De Michel Onfray dans le JDD :
Les civilisations disparues étaient associées à des formes culturelles : la pyramide égyptienne, le Parthénon grec, le forum romain, la cathédrale chrétienne. Notre Histoire, qui se joue à l’intersection d’une civilisation qui se meurt et d’une autre qui advient, dispose également de sa signature : le spectacle de la parade qui remplace le réel par le virtuel, le tragique par le ludique, l’histoire par la fiction. Le cinéma, la télévision, les arts du spectacle fusionnent dans la Forme qui remplace les cathédrales : Disneyland. Homère, Tacite et Thomas d’Aquin sont remplacés par Mickey.
La cérémonie des Jeux olympiques a en effet permis à la France de se donner en spectacle au monde entier, de faire son cinéma, d’en faire un film, de proposer son cirque – qui fut un grand moment de guignolade. L’écriture de ce spectacle par un homme blanc, quinquagénaire, judéo-chrétien fut un exercice de haine contre… l’homme blanc, quinquagénaire, judéo-chrétien ! Le tout sous l’œil des décolonialistes qui attendent leur heure, préparée par ces idiots utiles subventionnés par le contribuable.
Les récentes élections ayant suivi la dissolution voulue par Macron ont eu pour résultat de faire entrer le spectacle dans l’Assemblée nationale qui est depuis devenue un territoire perdu de la République, une zone de non-droit. Le « 93 » n’a cessé d’être présenté dans ce parc d’attractions sur les berges du fleuve comme un modèle de civilisation.
C’est de cette capitale plus que jamais jacobine – Ah Paris ! –, qu’un chef de l’État sans gouvernement a déclaré ouverts ces JO dont le défilé d’ouverture fut un manifeste wokiste exhibé en mondovision. La France, ce fut, dans l’esprit de Robespierre qui a plané sur cette Seine devenue scène contre la Cène, la prétendue avant-garde prétendument éclairée d’une prétendue nouvelle civilisation. Avec l’aide du Collège de France, Macron a réalisé le rêve mélenchoniste appuyé par la gauche culturelle : célébrer l’Homme nouveau, déconstruit, pour une « France nouvelle » métissée, cosmopolite, LGBTQ +, etc.
Ce spectacle a bien montré qu’il existe deux France : celle de Paris, remplie par ceux qui nous gouvernent, celle des européistes de droite et de gauche, des Insoumis aux macronistes, des sociaux-démocrates aux néostaliniens, des gauchistes aux centristes, des libres-penseurs aux imams, des trotskistes au MEDEFistes, des écologistes décroissants aux néo-communistes productivistes : ce vendredi soir-là, c’était la Grande parade de ces nouveaux conformistes.
Et puis, il y a la France des territoires, comme disent les premiers en utilisant le mot des éthologistes quand ils parlent des animaux qui compissent et conchient leur espace vital. La France du petit peuple qui saute des repas, qui ne mange pas à sa faim, qui souffre la misère sociale dans son coin sans se plaindre, la France des paysans qui se pendent, des mères célibataires sous Prozac, des jeunes perdus, des travailleurs sous-payés, des étudiants crucifiés dans les petits boulots, des chômeurs et des assistés forcés à l’oisiveté qui ont regardé ce spectacle de la France contente d’elle-même, une France qui s’empiffre dans un banquet où sont englouties des sommes considérables et qui, bonne fille, autorise les gueux à les regarder bouffer dans l’un des festins du Pétrone décadent.
De l’art d’en finir avec la religion ?
Retenons deux moments emblématiques de ce Disneyland wokiste kitsch : cette parodie de Cène, somme toute assez veule et convenue, imagine-t-on une parodie du pèlerinage à la Mecque chez ces faux subversifs vraiment payés par l’État ? Et cette célébration de la Terreur de 1793. On ne pourra pas dire qu’on ne savait pas – ce que je dénonce en boucle depuis des années. Pas plus que je ne souhaiterais une parodie du Hadj, l’athée que je suis ne trouve aucune valeur ajoutée au blasphème, j’y verrai même plutôt une valeur retranchée à l’exercice de la raison.
Je ne trouve pas heureux de vouloir substituer au Christ une femme LGBTQ + enveloppée ; c’est en audace et en courage, en subversion et en radicalité, l’équivalent en Iran ou en Corée du Nord d’un char de parade sur lequel on moque le Grand Satan qu’est l’Oncle Sam ! Tirer sur une ambulance est un signe de médiocrité, un geste déshonorant. À cette heure, cette ambulance n’est pas l’arme qui menace le plus les Droits de l’Homme dans notre pays… On aura compris qu’il faut donc en finir avec cette religion-là qui est celle de notre civilisation ! Comment ? En retrouvant la Terreur, la décapitation, le Tribunal révolutionnaire, la guillotine. Ceux-là mêmes qui panthéonisent Badinter pour avoir aboli la peine de mort font en même temps de la guillotine un instrument de gouvernement. Attaquer le christianisme et célébrer la peine de mort contre une femme dont la seule faute fut d’être l’épouse de son royal mari, voilà bien de sinistres augures.
Une dernière chose. Le diable est dans les détails. L’armée française a, hélas, été requise pour hisser le drapeau olympique. L’étendard le fut, mais à l’envers. Si quelqu’un dans la Grande Muette a voulu cet incident, c’est à mes yeux le héros de cette soirée.