereux et m’ont toujours fait peur. Ils sont capables de suivre quelqu’un pour le coincer et se mettre à dix sur lui pour le tabasser. Cette nébuleuse antimondialiste, anticapitaliste se divise en réalité en divers groupes affinitaires : les antifas, les trotskistes , les black blocs, les écolos radicaux, etc.»

Il reprend :

« Moi, j’étais un black bloc. À force de casser et de me prendre pour le Che, j’ai fini par être validé et je me suis retrouvé à des sommets du G20 où se réunissaient des groupes venus de toute l’Europe. Les opérations, lors de ces événements, sont particulièrement organisées. Il y a du repérage en amont. Les leaders, qui n’ont jamais plus d’une trentaine d’années, se réunissent dans un lieu jalousement gardé. Là, toutes les décisions stratégiques sont prises. Ils désignent les personnes et les lieux à cibler. Je me suis souvent interrogé sur l’éventualité de fuites venant des milieux politiques. Car ils sont trop bien informés. Ils savent très bien où certaines personnalités importantes sont logées. Ils visent leurs hôtels pour arriver avant elles, taguer les lieux ou parfois y mettre le feu. Il s’agit pour eux de marquer symboliquement le périmètre. »

Gaspard raconte aussi comment la vie d’un black bloc nécessite une certaine organisation logistique et vestimentaire.

Pour cela, la mise à sac des magasins est essentielle, mais pas anarchique. Si les boutiques de luxe, lors des manifestations, sont souvent saccagées, elles ne sont pas pillées. Cette seconde phase, selon lui, serait l’œuvre d’opportunistes.

«Un black bloc, s’il part avec un sac Vuitton sous le bras, c’est pour y mettre le feu, filmer la scène et la poster sur les réseaux sociaux. Les hommes en noir, affirme-t-il, pillent, mais avec un code d’honneur. Il faut que le vol serve à la cause. On cible les enseignes de sport pour les vêtements car en manif on porte plusieurs couches pour pouvoir se défaire de nos tenues et ne pas être identifiés par la police. On peut dévaliser un supermarché car la nourriture va nous servir. On prend dans les magasins de bricolage pour s’équiper en outillage nécessaire à la casse, comme des marteaux ou des pinces pour forcer les devantures. Les extincteurs nous sont aussi très utiles. S’ils sont vidés sur tous les lieux des exactions, ce n’est pas pour s’amuser ou éteindre les incendies mais pour nettoyer la scène de crime. Cela empêche toute prise d’empreintes digitales ou d’ADN. »

Derrière ces scènes de chaos et de violence retransmises en boucle par les chaînes d’information lors des débordements en marge des manifestations, Gaspard décrit une mécanique bien huilée, une méthodologie et même une discipline. Après avoir cassé, frappé, saccagé et mis le feu, les casseurs obéissent aux meneurs lorsque ceux-ci décident que l’opération est terminée. Le message passe par un cri de ralliement qu’eux seuls reconnaissent.

«À ce moment, tout le monde se débarrasse de ses vêtements pour ne pas être reconnu par la police ou piégé par les traces de paintball balancé par les flics pour marquer les casseurs. On brûle tout. On marche tranquillement pour se retrouver, comme si de rien n’était, à côté des mecs de la CGT avec leurs merguez . »

Transgression ultime dans son chemin vers la rédemption et le rejet de cette idéologie d’extrême gauche, Gaspard a créé une entreprise. Il est devenu, comme il le dit avec humour, « un affreux capitaliste » et assume pleinement sa décision de rompre.

« L’extrême gauche, LFI en tête, a fait tomber les digues de la laïcité en s’alliant avec les islamistes. Ces mecs sont un danger pour le pays. Je ne leur pardonnerai jamais cette trahison. »

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