Normalien, énarque, conseiller à Cour des comptes et membre du comité de rédaction de la revue Commentaire, Armand Laferrère propose une lecture politique de la Bible. Extraits de son entretien au Figaro :
[…] Les véritables totalitarismes – le nazisme et le communisme
– ont toujours considéré, et avec raison, la Bible comme la plus grande
ennemie de leurs ambitions démentes. Il y a à cela une raison précise:
les textes bibliques comprennent, en plus de leur contenu spirituel, une
réflexion longue et sophistiquée sur le pouvoir politique. Les
conclusions de cette réflexion sont sans ambiguïté. La Bible répète sans
cesse qu'il faut se méfier des hommes de pouvoir, quels qu'ils soient,
parce qu'ils ne peuvent pas échapper à la tendance au mal qui est au
centre de la nature humaine. Elle appelle à voir les princes tels qu'ils
sont vraiment, dans toute leur humanité, et non dans la lumière
trompeuse que leur donnent les oripeaux de leur fonction ou la faveur
des peuples. Et surtout, elle insiste constamment sur la nécessité de
rabaisser leurs prétentions et de diviser le pouvoir entre plusieurs
sources. Comme le dit le psaume 146: «Ne placez pas votre confiance dans
les princes.» […]La Bible serait-elle de gauche, voire d'extrême gauche ?
Bien
sûr que non, la Bible n'est pas de gauche. Prétendre le contraire
serait évidemment un anachronisme. Si j'utilise ce mot dans le cas
particulier du prophète Amos, c'est parce que la rhétorique très
particulière de ce prophète a été l'une des inspirations de la gauche
occidentale jusqu'à nos jours. Amos ne se contente pas de dire qu'il
faut aider les plus faibles: tous les auteurs de la Bible sont d'accord
sur ce point. Il est en revanche le seul à croire, ou à faire semblant
de croire, que les riches ne sont riches que parce qu'ils ont volé
l'argent des pauvres. Amos hait tellement les riches qu'il nie leur
humanité et traite leurs femmes de «génisses». Il annonce que les riches
finiront par être punis dans un grand mouvement de violence. Toutes ces
figures de style – nous le voyons tous les jours – ont eu une longue
postérité dans la gauche occidentale. Bien sûr, la plupart des héritiers
lointains d'Amos ne l'ont jamais lu et seraient très surpris –
peut-être choqués – qu'on leur révèle qu'ils s'inspirent de sources
bibliques.Iriez-vous jusqu'à dire que la Bible est de droite?
Là
aussi, il faut se méfier des anachronismes. La Bible a inspiré des
mouvements de gauche comme de droite. Plusieurs de ses enseignements –
l'égale dignité de tous les hommes, l'obligation de venir en aide aux
plus faibles – sont acceptés, aujourd'hui, par les deux écoles de
pensée. Et pourtant, ce n'est pas par hasard que la droite est
généralement, de nos jours, plus à l'aise avec le texte biblique que ne
l'est la gauche. La gauche fait preuve d'une confiance confondante en
l'Etat. Elle continue à croire que si on donne suffisamment de pouvoir
politique à une élite choisie, on pourra faire disparaître l'hostilité
entre les peuples, l'inégalité entre les hommes, les préjugés et
l'ignorance. Quand on est animé par une telle foi, on n'aime pas se
faire rappeler à la réalité par le texte biblique qui dit avec
l'Ecclésiaste que toutes les ambitions du pouvoir ne sont que «vanité et
poursuite du vent», ou avec Jésus que «les pauvres seront toujours avec
vous». Pour croire aux promesses de la gauche, il faut avoir plus de
foi – de foi en l'Etat, bien sûr – que la Bible ne peut en offrir."
Gérard Laguérie
Pourquoi le psaume 146 se voit-il affecté par Armand Laferrère de plus d’objectivité et de moins de caractère rhétorique que les propos du prophète Amos ? Choix subjectif. En réalité les deux disent le plus pour faire entendre le moins ou plutôt le juste : rien n’est mieux que juste comme disait ma grand’mère, mais quand vous avez affaire à des gens qui ont la nuque raide – les juifs sont loin d’être les seuls – vous avez tendance à en rajouter pour vous faire comprendre.
En réalité, il n’y a pas là de lecture politique de la Bible. Tout juste une lecture socio- psychologique . La vraie lecture politique intégrerait ce qui est dit des limites, de la dispersion de l’humanité ” chacun selon sa nation, sa langue “, de l’autorité nécéssaire, de la subsidiarité…. Oui, il y a une lecture politique de la Bible. Mais ce texte n’en est pas une. Dommage. Elle serait intéressante.
Gérard Laguérie
Je me permets d’ajouter qu’en se présentant comme une lecture politique de la Bible, ce texte détourne l’attention de celle – authentique celle-là – qui pourrait en être faite.
PG
Appel aux lecteurs du SB.
Me refusant d’acheter Le FIgaro, y compris le Fig-Mag, bien que des journalistes réellement de droite y fassent de bons articles, mais dans la proportion du pâté d’alouette au cheval, où peut-on trouver ce texte in extenso ?
Bernard Mitjavile
Commentaire discutable d’Amos, je me méfie toujours quand on oppose un prophète à l’autre ou une partie de la Bible à une autre, il faut toujours considérer l’ensemble des textes et les considérer avec respect même si l’on sort de l’ENA. Il reste une chose juste dans cette intervention, la Bible exprime la longue lutte du peuple juif contre l’idolâtrie pour donner à Dieu sa vraie place centrale dans les coeurs et la société. Or l’idolâtrie de l’Etat, la tentation promothéenne de réaliser une société idéale sans Dieu, est très répandue à gauche.
