On le sait, Jérusalem est une ville sainte pour les musulmans. Un hadîth (parole attribuée à Mahomet) énonce :
« Une prière accomplie dans la mosquée de Jérusalem vaut mille prières ; une prière faite dans la mosquée de Médine vaut dix mille prières, et une prière dans la mosquée de La Mecque vaut cent mille prières ».
Et un épisode de la vie du-même Mahomet raconte un voyage nocturne : monté sur une monture fabuleuse, il se serait envolé de La Mecque vers Jérusalem pour y retrouver plusieurs grands prophètes (musulmans…) : Abraham, Moïse et Jésus. Jérusalem est pour les musulmans laporte du ciel.
Ville sainte pour les musulmans donc, sans aller toutefois jusqu’à l’affirmation étonnante de BFMTV en décembre 2017 : présenté à plusieurs reprises, un reportage sur la vieille ville de Jérusalem débutait par l’affirmation « Jérusalem est le berceau des trois monothéismes » ! BFMTV devrait envisager d’embaucher Frans Timmermans, vice-président de la Commission européenne et un temps pressenti pour être le président de la future Commission, et qui avait déclaré que l’islam fait partie de l’Europe depuis 2000 ans…
On le sait moins, Jérusalem n’a ni histoire juive, ni importance pour la religion juive. Si, si. C’est en tout cas la fable constamment racontée par les pays musulmans.
Peut-être vous rappelez-vous le léger émoi provoqué par le vote à l’UNESCO, le 15 avril 2016, d’une résolution appelant à protéger le patrimoine culturel palestinien, en particulier celui de la vieille ville de Jérusalem ? L’Etat d’Israël y était présenté sous le vocable de « Puissance occupante », et toute la toponymie citée n’utilisait que des termes musulmans : mosquée Al-Aqsa/Al-Haram Al-Sharif, sa Rampe des Maghrébins, la Place Al-Buraq (appelée entre guillemets « place du Mur occidental»). Aucune mention du judaïsme, ni de son histoire, ni de ses lieux, sauf pour en souligner le caractère fallacieux :
§14.Prie instamment Israël, la Puissance occupante, de cesser toute atteinte à l’égard des biens du Waqf situés à l’est et au sud de la mosquée al-Aqsa/al-Haram al-Sharif, comme les récentes confiscations de parties du cimetière al-Youssefeyah et de la zone d’al-Sawanah du fait de l’interdiction faite aux musulmans d’inhumer leurs défunts à certains endroits et de l’installation de fausses tombes juives en d’autres lieux des cimetières musulmans, qui viennent s’ajouter au changement radical du statut et du caractère distinctif des palais omeyyades, notamment la violation que représente la conversion persistante de nombreux vestiges islamiques et byzantins en soi-disant bains rituels juifs ou lieux de prière juifs ».
L’objectif était clairement de faire comme si Jérusalem n’avait ni histoire, ni vie juives. Un effacement.
La résolution avait été adoptée par le conseil exécutif de 58 membres. Six pays seulement avaient voté contre, principalement de tradition protestante : Estonie, Allemagne, Lithuanie, Pays-Bas, Royaume-Uni, USA. La France avait voté pour.
Cette résolution se terminait par le paragraphe
§40. Décide d’inscrire ces questions à l’ordre du jour de sa 200e session au titre du point intitulé « Palestine occupée », et invite la Directrice générale à lui présenter un rapport d’étape à ce sujet.
