Lu sur Claves à propos des grandes processions des litanies majeures et des Rogations:
[…] Bien loin de se réduire à un hypothétique marchandage avec le Ciel, la prière de demande est donc porteuse d’une forte dimension religieuse, en tant qu’elle exprime la révérence envers Dieu. Les prières publiques en vue de l’obtention de biens temporels, telles les processions des litanies majeures et des Rogations, permettent d’« incarner » cette dimension religieuse, conformément à la nature tout à la fois spirituelle et corporelle de l’homme. Il s’agit en effet de sanctifier le temps, l’espace et l’activité humaine, de les rendre sacrés. Lorsque l’on bénit un troupeau, que l’on parcourt les champs en chantant des litanies ou que l’on invoque la protection divine sur les moissons à venir, les biens demandés à Dieu lui sont en même temps consacrés. Avec eux, c’est toute l’activité humaine qui lui est consacrée et qui, par le fait même, reçoit sa plus profonde signification. Par contraste, l’effacement de ces rites va de pair avec la perte de signification de l’activité humaine :
Le travail agricole dans une société désacralisée […] est devenu un acte profane, justifié uniquement par le profit économique. On laboure la terre pour l’exploiter, on poursuit la nourriture et le gain. Vidé de symbolisme religieux, le travail agricole devient à la fois “opaque” et exténuant : il ne révèle aucune signification, ne ménage aucune “ouverture” vers l’universel, vers le monde de l’esprit.
L’existence de rites similaires dans les religions païennes, loin de jeter la suspicion sur les processions des litanies majeures et des Rogations, indique que le christianisme a su assumer sans complexes ce qui, dans le paganisme, répondait aux aspirations profondes de l’homo religiosus.