Homélie du Très Révérend Père Dom Jean Pateau, Abbé de Notre-Dame de Fontgombault. (Fontgombault, le 17 février 2021)
Ubi est thesaurus tuus, ibi est et cor tuum.
Là où est ton trésor, là aussi est ton cœur.
Mt 6,21
Chers Frères et Sœurs,
Mes très chers Fils,
Les temps de l’Avent et du Carême, en tant que préparations aux fêtes de Noël et de Pâques, sont des temps de pénitence, il est indéniable que le Carême revêt, par rapport à l’Avent, un caractère d’austérité très particulier. Quarante jours à la fois redoutés et désirés qui débouchent dans la lumière du matin de Pâques.
Le Carême de cette année pourrait prendre une couleur particulière si nous décidions de nous mettre à l’école de saint Joseph. Le 19 mars, jour de sa fête, tombe en effet toujours en Carême, même si, parfois, la semaine sainte empêche sa célébration liturgique à cette date.
Le 8 décembre dernier, en la fête de l’Immaculée Conception, commémorant les 150 ans de la décision du bienheureux Pie IX d’invoquer saint Joseph comme Patron de l’Église universelle, le Pape François a adressé aux fidèles une lettre apostolique intitulée Patris corde : Avec un cœur de père. Ce cœur de Père, c’est le cœur de saint Joseph.
« Le but de cette Lettre Apostolique, écrit le Pape, est de faire grandir l’amour envers ce grand saint, pour être poussés à implorer son intercession et pour imiter ses vertus et son élan. » (Fin de la lettre)
Alors que l’Évangile de la Messe de ce matin invite à fuir les airs hypocrites, « nous pouvons tous trouver en saint Joseph, assure le Saint-Père, l’homme qui passe inaperçu, l’homme de la présence quotidienne, discrète et cachée, un intercesseur, un soutien et un guide dans les moments de difficultés. » Soyons assurés qu’il nous accompagnera en ces jours de pénitence. Parcourons donc cette lettre consacrée à la paternité de saint Joseph, que le Saint-Père a divisée en sept points : Père aimé, Père dans la tendresse, Père dans l’obéissance, Père dans l’accueil, Père au courage créatif, Père travailleur, Père dans l’ombre. Ces points offrent les bases pour un bon Carême.
Saint Joseph a su faire de sa vie « un service, un sacrifice au mystère de l’incarnation et à la mission rédemptrice… un don total de soi, de sa vie, de son travail. » Pour cela, il fut un père aimé. Notre vie est-elle un don de soi ?
« Jésus a vu en Joseph la tendresse de Dieu. »
« Le Malin, poursuit le Saint-Père, nous pousse à regarder notre fragilité avec un jugement négatif. Au contraire, l’Esprit la met en lumière avec tendresse. La tendresse est la meilleure manière de toucher ce qui est fragile en nous. Le fait de montrer du doigt et le jugement que nous utilisons à l’encontre des autres sont souvent un signe de l’incapacité à accueillir en nous notre propre faiblesse, notre propre fragilité. Seule la tendresse nous sauvera de l’œuvre de l’Accusateur (cf. Ap 12, 10). C’est pourquoi il est important de rencontrer la Miséricorde de Dieu, notamment dans le Sacrement de la Réconciliation, en faisant une expérience de vérité et de tendresse. » En ce temps du Carême cette dernière invitation se fait pressante.
« Joseph, ajoute le Saint-Père, nous enseigne […] qu’avoir foi en Dieu comprend également le fait de croire qu’il peut agir à travers nos peurs, nos fragilités, notre faiblesse. Et il nous enseigne que, dans les tempêtes de la vie, nous ne devons pas craindre de laisser à Dieu le gouvernail de notre bateau. Parfois, nous voudrions tout contrôler, mais lui regarde toujours plus loin… » Alors que nous débutons ce temps du Carême, nous nous trouvons bien petits. Dans quelques jours, nous nous recommanderons aux secours des saints Anges. Laissons-nous conduire aussi par les trésors de la liturgie. « Revenez à moi de tout votre cœur, dans le jeûne, les larmes et le deuil ! » (Jo 2,12)
« Dans chaque circonstance de sa vie, écrit encore le Pape, Joseph a su prononcer son fiat, tout comme Marie à l’Annonciation, et comme Jésus à Gethsémani… Dans la vie cachée de Nazareth, Jésus a appris à faire la volonté du Père à l’école de Joseph… » C’est le témoignage de l’obéissance, de la fidélité à la parole donnée. Où en sommes-nous de la mise en œuvre des promesses de notre baptême, de nos promesses et de nos professions ? L’accueil du plan de Dieu, quel qu’il soit, est manifeste alors que saint Joseph apprend que sa fiancée est enceinte. Le Saint-Père nous dit qu’il « accueille Marie sans fixer de conditions préalables. […] Joseph laisse de côté ses raisonnements pour faire place à ce qui arrive et, aussi mystérieux que cela puisse paraître à ses yeux, il l’accueille, en assume la responsabilité et se réconcilie avec sa propre histoire. Si nous ne nous réconcilions pas avec notre histoire, nous ne réussirons pas à faire le pas suivant, parce que nous resterons toujours otages de nos
attentes et des déceptions qui en découlent. La vie spirituelle que Joseph nous montre n’est pas un chemin qui explique, mais un chemin qui accueille… »
Comme il serait important de nous réconcilier en ces jours avec notre propre histoire ! Tant de blessures dans nos familles et nos communautés demandent à être guéries.
« Joseph, poursuit la Lettre apostolique, est l’homme [au courage créatif] par qui Dieu prend soin des commencements de l’histoire de la rédemption […]. La “bonne nouvelle” de l’Évangile est de montrer comment, malgré l’arrogance et la violence des dominateurs terrestres, Dieu trouve toujours un moyen pour réaliser son plan de salut… »
Saint Joseph offre le témoignage d’une indéfectible espérance. Alors que le monde traverse une crise sanitaire, sociale et religieuse sans précédent, il est bon de nous souvenir que tout demeure dans la main de Dieu. Sommes-nous les témoins convaincus que l’Évangile est une bonne nouvelle à offrir aussi à notre temps ? Dépensons aux affaires de Dieu notre temps et nos forces, pour proposer l’Évangile au monde.
Contemplons saint Joseph. « Son silence persistant ne contient pas de plaintes, mais toujours des gestes concrets de confiance… » Joseph apparaît comme « une ombre de l’unique Père céleste qui “ fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et tomber la pluie sur les justes et sur les injustes ˮ (Mt 5,45) ; et une ombre qui suit le Fils. »
Où était le cœur de saint Joseph ? Là où était son trésor, et son trésor, c’était le Christ, l’Enfant de la crèche devenu l’adolescent de Nazareth, le fils du charpentier ; c’était aussi Marie. En ce temps du Carême, demeurons, nous aussi, dans la proximité du Christ et de sa Mère.
Par l’aumône, le jeûne et la prière, ouvrons nos cœurs à l’attente et à la lumière du Christ ressuscité, dans une foi, une espérance et une charité renouvelées à l’école de saint Joseph.
Saint et joyeux Carême. Amen.