Le 13 octobre 2016, donc, appliquant parfaitement une stratégie de l’usure, une nouvelle résolution présentée par l’Algérie, l’Egypte, le Liban, le Maroc, Oman, le Qatar et le Soudan est votée. Reprenant les termes de la résolution précédente, elle intègre cependant deux modifications qui pourraient apparaître comme des concessions (après tout, tous les pays de l’UNESCO ne sont pas membres de l’OCI…) :
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3. Affirmant l’importance de la Vieille Ville de Jérusalem et de ses remparts pour les trois religions monothéistes
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Titre III. Les deux sites palestiniens d’Al-Haram Al-Ibrahimi/Tombeau des Patriarches à Al-Khalil/Hébron et de la mosquée Bilal Bin Rabah/Tombe de Rachel à Bethléem
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35. Réaffirme que les deux sites concernés, qui se trouvent à Al-Khalil/Hébron et à Bethléem, font partie intégrante de la Palestine ;
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36. Partage la conviction de la communauté internationale, à savoir que ces deux sites revêtent une importance religieuse pour le judaïsme, le christianisme et l’islam.
Et comme il faut continuer le combat, le dernier paragraphe de la résolution d’octobre 2016 est :
§41. Décide d’inscrire ces questions à l’ordre du jour de sa 201e session au titre du point intitulé « Palestine occupée », et invite la Directrice générale à lui présenter un rapport d’étape à ce sujet.
La résolution est adoptée, et la France s’est cette fois-ci abstenue.
Ne boudons pas la répétition des plaisirs : un résumé de cette résolution d’octobre est ensuite adopté en séance plénière le 5 mai 2017. Et comme il faut garder la pression, le dernier paragraphe de cette résolution raccourcie est (en anglais cette fois) :
§16. Decides to include these matters under an item entitled “Occupied Palestine” in the agenda at its 202nd session, and invites the Director-General to submit to it a progress report thereon…
Exactement le multilatéralisme comme l’adore M.Macron.
Cette réécriture de l’histoire a été ranimée de façon plus radicale encore, le 21 août 2019, par un communiqué publié par l’OCI, Organisation de coopération islamique, la seule internationale d’Etats fondée sur une religion,
« réaffirmant le statut islamo-chrétien de la ville d’Al-Qods (NDLR : Jérusalem) et de ses lieux saints à l’occasion du 50èmeanniversaire de l’incendie de la Mosquée Al-Aqsa ».
Dans ce communiqué, l’OCI réitérait
« son soutien ferme au droit de l’État Palestinien de restaurer la pleine souveraineté sur la ville d’Al-Qods, capitale de l’État Palestinien, de protéger son identité arabe, de préserver son patrimoine humain, de préserver le caractère sacré de tous les lieux saints musulmans et chrétiens et de garantir les droits religieux inaliénables de la Ouma islamique sur la ville ».
A nouveau, l’identité juive est niée, effacée. Mais les lecteurs du Salon beige savent déjà que ce n’est là que la première phase dans la mise en œuvre de la compassion musulmane.
Alors, révisionnisme ou négationnisme musulman ?
Le révisionnisme est d’abord la notion d’une révision ou d’une critique d’opinion ou de doctrine couramment admise, par une nouvelle interprétation ou mise en perspective des faits. En quelque sorte, un travail d’historien. Le concept a été associé à la remise en cause des conclusions du premier procès Dreyfus pour en obtenir sa révision, puis à la création de mouvements dits révisionnistes par les tenants d’une solution réformiste apportée à la doxa marxiste et à la lutte des classes. Le révisionnisme est, en droit français, exonéré de toute qualification pénale. Finalement, ce serait plutôt la base d’une liberté universitaire. Sauf quand il s’apparente à du négationnisme.
Le négationnisme est un terme plus récent désignant la contestation de la réalité du génocide mis en œuvre contre les Juifs par l’Allemagne nazie pendant la deuxième Guerre Mondiale. Par extension, il consiste en un déni de faits historiques avérés, plutôt associés à des crimes contre l’humanité (crimes des khmers rouges, totalitarisme communiste, génocide arménien…), en particulier pour des fins racistes ou politiques. Il vient en parfaite contradiction des événements.