Denis Merlin
La Bible est recueil de textes rédigés à diverses époques. Certains textes ne seraient plus admissibles aujourd’hui (esclavage, vengeance sur les bébés voir psaume 137), il y a une évolution dans le temps. Dieu a toléré des choses qu’il ne tolère plus ensuite du fait du progrès de l’humanité.
Donc la Bible n’est certainement pas partisane, elle témoigne aussi d’une évolution historique. Tuer les bébés de l’ennemi était pratique courante au Ve siècle avant Jésus-Christ, toute l’humanité n’y voyait pas de mal, il en est de même pour l’esclavage, réglementé (pour l’adoucir) par MoÏse… Pratique que condamna indirectement Notre-Seigneur en faisant observer que nous sommes tous frères (Mt 23,8). Pourtant dans le même temps Jésus respecte la loi de Moïse, mais il fait observer aussi dans l’épisode de la femme adultère que la loi pénale n’est pas obligatoire en conscience (Evangile selon saint Jean).
Les sens d’un même texte ne sont pas univoques. La Bible enseigne en même temps le respect de l’autorité et le fait que l’autorité n’est représentée que par un homme égal des autres hommes.
A mon avis, ce monsieur veut nous faire croire que la Bible serait une sorte de livre écrit par un seul auteur à une seule époque. Or il n’en est rien. A la rigueur on pourrait en faire une lecture de science politique, mais l’œuvre est déjà accomplie par l’Eglise et résumée dans le Compendium de doctrine sociale. Il est très présomptueux de vouloir ignorer cette ouvre qui est centrale.
Denis Merlin
La Bible est recueil de textes rédigés à diverses époques. Certains textes ne seraient plus admissibles aujourd’hui (esclavage, vengeance sur les bébés voir psaume 137), il y a une évolution dans le temps. Dieu a toléré des choses qu’il ne tolère plus ensuite du fait du progrès de l’humanité.
Donc la Bible n’est certainement pas partisane, elle témoigne aussi d’une évolution historique. Tuer les bébés de l’ennemi était pratique courante au Ve siècle avant Jésus-Christ, toute l’humanité n’y voyait pas de mal, il en est de même pour l’esclavage, réglementé (pour l’adoucir) par MoÏse… Pratique que condamna indirectement Notre-Seigneur en faisant observer que nous sommes tous frères (Mt 23,8). Pourtant dans le même temps Jésus respecte la loi de Moïse, mais il fait observer aussi dans l’épisode de la femme adultère que la loi pénale n’est pas obligatoire en conscience (Evangile selon saint Jean).
Les sens d’un même texte ne sont pas univoques. La Bible enseigne en même temps le respect de l’autorité et le fait que l’autorité n’est représentée que par un homme égal des autres hommes.
A mon avis, ce monsieur veut nous faire croire que la Bible serait une sorte de livre écrit par un seul auteur à une seule époque. Or il n’en est rien. A la rigueur on pourrait en faire une lecture de science politique, mais l’œuvre est déjà accomplie par l’Eglise et résumée dans le Compendium de doctrine sociale. Il est très présomptueux de vouloir ignorer cette œuvre qui est centrale.
Robert Marchenoir
En somme, la Bible est libérale.
clarina
Il me semble que cette lecture est très réductrice. L’originalité du peuple d’Israel dans sa relation au pouvoir politique c’est singulièrement qu’il a considéré à partir du roi David et surtout du roi Josias (600 av J.C.)que le pouvoir politique et notamment l’acte de gouvernance, la royauté, était un acte de service et non pas de domination de ses sujets (C’est pourquoi le roi Saul n’étit pas un roi “selon le coeur de Dieu”. Le roi doit conduire son peuple comme le berger conduit et veille sur son troupeau, il n’est rien de plus que le lieu-tenant, le représentant du Dieu libérateur de l’Exode. A lui et à son peuple il rendra des comptes. Les puissants d’Israel qui ne se comportaient pas ainsi étaient pécheurs, indignes de leur onction royale. Relire Jérémie et Ezéchiel, mais aussi le 1er IsaIe. Salomon demanda à Dieu “un coeur qui écoute” (2 R). C’est à cause de cela que Diue annonce qu’il finira par venir en personne. (Ez 36 et 37)
Quant à savoir si c’est droite ou gauche, on tombe vraiment dans l’anachronimse, la gauche , la droite qu’est ce que c’est? Ces courants ont tellement évolué depuis leur apparition au XVIIIe! En faveur ou pas de la vie, attentif ou pas au plus pauvre et au plus démuni, fidèle ou pas à la loi divine libérante et structurante, c’est là que passe la frontière biblique, pas ailleurs.
PK
Pauvre Saint Thomas : il se retournerait dans sa tombe s’il le pouvait…
On marche sur la tête : ce monsieur mélange allègrement les causes et les effets. À partir de là, on peut dire n’importe, le tout et son contraire !
La droite et la gauche, HISTORIQUEMENT, se définissent par rapport à la foi justement et donc par adhésion ou rejet de la Bible.
Aujourd’hui, la déliquescence des mœurs mais surtout l’absence totale de formation politico-socio-religieuse des gens font qu’ils sont incapables de définir clairement quelle sont les fondements de leur propre croyance et donc du camp auquel ils appartiennent… Ainsi voit-on là des hommes dit de gauche se prétendant chrétien tandis que d’autre dit de droite agissent simplement comme des vrais gens de gauche.
Comment voulez-vous dans ce fatras sans queue ni tête faire coller une étude a posteriori de ces gens-là sur la Bible ?
Papon
“la tendance au mal qui est au centre de la nature humaine”
assez inquietant…