Extraits d'un long entretien de Marion Maréchal Le Pen à Boulevard Voltaire :
"[…] on a pu aller au fond des choses et éviter les caricatures – il y en a beaucoup, souvent construites par nos adversaires de droite. Caricature sur l’augmentation du SMIC qui n’a jamais été dans le programme du Front National, caricature sur la mélenchonisation du programme économique qui est complètement absurde lorsqu’on s’y penche attentivement. Caricature, aussi, concernant une prétendue laïcisation des espaces publics qui ferait fi des racines chrétiennes de la France alors que précisément nous souhaitons dans la constitution remettre en avant et protéger ce patrimoine chrétien de la France… […]
[O]n constate une rupture, surtout sociologique, entre la droite conservatrice, dite bourgeoise – pas dans le mauvais sens du terme – dont les enfants sortent plutôt de grandes écoles, et cette France déclassée, des classes moyennes en difficulté, voire des classes populaires. Les préoccupations du quotidien ne sont pas les mêmes, mais il y a en effet une aspiration identitaire des deux côtés : la question immigration ou sécurité, la plus prégnante chez les classes populaires, est évidemment identitaire – on refuse la disparition de la culture française au profit d’une culture étrangère – mais la question de la lutte contre le mariage homosexuel ou contre la GPA ou la PMA est aussi un combat identitaire, puisque l’identité de la France, c’est aussi l’idée que l’on se fait de la dignité humaine, du respect de l’enfant, de sa filiation, de son enracinement. Ces deux classes sociologiques se retrouvent dans ce grand combat, qui est cohérent.
Elles peinent néanmoins à se reconnaître !
Oui et non. Les dernières élections ont révélé que les lignes avaient bougé. Les analyses du vote catholique en France montrent que nous étions, aux régionales, le premier parti dans cette tranche de population, alors qu’elle était l’une de celle qui nous résistait le plus. Les catholiques en France sont en train de se politiser La Manif Pour Tous est une génération très politique. Pendant très longtemps, chez les catholiques de France, notamment traditionalistes, l’idée de la pureté a dominé : on défendait les idées de façon totalement pure, sans aucun stratagème politique quand bien même l’efficacité ne serait pas au rendez-vous : on était bien avec son âme et avec sa conscience, ça suffisait. Je crois que la génération de la Manif pour tous n’est pas du tout dans cette optique-là, elle a compris qu’il fallait en politique s’adapter à l’environnement, utiliser ses codes et à ce titre être plus efficace. S’adapter ce n’est pas renoncer, leur capacité d’adaptation et de pénétration du paysage politique français portera ses fruits. Il porte déjà ses fruits. […]
Quand Marine Le Pen ou Florian Philippot disent « oui, nous reviendrons sur le Mariage pour tous mais ce n’est pas une priorité, ce n’est pas essentiel » on se dit, un peu sceptique, comment parviendra-t-on à revenir sur une telle loi, avec la forte opposition que ça génèrera, si on n’a pas la conviction que c’est essentiel ?
Je ne crois pas. il y a aujourd’hui 144 engagements dans le programme de Marine Le Pen, et il y a parmi eux l’abrogation de la loi Taubira, le refus de la généralisation de la PMA aux couples homosexuels femmes et le refus de la gestation pour autrui pour les couples homosexuels. C’est dit clairement.
Mais Marine Le Pen dit une chose dont il faut accepter la réalité : pour une grande partie des Français – et on peut peut-être le déplorer – l’abrogation de la loi Taubira n’est pas une priorité. Pour eux, la priorité est de savoir si leurs enfants ne vont pas être agressés à la sortie de l’école, de savoir s’ils vont apprendre à lire correctement, s’ils vont boucler leurs fins de mois et pouvoir payer leur loyer. Donc tout en conservant cet engagement sur lequel elle n’a jamais failli – et elle a été la seule ! d’où d’ailleurs l’injustice de ce procès – elle n’a pas voulu en faire un cheval de bataille ultra prioritaire et un étendard, parce qu’elle veut coller aux attentes des Français qui portent principalement sur l’éducation, le pouvoir d’achat ; les salaires et l’identité, sur le plan migratoire et sécuritaire.
Dans le programme du Front National, il y a beaucoup de mesures pour la famille, vous allez revenir sur la dégressivité des allocations familiales par exemple ?
Oui, nous voulons remettre le principe de l’universalité des allocations familiales, c’est-à-dire de ne plus les conditionner aux revenus – ce qu’avaient fait les socialistes.
Nous voulons également mettre en place la priorité nationale, c’est-à-dire que ces allocations seront réservées aux familles de nationalité français (aux couples dont l’un des deux parents au moins est français), évitant ainsi d’encourager la natalité étrangère en France, ce qui est un non-sens. Nous entendons enfin réactualiser le niveau de ces allocations sur le niveau de vie.
Mais ce ne sont pas les seules mesures pour la famille. La transmission du patrimoine, par exemple, est largement facilitée et encouragée : Marine Le Pen a bien conscience que la petite nation qu’est la famille est la condition de la grande nation qu’est la France, et que si nous ne soutenons pas cette cellule familiale nous brisons avec elle l’enracinement, la transmission parce qu’évidemment l’État ne peut pas combler à lui seul l’intégralité des solidarités sociales ! […]
Certaines personnalités des Républicains vous sont proches. Il se dit que, pour la première fois, le Front National pourrait se retirer ou faire des alliances là où il ne sera pas en situation d’être élu pour favoriser des personnalités proches dans les convictions….
Ça n’est pas à l’ordre du jour mais il y a en effet une réflexion sur ce sujet. À mon avis, c’est surtout une réflexion d’entre deux tours, elle ne peut pas être menée à l’heure actuelle puisque que ce serait laisser entendre que nous serions déjà dans un logiciel de défaite, ce qui n’est absolument pas notre cas ! […]
Marine Le Pen a dit qu’elle prendrait peut-être un Premier ministre qui ne serait pas du Front National, coupez-moi si je me trompe !
C’est possible !
Elle pensait à quelqu’un en particulier ? Quel est l’objectif ?
C’est à elle qui faudra le demander mais en tout cas, ce qu’il faut retenir c’est que Marine Le Pen n’est pas enfermée dans l’idée d’un gouvernement fronto-frontiste et qu’elle anticipe déjà la nécessité de l’élargir.
Ça veut dire à une personnalité de la vie civile… ou à des politiques « extérieurs » ?
Ça veut dire les deux, une personnalité de la vie civile ou politique. Cela s’adresserait en l’occurrence à des personnalités de la vie civile mais aussi à des personnalités actives sou non-actives du monde politique, qui ne viennent pas exclusivement du Front National. Elle a cité, déjà en leur tendant la main, Nicolas Dupont-Aignan, Henri Guaino, Philippe de Villiers. Un gouvernement de Marine Le Pen ce sera quelque-chose qui ressemblera au Front National et à l’ouverture à la droite nationale conservatrice en partie. […]