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L'Eglise : Vie de l'Eglise

Un ordinariat pour les traditionnalistes

Un ordinariat pour les traditionnalistes

Dans la situation nouvelle créée par le motu proprio Traditionis custodes et les documents du Dicastère pour le Culte divin en 2021, le père Louis-Marie de Blignières propose d’ériger un « ordinariat traditionnel », c’est-à-dire, en termes canoniques, une circonscription ecclésiastique dédiée à l’ancien rite latin. Ce genre de structure (comme les ordinariats militaires, ceux des ex-anglicans ou les éparchies des catholiques orientaux) consiste en un groupe de fidèles desservi par un clergé, avec à sa tête un prélat nommé par le Saint-Siège. L’« ordinariat traditionnel » offrirait une structure stable aux fidèles catholiques désirant recevoir les sacrements selon les formes traditionnelles.

L’ancien prieur de la Fraternité Saint-Vincent Ferrier est interrogé sur ce sujet dans la revue de la FSSP, Tu es Petrus :

Pour quelles raisons proposez-vous aujourd’hui la création d’une circonscription ecclésiastique pour l’ancien rite latin ?

Parce qu’une situation toute nouvelle a été créée par la publication du motu proprio Traditionis custodes du 16 juillet 2021 et par celle des documents du Dicastère pour le Culte divin en décembre 2021. Ces textes ont débouché sur une situation bloquée pour les catholiques fidèles à la communion hiérarchique et attachés aux « formes antérieures de la tradition latine ». Le pape François a mis fin à la période d’apaisement relatif qui a suivi le motu proprio Summorum Pontificum (2007-2021). Celui-ci visait à donner toute sa place à la « forme extraordinaire » dans les structures mêmes des diocèses.

Plutôt que de pleurer sur ce qui aurait pu être, il faut proposer maintenant quelque chose de stable aux catholiques fidèles au Saint-Siège et aux pédagogies traditionnelles de la foi. Ce groupe, au lieu d’avoir à négocier constamment son statut auprès de prélats, évêques ou curés, qui ont souvent du mal à le comprendre (ou bien qui craignent pour la paix de leurs diocèses en se montrant favorables à son égard), devrait à notre avis être représenté dans la hiérarchie elle-même.

En quoi consiste cette circonscription ecclésiastique ?

La « circonscription ecclésiastique » est un terme générique, qui est utilisé par la doctrine des canonistes, et qui regroupe des réalités très différentes. Ce sont des communautés de fidèles hiérarchiquement structurées qui sont, soit des diocèses (ou Églises particulières), soit des entités créées pour des raisons spéciales, et juridiquement assimilées aux diocèses. Telles sont en particulier les ordinariats militaires et les administrations apostoliques personnelles. Elles pourraient servir de modèles pour le cas que nous exposons. Vatican II a encouragé le développement de ces formules, qui existaient depuis longtemps. « L’adaptabilité de l’organisation ecclésiastique aux réalités pastorales des fidèles est un des aspects essentiels des dernières assises œcuméniques [le dernier Concile]».

Qui peut décider d’ériger une telle circonscription ecclésiastique ?

Le Code de droit canonique le précise : « Il appartient à la seule autorité suprême d’ériger des Églises particulières ; celles-ci, une fois légitimement érigées, jouissent de plein droit de la personnalité juridique » (canon 373 § 1). Cette érection revient donc au Saint-Siège, par l’intermédiaire du Dicastère pour les Évêques ou, dans les terres de mission, du Dicastère pour l’évangélisation. C’est ainsi que la Congrégation pour les Évêques, par un Décret daté du 18 janvier 2002, a érigé l’Administration apostolique personnelle Saint-Jean-Marie-Vianney, dans le diocèse de Campos au Brésil. Le paragraphe II du Décret stipule :

À l’Administration apostolique est attribuée la faculté de célébrer la Sainte Eucharistie, les autres sacrements, la Liturgie des heures et les autres actions liturgiques selon le Rite romain et la discipline liturgique prescrits par saint Pie V, avec les modifications introduites par ses successeurs jusqu’au bienheureux Jean XXIII.

