D’Aurelio Porfiri, éditeur et écrivain catholique italien, pour le Salon beige:
J’ai souvent évoqué, en parlant de la liturgie, comment elle souffre d’une crise d’identité qui touche également la musique sacrée. Les textes fournis dans le Missel sont souvent ignorés au profit de chants qui ne sont pas toujours d’une qualité adéquate. Cela concerne même les grandes fêtes, comme Noël, bien qu’il existe ici un répertoire de cantiques qui constitue un précieux bagage pour un répertoire commun enraciné dans la tradition.
Un exemple en est Adeste Fideles, une belle mélodie d’origine incertaine, avec des paroles attribuées à John Francis Wade (XVIIIᵉ siècle). Ce chant a été traduit dans de nombreuses langues vernaculaires, mais il ne fait aucun doute que la version originale en latin possède un charme tout particulier. Nous savons peu de choses sur les origines de ce chant. Un article paru sur le Blog della Musica le qualifie de “chant mystérieux.” En effet, il n’est pas simple de remonter à son auteur principal ; il a été attribué à divers auteurs, et pour le texte, certains ont même évoqué saint Bonaventure. La musique, quant à elle, a été attribuée à plusieurs compositeurs, dont Georg Friedrich Haendel. Cependant, il semble que le compositeur soit bien John Francis Wade (1711–1786).
Mais qui était Wade ? Nous ne savons pas grand-chose de lui. Certains disent qu’il était membre du clergé, d’autres qu’il était laïc. Ce que nous savons, c’est qu’il était anglais et catholique, ce qui n’était pas simple dans l’Angleterre du XVIIIᵉ siècle. Il était copiste de musique, et la version d’Adeste Fideles que nous connaissons aujourd’hui nous est parvenue grâce à lui, datée entre 1740 et 1743 (blogdellamusica.eu). En 1947, Dom Jean Stéphan a tenté de retracer les origines de ce chant dans son ouvrage Adeste Fideles: A Study on Its Origin and Development (Buckfast Abbey, South Devon, 1947).
J’ai été agréablement surpris de découvrir, en éditant le livre de Vittorio Messori La luce e le tenebre, que l’écrivain renommé avait également une prédilection pour ce chant :
« Mon préféré est Adeste Fideles qui, comme chacun sait, nous invite à accourir à Bethléem pour adorer dans une grotte le Verbe incarné en un enfant. C’est un chant d’une grande douceur et majesté, avec des paroles dont la beauté ne peut être pleinement appréciée qu’en latin, langue originale malheureusement presque disparue dans nos paroisses. En effet, c’est un grand classique, interprété par tous les plus grands chanteurs, harmonisé et réarrangé de mille façons différentes, des versions les plus simples aux plus somptueuses, avec chœurs et orchestres à profusion. »
Il est vrai que ce chant a connu un succès extraordinaire à travers le monde.
Je crois que les mots de Messori, “grande douceur et majesté,” décrivent bien le caractère de ce chant. La mélodie invite les fidèles à se mettre joyeusement et triomphalement en marche vers Bethléem, où ils verront et adoreront le Roi des Anges. Le Venite adoremus répété trois fois dans un crescendo emphatique qui se résout sur le mot Dominus nous conduit magnifiquement à la scène humble mais grandiose de la Nativité, la naissance du Sauveur de toutes les nations.
Faisant écho à Messori, l’apologiste catholique Paolo Gulisano écrit :
« Mon chant de Noël préféré est Adeste Fideles. C’est un chant d’une solennité musicale remarquable, presque une marche royale. Et en effet, les paroles évoquent le Roi des Anges que nous sommes appelés à adorer : “Nous verrons, cachée sous un corps humain, la splendeur impérissable du Père éternel.” C’est le chant de la manifestation de la Gloire de Dieu dans un enfant emmailloté. Une autre raison qui rend ce chant si cher à mon cœur est liée à son auteur, John Francis Wade, un catholique anglais du XVIIIᵉ siècle, exilé de son pays en raison de sa foi. Le chant, tant la musique que les paroles, fut composé en 1743 à Douai, en France, où une communauté d’exilés britanniques s’était établie. Il semble que Wade, professeur de musique, se soit inspiré d’un motif traditionnel irlandais. Une autre raison pour laquelle j’aime ce chant est qu’il était très prisé des Jacobites, les catholiques d’Angleterre, d’Écosse et d’Irlande qui se battaient pour la restauration de la dynastie Stuart. C’était une sorte de message codé qui invitait à suivre le Rex Angelorum, lequel, en langage codé, désignait le Rex Anglorum, le véritable souverain légitime des Îles britanniques, Bonnie Prince Charlie. Bref, pour ceux qui me connaissent et connaissent mes intérêts et passions, il n’est pas difficile de comprendre pourquoi mon choix se porte sur Adeste Fideles! »
La popularité de ce chant est probablement due à la noble simplicité et à la beauté de sa mélodie. Progressant presque entièrement par degrés conjoints, avec quelques rares sauts soigneusement intégrés, il transporte l’âme du fidèle pour qu’elle s’unisse au chœur des anges dans la louange de l’Enfant qui vient, à ce moment de l’histoire où tout le passé se résumait et tout l’avenir surgissait. Nous aussi, nous nous approchons progressivement de cet événement éclatant et contemplons avec les bergers Celui que l’humanité avait toujours attendu.
nicole2
Adestes Fidèles – Pavarotti – 1978 Notre Dame (Montreal)
Choirs: Les Petits Chanteurs du Mont-Royal and Les Disciples de Massenet
https://www.youtube.com/watch?v=af7qmTGuz5A
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Adeste Fidèles
https://www.youtube.com/watch?v=FxkFS2izdHk
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