Pénalement, en France, le négationnisme est puni mais pour « la seule contestation des crimes contre l’humanité commis soit par les membres d’une organisation déclarée criminelle en application de l’article 9 du statut du tribunal militaire international de Nuremberg, soit par une personne reconnue coupable de tels crimes par une juridiction française ou internationale » comme indiqué dans la décision n° 2015-512 QPC du 8 janvier 2016 du Conseil constitutionnel. Et par « contestation », il est précisé « négation, implicite ou explicite, ou la minoration outrancière de ces crimes ». Et le considérant n°7 de la même décision ajoute : « les propos contestant l’existence de faits commis durant la seconde guerre mondiale qualifiés de crimes contre l’humanité et sanctionnés comme tels par une juridiction française ou internationale constituent en eux-mêmes une incitation au racisme et à l’antisémitisme ».
La position des pays musulmans concernant la radiation pure et simple des Juifs de l’histoire de Jérusalem paraît donc être plutôt un négationnisme dans son sens de négation implicite et totale d’un fait historique, mais n’est cependant pas directement associée au crime contre l’humanité défini par le tribunal de Nuremberg (on ne traitera pas ici des relations de collaboration étroite ayant existé entre le grand Mufti de Jérusalem Hadj Amin al-Husseini et le régime nazi).
Cette négation de l’histoire et de l’identité juives de Jérusalem par des entités et personnes musulmanes est répétitive (on l’a vu), générale (les pays de l’OCI) et rapportée aussi par Francis Weill, professeur émérite de médecine, longtemps engagé au CRIF et dans l’association des amitiés judéo-chrétiennes, dans un petit livre publié en 2003 :
« Le monde palestinien, du président de son Autorité au peuple lui-même, est révisionniste : il n’y a pas de passé juif en Terre sainte. J’ai entendu il y a quelques années une interview du grand Mufti de Jérusalem. Le journaliste lui demanda de s’exprimer sur les Lieux saints. Le Mufti souligna son adhésion au principe du libre accès aux Lieux saints chrétiens. Alors le journaliste insista : et pour les Lieux saints juifs ? La réponse du chef spirituel des musulmans palestiniens fut cinglante : « Il n’y a pas de lieux saints juifs à Jérusalem. L’interview avait lieu dans la mosquée Al Aksa, sur l’Esplanade, cette esplanade qui pour les Juifs est l’esplanade du Temple et pour les Musulmans l’esplanade des Mosquées. Le journaliste reprit : mais juste en-dessous de nous, le Mur occidental ? « Ce mur est le soubassement de cette mosquée » rétorqua le Mufti. L’entretien était terminé » (Lettre à un ami chrétien propalestinien ; p.55).
Pour F.Weill, le refus de l’autre par le musulman est « enraciné dans le concept de dhimmitude » :
« Aime ton prochain comme toi-même » nous dit le Premier Testament (Lév. 19 : 18). Jésus, interrogé par ses disciples, leur répond que ce verset est « le deuxième commandement le plus important » de la Loi, de la Tora, après la primauté de la profession de foi en l’unité divine. Aimer « comme soi-même » signifie une reconnaissance totale de l’altérité égalitaire de l’Autre, en refusant toute différence ou toute supériorité. C’est là que s’enfonce le coin inégalitaire de la dhimmitude : les musulmans n’accordent ni aux Juifs, ni aux Chrétiens cette reconnaissance totale dont l’unité de mesure est notre propre dignité … Il y a une trentaine d’années, la philosophe Eliane Amado-Valensi avait fait cette prédiction : que la paix serait impossible tant que les Arabes n’auraient pas appris à reconnaître l’Autre »(p 39 et 54).
Et il ajoutait que cette philosophe pensait au surplus que cette reconnaissance de l’Autre serait impossible aux musulmans aussi longtemps qu’ils ne retrouveraient pas cet Autre dans la femme, enfin perçue comme l’égale de l’homme.
Comment il disait déjà, M.Castaner ? Ah, oui :
« Non, l’islam aujourd’hui ne pose pas problème. Certains au nom de l’islam ont des comportements inacceptables, même( !) des terroristes. Mais l’islam est une religion de bonheur, d’amour, comme la religion catholique ».