D’Olivier Bault dans Présent :
Boris Johnson n’est pas Donald Trump. Père de cinq enfants, dont quatre qu’il a eus de sa deuxième épouse avec laquelle il est en instance de divorce, c’est en effet un progressiste revendiqué à l’image d’un Parti conservateur qui a abandonné les dernières apparences du conservatisme sous l’ancien Premier ministre David Cameron, artisan de l’introduction du « mariage gay » en Angleterre et au Pays de Galles en 2014. Johnson est par ailleurs partisan d’une immigration contrôlée mais massive qu’il estime enrichissante. Libéral-libertaire et partisan d’une société multiculturelle, Boris John n’a toutefois jamais été européiste. Sa décision de soutenir le vote pour le Brexit lors de la campagne de 2016, mûrie pendant plusieurs mois, était le fruit d’une réflexion éclairée et non pas d’une volte-face populiste comme le lui ont reproché certains détracteurs. Et pour cause, il connaît bien le fonctionnement et les dérives de l’UE pour avoir été le correspondant à Bruxelles du Telegraph de 1989 à 1994, une époque où il était très critique de la commission de Jacques Delors et où il s’est taillé, dès le début de sa carrière journalistique puis politique, une réputation d’eurosceptique.
Après un discours prononcé mardi à la Chambre des communes où il a à nouveau promis que la sortie de l’UE se ferait le 31 octobre « sans “si” et sans “mais” », le nouveau Premier ministre a remplacé 17 membres du gouvernement de Theresa May. Le Telegraph, son ancien journal dans lequel il publie encore régulièrement des tribunes, a appelé cela « la nuit des blonds couteaux », en référence à l’abondante chevelure du nouveau Premier ministre.
Que l’on se le dise à Bruxelles, Paris et Berlin, le choix des nouveaux ministres montre que Boris Johnson ne bluffe pas. Si l’UE refuse de renoncer au backstop, ou « filet de sécurité » nord-irlandais, le Brexit se fera à la dure et l’argent de la « facture du Brexit » sera plutôt utilisé pour huiler les rouages d’une économie britannique retournant à son libéralisme traditionnel.
Parmi les nominations les plus notables, le ministre de l’Intérieur de Theresa May, Sajid Javid, musulman de descendance pakistanaise, devient chancelier de l’Echiquier, c’est-à-dire numéro deux du gouvernement. C’est un des rares aux postes clés de ce nouveau gouvernement qui avaient appelé à voter contre le Brexit en 2016, mais, considéré outre-Manche comme un eurosceptique de longue date malgré tout, il sera utile en cette période compliquée grâce à ses compétences reconnues dans la finance. Aux Affaires étrangères, Johnson a nommé Dominic Raab qui avait démissionné en novembre 2018 comme ministre du Brexit de Theresa May justement parce qu’il désapprouvait le projet d’accord avec les 27. A l’Intérieur, Priti Patel est une souverainiste libérale confirmée. Javid et Patel sont des libéraux-conservateurs de style thatchérien membres de l’European Research Group, le groupe pro-Brexit des tories au Parlement présidé par Jacob Rees-Mogg, un conservateur pro-vie que Johnson a justement choisi pour devenir président du groupe du Parti conservateur à la Chambre des communes.