D’un lecteur :
La Pologne célèbre actuellement le Millenium Regni Poloniae, c’est-à-dire le millénaire du couronnement du premier roi de Pologne. Dimanche dernier, dans la cathédrale de Poznań, où se trouve la tombe du premier roi de Pologne, Boleslas Chrobry, une messe a été célébrée selon l’ancien rite romain à l’intention des souverains qui y reposent et « pour la fidélité à l’héritage royal de la Pologne ainsi que pour un gouvernement sage et juste de la République » . La messe clôturait la 8e édition du Festival Katharsis, qui avait cette année pour thème « Le retour du roi ». Au cours de cette messe jubilaire, la Missa Marer Dei, composée spécialement pour l’occasion, a été interprétée. Cette messe s’inspire du motif mélodique du chant médiéval « Bogurodzica », premier hymne du royaume de Pologne. Elle a été composée par Marcel Pérès , musicien, chanteur, organiste, musicologue, compositeur, chercheur et praticien français des plus anciennes traditions du chant liturgique de l’Église occidentale. Il a également dirigé personnellement le chœur du festival lors de l’exécution de la messe dans la cathédrale de Poznań. L’intention du compositeur et des organisateurs du festival, qui souhaitaient que la première représentation ait un caractère liturgique et non concertant, s’est ainsi réalisée, lors de la messe pour laquelle cette composition a été créée. Ce fut un acte extrêmement symbolique et émouvant, un peu comme le lancement d’un navire et le choix de son nom, que nous appelons volontiers et couramment son baptême. Lors de la conférence qui a clôturé le festival, Marcel Pérès a notamment déclaré qu’il souhaitait que cette messe « soit en quelque sorte un viatique qui accompagnera la Pologne dans son voyage vers l’avenir, en gardant pieusement en mémoire ces grands moments de l’histoire d’une nation qui, malgré les blessures du passé, a su conserver une foi vivante et féconde ». Il a également souligné qu’il souhaitait vivement que cette messe, qu’il a appelée en latin Missa Mater Dei afin de lui donner une dimension universelle, ne soit pas seulement célébrée de manière festive et sous forme de concert, mais qu’elle entre dans la pratique de la liturgie traditionnelle vivante. Au cours de son homélie, le prêtre célébrant la messe, le père Przemysław Zgórecki, a évoqué la réalité de la maison qui est au centre de notre culture, et la maison des Piast qui est à l’origine de notre histoire, et le roi Boleslas qui, lorsqu’il a reçu l’onction et est devenu l’oint, a reçu la mission de créer une maison sur la terre polonaise. « Une maison où il y a de la place pour tout le monde, et où chacun peut se sentir désiré, accepté et aimé. Car telle est la réalité de la maison du Royaume de Dieu ». À la fin de la liturgie, les fidèles, très nombreux dans la cathédrale, ont chanté ensemble l’hymne « Bogurodzica ».
La messe tridentine n’était d’ailleurs pas le seul événement de cette journée festive. Plus tôt, également dans la cathédrale, la musique chorale des couronnements médiévaux a été chantée dans le cadre du programme « Vive le roi », et après la messe, un débat sur l’actualité de l’héritage du royaume de Pologne a eu lieu. Le point de départ de la discussion était le livre intitulé “La présence de la couronne. Rapport sur la grande tradition nationale”, qui venait de paraître et qui était une forme de sondage sur la monarchie en Pologne, auquel ont participé d’éminents représentants de la vie intellectuelle polonaise.
L’événement s’est déroulé sous le patronage d’honneur de Mgr Zbigniew Zieliński, archevêque métropolitain de Poznań, et a été organisé par la Fondation Saint-Benoît.
Le Poznań Katharsis Festival est un autre événement organisé par la Fondation Saint-Benoît dans le cadre des célébrations du grand jubilé Milenium Regni Poloniae. Auparavant, elle avait notamment organisé une conférence historique inaugurale et un débat au Parlement polonais, une conférence scientifique internationale sur les rites de couronnement au Palais de la République (avec un concert de l’Ensemble Peregrina de Bâle qui a interprété un répertoire médiéval de couronnement) et, à l’occasion du millénaire de la mort de Boleslas Chrobry, une messe de requiem sur sa tombe dans la chapelle royale de la cathédrale de Poznań. La Marche nationale pour la vie, qui a rassemblé plusieurs dizaines de milliers de personnes dans les rues de Varsovie, avec un défilé royal de chevaliers et un acte jubilaire millénaire adopté par acclamation, a été une grande manifestation de fidélité à l’héritage royal. Ces événements ont été placés sous le patronage national du président polonais.
Marcel Pérès :
Cette messe est le fruit de notre longue collaboration avec les organisateurs du Festival Katharsis. Il n’est donc pas étonnant qu’elle ait vu le jour et ait été jouée pour la première fois lors du festival. Car ce n’est pas un simple festival qui organise une série de concerts. C’est un festival qui replace l’art dans son contexte civilisationnel. À travers ce contexte, nous essayons de comprendre la culture ancienne et les personnes qui y vivaient. Comprendre leur façon de penser, de ressentir et de communiquer avec le passé et l’avenir. Cela s’applique évidemment aussi au couronnement du premier roi de Pologne et au christianisme naissant à cette époque en Pologne. En ce qui concerne le couronnement, nous avons puisé dans la musique de cette époque. Nous avons notamment analysé le manuscrit de Montpellier, extrêmement important pour comprendre le chant liturgique des XIe et XIIe siècles. Nous avons bien sûr puisé dans le chant grégorien. Quant à la culture chrétienne de la Pologne, elle s’est exprimée dans notre messe à travers le chant médiéval Bogurodzica. Je l’ai entendue pour la première fois il y a de nombreuses années chez les dominicains à Jamna. J’ai tout de suite senti que c’était quelque chose d’important, mais je ne savais pas pourquoi. Ce n’est que récemment, lorsque nous avons interprété des chants de couronnement à Poznań et que le directeur du festival, Jan Kiernicki, a entonné ce chant à la fin, que j’ai compris que c’était quelque chose dont j’avais besoin. Ce grand hymne du royaume de Pologne est ainsi devenu la principale source d’inspiration de la messe à laquelle je pensais depuis plusieurs mois. Je l’ai divisé en plusieurs parties et chacune de ces phrases musicales et verbales est devenue le thème d’une partie de la messe. Kyrie, Gloria, Sanctus, Agnus, etc.
Oui, cette Bogurodzica attendait son heure. Comme des graines. C’est d’ailleurs ainsi que je perçois la tradition. Comme des graines qui attendent de pousser. Bogurodzica a ce potentiel de croissance. Vers l’avenir. J’avais encore besoin d’un peu de temps pour mettre de l’ordre dans mes idées et attendre ce moment d’inspiration nécessaire. Il est venu dans la nuit du 14 août et tout est devenu clair. Il ne restait plus qu’à l’écrire.
Je voudrais que cette messe soit en quelque sorte un viatique qui accompagnera la Pologne dans son voyage vers l’avenir, en gardant pieusement en mémoire ces grands moments de l’histoire d’une nation qui, malgré les blessures du passé, a su conserver une foi vivante et féconde.