Amon N’Douffou V règne sur Krindjabo, la capitale du royaume du Sanwi, situé dans le sud-est de la Côte d’Ivoire. Le monarque désire faire un geste, car c’est sur les fonts baptismaux de Notre-Dame qu’avait été baptisé Louis Aniaba, l’un de ses lointains prédécesseurs.
« Je suis en pleine consultation avec mes notables, nous allons faire un don pour la reconstruction de ce monument », a déclaré N’Douffou V à l’AFP, avant de préciser : « les images (de l’incendie) ont troublé mon sommeil et je n’ai pas pu passer la nuit, car cette cathédrale représente un lien fort entre mon royaume et la France ».
Ces liens remontent à 1687, lorsqu’à l’âge de 15 ans, un prince nommé Aniaba est emmené en France par le chevalier d’Amon, représentant la Compagnie de Guinée. Selon un chroniqueur, il serait le fils du chef de l’ethnie eotilé et de la princesse Ba. Son père tué, sa mère est capturée et épousée par Zena, roi de l’ethnie essouma.
Converti à Notre-Dame, baptisé par Bossuet
Après être entré dans la cathédrale Notre-Dame de Paris, il éprouve le désir de se convertir et d’embrasser la vraie foi. Présenté à Louis XIV en 1790, il explique qu’il veut être initié à la religion catholique « l’unique, bonne et véritable ».
Le 1er août 1691, il est fait enfant de Dieu par Bossuet, qui se charge de son instruction. L’acte de baptême porte l’inscription suivante : « Par permission expresse de Monseigneur l’archevêque, a été baptisé Louis Jean Aniaba, âgé d’environ 20 ans, fils du roi d’Issigny (Assinie), en Guinée, en Afrique, au nom et par ordre du Roi ».
Le jeune homme prend le prénom de son parrain, le roi de France. Devenu Louis Aniaba, il est nommé officier dans le régiment du roi, devenant le premier officier noir de l’armée française. Nommé capitaine au régiment de cavalerie de Picardie, en garnison à Amiens, il reçoit une pension de 12 000 livres.
Désireux de rentrer en possession de ses Etats, il fonde avec l’accord du Roi Soleil l’Ordre de l’Etoile de Notre-Dame, dans le but de récompenser et protéger les futurs convertis de son royaume d’Assinie. Il reçoit les insignes de sa décoration dans la cathédrale Notre-Dame de Paris le 12 février 1701, avant de repartir pour l’Afrique.
Grand Maître de l’Ordre de l’Etoile de Notre-Dame
Sur le point de quitter la France, Louis Aniaba offrit à la cathédrale Notre-Dame un grand tableau, aujourd’hui disparu, où il s’était fait représenter à genoux devant la Sainte Vierge portant l’Enfant Jésus qui lui remet le collier de son ordre, « en présence du roi de France, son bienfaiteur et parrain, et de M. l’évêque de Meaux ». On pouvait lire cette inscription au bas dudit tableau :
« À la gloire de Dieu,
Louis Aniaba,
Roi d’Eszinie, à la côte d’or en Afrique, en reconnaissance de la grâce que Dieu lui a faite de le retirer de l’aveuglement où ses prédécesseurs & ses peuples ont vécu jusqu’à présent, & des bontés de Louis le Grand, qui l’a fait élever en France à ses dépens dans le culte de la vraie religion, & dans la pratique des plus nobles exercices ; & aussi des obligations qu’il a à Mr. l’Evêque de Meaux, pour lui avoir donné le baptême ; avant que de retourner prendre possession de ses Etats, où il va par les soins de notre pieux & généreux monarque, à dessein d’y planter la foi : & pour ce sujet s’étant mis lui, & son royaume sous la protection de la très sainte Vierge, à l’honneur de laquelle il a institué l’ordre de l’Étoile de Notre Dame, pour lui & ses successeurs à perpétuité ; a donné ce tableau pour monument de sa piété, l’an de grâce 1701 ».
Revenu en Issiny, il ne parvient pas à prendre possession de son royaume et doit rembarquer pour Libourne en 1703 où l’histoire perd sa trace. Selon une autre version, il aurait fini sa vie comme conseiller d’un chef local à Keta, dans l’actuel Ghana.
Quoi qu’il en soit, le don du roi N’Douffou constitue, trois siècles plus tard, un bel exemple de fidélité africaine à un illustre passé.
Gilles Tournier
Hélas, ils ne vénèrent que le prince de ce monde…
Meltoisan
Superbe Histoire; merci de l’avoir fait connaître.
F. JACQUEL
Faute de frappe : tout l’article décrit des faits de la fin du XVIIeme siècle ou du tout début du XVIIIeme siècle. Le lecteur intelligent aura corrigé automatiquement le “1790” en “1690”. Mais le bon sens n’est pas la chose aumonde la mieux partagée…
???