Xavier Leloup a entrepris la rédaction d’une saga historique sur la Guerre de Cent ans – et autour de la magnifique figure de sainte Jeanne d’Arc (parmi des visages beaucoup moins aimables de notre histoire!). Trois volumes de cette saga des “Trois pouvoirs” sont déjà parus: “Le prince meurtrier“, “Le chevalier noir” et “La reine de fer“. Nous avons interrogé l’auteur.
Vous avez entamé en 2021 la rédaction d’une saga historique débutant aux débuts du XVe siècle (déjà 3 volumes parus). Qu’est-ce qui vous séduit dans cette période à première vue si sombre ?
Si ce début de XVe siècle est effectivement sombre, il n’est pas moins passionnant. Qu’on en juge plutôt : d’un côté, un roi fou, une reine infidèle et un régent ambitieux, de l’autre, un prince de sang prêt à tout pour accéder au pouvoir, y compris le crime de sang. Tous les ingrédients d’une grande tragédie étaient donc réunis et c’est pourquoi j’ai voulu faire débuter ma saga sous le règne de Charles VI, ce roi méconnu au destin pourtant si shakespearien.
La période est également incontournable en ce qu’elle pose le cadre de l’épopée johannique. Ainsi de l’infidélité notoire de la reine Isabelle de Bavière, qui explique les doutes que Charles VII entretenait sur son ascendance, et donc sa légitimité, lorsque Jeanne d’Arc fait sa rencontre. Ainsi des meurtres du prince Louis d’Orléans puis de Jean Sans Peur, le duc de Bourgogne, qui divisent le royaume de France en deux et aboutissent à cette situation tripartite où Anglais, Français et Bourguignons se disputent le royaume de France. Ainsi de la ville d’Orléans, assiégée par les Anglais en 1429 alors que son seigneur suzerain, le duc Charles d’Orléans, héritier de Louis d’Orléans, est retenu prisonnier en Angleterre depuis Azincourt.
Le règne de Charles VI constitue donc le ferment de l’épopée johannique, sa matrice. L’autre intérêt était pour moi de raconter l’histoire de Jeanne d’Arc sous un angle nouveau en l’inscrivant dans le temps long.
Voyez-vous des similitudes entre cette période et la nôtre ?
Maladie du roi, guerre civile, meurtres politiques, défaites militaires : le royaume de France réalise en 30 ans, de Charles VI à Charles VII, une sorte de descentes aux enfers. Cette longue agonie, à certains égards, n’est pas sans rappeler les maux de tous ordres qui s’abattent aujourd’hui sur notre pays.
Mais ce qui me frappe le plus, c’est la tendance récurrente d’une certaine élite dirigeante à vouloir se vendre aux ennemis de la France. Une trahison qui, hier comme aujourd’hui, se fait d’ailleurs le plus souvent sur le dos et à l’insu du peuple qui, au contraire, entretient un rapport plus charnel avec la mère patrie. Comme si, à intervalles réguliers, les « Grands » décidaient que la France ayant fait son temps, il était temps de la liquider.
Dans ces ténèbres de la guerre de cent ans, dans une Europe déchirée par le Grand schisme d’Occident, la figure lumineuse de Jeanne d’Arc apparaît fondamentale pour comprendre la survie de la France. Comment le romancier que vous êtes comprend-t-il cette épopée presque irréelle ?
Alexandre Dumas disait : « Jeanne d’Arc est le Christ de la France ; elle a racheté les crimes de la monarchie, comme Jésus a racheté les péchés du monde : comme Jésus, elle a eu sa passion ; comme Jésus, elle a eu son Golgotha et son Calvaire. »
A l’instar de Saint Louis, Jeanne d’Arc est donc à la fois une femme de prière et d’action, une guerrière et une martyre. Elle représente pour moi l’intervention du surnaturel dans le destin des hommes et confirme la place particulière que tient la France dans le plan de Dieu.
Le parcours de Jeanne d’Arc est également un bon exemple du patriotisme qui animaient les femmes de cette époque. Comme j’ai eu l’occasion de le montrer dans Les Grandes Dames de la guerre de Cent Ans, la Pucelle ne constituait pas, de ce point de vue-là, un cas isolé. Outre la duchesse d’Anjou Yolande d’Aragon, nombreuses furent les femmes à se battre avec la plus grande énergie contre l’envahisseur anglais.
Jeanne d’Arc, enfin, présente pour moi un paradoxe. Alors qu’elle est sans nul doute l’un des personnages les mieux documentés du Moyen Âge, certaines zones d’ombre entourent encore son parcours ; zones d’ombre, qu’en tant que romancier, je me suis fait un plaisir d’exploiter.
Vous annoncez la parution prochaine d’un 4e volume : L’envoyée de Dieu. Pour quand l’envisagez-vous ?
La sortie de ce nouvel opus est prévue pour mai 2023.
L’envoyée de Dieu met en scène les premiers exploits de Jeanne d’Arc en les imbriquant dans l’univers romanesque de ma saga, c’est-à-dire en y mêlant mes héros que sont Guillaume de Gaucourt et Yolande d’Aragon.
La principale originalité tient au rythme de la narration. Plutôt que de passer rapidement d’un événement à l’autre, j’ai préféré m’attarder sur deux étapes clefs de l’épopée de la Pucelle : sa présentation au roi Charles VII, à Chinon, où toute la cour de France est réunie et l’attend de pied ferme, puis sa reconquête d’Orléans, où elle va parvenir en seulement quelques jours à faire lever un siège qui durait depuis sept mois.
Dans la plus pure tradition littéraire, je me suis ainsi efforcé de bâtir un imaginaire plausible autour d’événements historiques que tout le monde connaît, ou du moins croit connaître ; avec, en contrepoint, une bonne dose de romance et d’humour.
Offre spéciale: Les 3 premiers volumes de la saga médiévale des « Trois pouvoirs »