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Europe : politique

Un vent de panique souffle sur le Parlement européen

Un vent de panique souffle sur le Parlement européen

Dans La Nef, Yves Daoudal explique :

[…] En effet, pour la première fois depuis que les parlementaires européens sont élus par les peuples (1979), la ronronnante coalition entre le centre droit (Parti populaire européen, PPE) et les sociaux-démocrates (S&D) va perdre sa majorité absolue. Pendant 40 ans on s’est partagé la présidence et les principaux postes dans le plus parfait consensus (alors qu’on s’étripait éventuellement sur les scènes nationales), et voilà que le pays de Cocagne (de confortables émoluments sans véritables responsabilités politiques) va s’effondrer sous les coups de boutoir des méchants « populistes ». (Et, pour tenter de limiter la casse, l’appareil du PPE veut garder les « populistes » hongrois de Viktor Orban que plusieurs membres veulent virer…)

Car les sondages confirment ce que tout le monde voit venir. Depuis les dernières élections, des « populistes » et « souverainistes » sont arrivés au pouvoir, en coalition, en Italie et en Autriche, et voilà qu’ils sont encore plus populaires au pouvoir qu’ils ne l’étaient dans l’opposition. C’est spectaculaire en Italie. En France, on voit que le Rassemblement national fait quasiment jeu égal avec la liste concoctée par Emmanuel Macron. En Allemagne, l’AfD est devenu le troisième parti du pays, bien qu’aux européennes, si l’on en croit les sondages, il devrait être dépassé par les Verts effectuant une spectaculaire remontée.

En Hongrie et en Pologne, les « populistes » règnent depuis longtemps. En Espagne est apparu le parti Vox (11 % en Andalousie). Son chef, Santiago Abascal, s’est rendu le 20 mars à Varsovie et a rencontré Jaroslaw Kaczynski, président du PiS. Le 10 janvier c’était Matteo Salvini qui était à Varsovie. Le même 20 mars, aux Pays-Bas, un parti inconnu, le Forum pour la démocratie, anti-UE, anti-immigation, anti-islam, faisait jeu égal aux sénatoriales avec le parti du Premier ministre Mark Rutte. Le 3 mars, en Estonie, le « parti populaire conservateur » (EKKRE) a bondi de 8,1 % à 17,8 % aux législatives, passant de 7 sièges à 19. Et, le 14 avril, en Finlande, les « Vrais Finlandais » sont passés de 17 à 39 sièges, talonnant les sociaux-démocrates (40).

C’est pourquoi Emmanuel Macron a désigné les « populistes » comme les adversaires de son projet européen. Car il a aussi un projet européen : il aimerait rééditer à l’échelle de l’Europe le coup qu’il a réalisé en France. En l’occurrence, il s’agirait de créer un grand groupe de « centre vert » libéral européiste qui s’impose face au PPE comme aux sociaux-démocrates. Mais la tâche est autrement plus difficile. Emmanuel Macron a envoyé des émissaires dans divers pays pour tâter le terrain, mais ce que l’on en sait est que ce fut un flop. […]

Mais on peut prévoir que l’effet conjugué des manœuvres d’Emmanuel Macron, du départ des Britanniques pour cause de Brexit, et de la montée des populismes, va conduire à des changements. Par exemple le groupe « Europe de la liberté et de la démocratie directe », qui reposait sur le parti italien M5S, va disparaître. Quant au groupe Conservateurs et réformistes européens (CRE), il va perdre l’un de ses deux piliers : les conservateurs britanniques laissant le PiS polonais orphelin. D’autant que deux petits partis « d’extrême droite » du CRE viennent de s’allier à la Ligue. D’ailleurs, les Britanniques partis, on ne voit pas ce qui distingue le CRE du groupe Europe des nations et des libertés réunissant le Rassemblement national, la Ligue, le FPÖ et le Vlaams Belang.

Quelles que soient les recompositions, il demeure que, sauf surprise, les « populistes » et« souverainistes », au sens le plus large, ne constitueront ni une majorité, ni une « minorité de blocage ». Quand Matteo Salvini annonce qu’avec ses alliés il va « changer l’Europe », il se vante… D’autant que, de toute façon, le Parlement européen n’a quasiment aucun pouvoir. Sauf un pouvoir de nuisance. Puisqu’il ne peut pas vraiment peser sur la politique européenne, qui est aux mains de la Commission, il passe son temps à voter des « résolutions » kilométriques qui débitent, au mieux, le politiquement correct et, au pire, les revendications de l’immigrationnisme, de l’islamophilie, de la culture de mort et les injonctions de la décadence morale.

C’est là qu’une forte participation de « populistes » peut être un salutaire grain de sable, surtout si l’hégémonie centre droit-centre gauche est cassée. Le Parlement européen avait été créé pour répandre l’idéologie d’une Europe politique supranationale. Si les « populistes » peuvent faire entendre un autre son de cloche, ce sera bien. Mais pour ce qui est de transformer l’Union européenne dans un sens plus respectueux des souverainetés nationales et de la liberté des peuples, ce n’est pas à ce niveau-là que ça peut se passer.

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