Qui peut en faire la demande ? J’explique dans mon article que, depuis trente-cinq ans, des demandes en ce sens ont été présentées par des supérieurs de communautés, individuellement ou en groupe, et par des laïcs présidents d’associations comme Una Voce, et que des suggestions sont venues de la Commission Pontificale Ecclesia Dei. L’Église n’est pas un libre-service, où chacun pourrait réclamer n’importe comment ce qu’il souhaite. Mais, depuis des temps immémoriaux, des laïcs et des prêtres ont présenté à la hiérarchie les justes intuitions qu’ils avaient, selon leur charisme propre, pour le bien commun de l’Église … et l’Église en a souvent tenu compte. Ici, il s’agirait d’une proposition pour résoudre un problème grave, en suspens depuis la clôture du Concile, et pour contribuer à un véritable renouveau dans une crise qui est de plus en plus reconnue. Il serait évidemment souhaitable que cette demande renouvelée soit appuyée par des évêques.

[…]

Qui en aurait la charge et par qui serait-il nommé ? S’il s’agissait d’un évêque choisi parmi les prêtres des communautés ex-Ecclesia Dei, le choix de l’une plutôt que d’une autre ne risque-t-il pas de poser des problèmes ?

C’est aussi le Saint-Siège qui nomme le Prélat des circonscriptions ecclésiastiques. Ainsi pour les ordinariats militaires :

À la tête de l’Ordinariat militaire est placé, comme Ordinaire propre, un Ordinaire qui est normalement revêtu de la dignité épiscopale, qui jouit de tous les droits et est tenu à toutes les obligations des évêques diocésains, à moins que cela n’apparaisse différemment par la nature des choses ou les statuts particuliers. Le Souverain Pontife nomme librement l’Ordinaire militaire, ou bien institue ou confirme le candidat légitimement désigné.

L’Ordinaire de cette structure pourrait être un religieux ou un prêtre diocésain, ou même un évêque disponible, qui présenterait toutes les aptitudes requises pour cette tâche, notamment l’amour de la doctrine, une bonne connaissance des rites traditionnels et la confiance de ses administrés. Il n’en manque pas à notre avis. Si l’Ordinaire est un prêtre issu d’un Institut ex-Ecclesia Dei, sa nomination profitera à tout le monde. Il sera à propos de mettre une sourdine aux préférences personnelles, même fort légitimes, et de regarder le bien commun de l’Église. Comme on l’a vu en février 2022, le Décret obtenu en faveur de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pierre a changé l’ambiance et, par l’application du principe de l’analogie canonique, a profité à tous les Instituts.

Comment ses prérogatives s’articuleraient-elles avec celles des évêques diocésains ?

Dans les ordinariats militaires et dans les administrations apostoliques personnelles, les fidèles ne cessent pas d’appartenir à leur diocèse d’origine, selon leur domicile. Il y a ce que l’on appelle une juridiction cumulative de l’Évêque du lieu et du Prélat de la circonscription, dont les conditions sont précisées par les statuts de la circonscription.

Comment faire pour y appartenir ? Peut-on appartenir à la fois à une circonscription ecclésiastique et à son diocèse ?

Oui, du fait de la juridiction cumulative, le fidèle appartient aux deux structures. Pour l’administration apostolique personnelle, « l’appartenance a lieu par inscription sur un registre ad hoc des fidèles qui demandent à en faire partie ».

Comment les fidèles attachés au rite ancien obtiendraient-ils des lieux de culte ?

Les lieux de culte existants n’auraient pas de raison de disparaître. Ils continueraient comme actuellement, si l’Ordinaire du lieu préfère cette solution. Ils seraient pris en charge par la circonscription, si l’Ordinaire le souhaite. En ce cas, les prêtres qui les desservent, s’ils sont diocésains, pourraient se rattacher à la circonscription en y étant incardinés. S’ils sont membres d’un Institut, des conventions seraient signées entre la circonscription et l’Institut, comme c’est le cas avec les Ordinaires des lieux actuellement.

Pour l’ouverture de nouveaux lieux de culte, le Prélat de la circonscription, étant évêque, aura plus de poids pour négocier avec les Ordinaires des lieux. Et ceux-ci seront d’autant plus enclins à donner le feu vert qu’ils n’auront pas ensuite la lourde charge de la desserte et de la gestion de ces lieux.

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