A l’occasion de la sortie du livre “Pour l’amour de l’Eglise” qui consiste en une série d’entretiens avec Mgr Bernard Fellay réalisés avec Robert Landers de 2016 jusqu’au début de l’année 2019, le Salon Beige a obtenu l’autorisation des éditions Via Romana d’en publier quelques extraits.
Face à tout le mal, comment croire encore que Dieu est juste et bon ?
Le bon Dieu n’est pas en caoutchouc. Il est ferme. Il a la douceur, mais en même temps il a la fermeté. En Dieu, ces dispositions s’accordent parfaitement. Dieu est simple. Il est la tendresse. Il est la justice…
N’est-ce pas perdre son temps que de persévérer dans la prière sans rien ressentir ? Beaucoup de personnes se lancent dans une vie d’oraison, mais la nuit spirituelle venue, les premières ardeurs s’effacent.
Le bon Dieu envoie des épreuves à l’âme qui est généreuse pour la faire progresser. Ces épreuves sont parfois longues. Dans la vie des saints, nous voyons que la première nuit de l’âme dure facilement vingt ans… Néanmoins, souvent, dans la vie spirituelle, les périodes de consolation alternent avec les moments de désolation. Dieu ne procède pas exactement de la même manière avec chacun. L’itinéraire de chaque âme est unique…
Il y a des gens qui vivent des drames affreux et qui ont l’impression que Dieu n’est pas à leurs côtés. Peut-il y avoir une absence de Dieu ?
La réponse à votre question se trouve sur la croix…
Pour le chrétien, toute épreuve, même la plus dure, peut être transformée et sublimée en sources de grâce. Pourquoi ? Parce que celui qui souffre est semblable au Christ sur la croix. À travers les souffrances de ses disciples, Notre Seigneur continue d’une certaine manière sa Passion pour l’Église et le salut des âmes. Nous devons nous en rappeler. Les âmes participent au mystère de la Rédemption. Leurs souffrances contribuent à sauver des âmes. Comme dit saint Paul, celui qui ne peut rien est le plus fort…
L’Église a-t-elle encore de l’influence sur la société ?
L’Église a perdu beaucoup de l’influence qu’elle avait jadis sur la société. Autrefois, elle était maîtresse des mœurs. Elle était capable de dire à un chef d’État : vous n’avez pas le droit d’agir ainsi ! Et son intervention entraînait une réaction. Aujourd’hui, malheureusement, c’est fini. L’Église parle, mais elle n’est plus écoutée. Souvenez-vous. À l’époque, alors que la question de l’avortement était discutée âprement en Italie, Jean-Paul II avait exposé la position de l’Église avec une grande fermeté, mais la majorité des catholiques ne l’ont pas suivi…
Dans son dernier livre, Mémoire et Identité, Jean-Paul II a fait l’éloge de la société polonaise imprégnée de christianisme malgré un communisme agressif, c’est un bel exemple non ?
Certainement. Les situations sont très différentes d’un pays à l’autre. Cependant, tout ce qui contribue à restaurer l’ordre chrétien dans la société mérite d’être salué. Benoît XVI a insisté sur les principes de la loi naturelle et chrétienne qui fondent la vie en société, même si dans ses discours, à mon avis, manque un développement sur la royauté sociale du Christ. En tout cas, la perte d’influence de l’Église dans la société est préoccupante…
La reconnaissance de la Fraternité Saint-Pie X est attendue par des catholiques, souvent jeunes, répartis dans le monde entier et qui ne sont pas de ses ouailles habituelles. Comment percevez-vous cela ? Beaucoup se réjouissent de la pleine réintégration attendue…
Oui, bien sûr. De notre côté, il nous faudra un grand cœur. Durant ces années où nous avons été attaqués de toute part, nous avons été poussés à nous recroqueviller sur nous-mêmes. Grâce à Dieu, cette époque est, je crois, dépassée pour l’essentiel, même si certaines attaques demeurent. Désormais, nous devons faire resplendir autour de nous la lumière de la Tradition, en profitant de tous les contacts intéressants que nous pouvons avoir. Je suis persuadé que nous avons quelque chose à apporter à l’ensemble de l’Église : nous devons aider les évêques, les prêtres et les fidèles à se réapproprier ces trésors de la Tradition qui ont été mis de côté. Tout ce qui est catholique est nôtre…