Une passionnante recension du P. Edouard-Marie Gallez sur un livre important :
Inquiesta sulla storia dei primi secoli della Chiesa / Enquête sur l’histoire des premiers siècles de l’Eglise,
Roma, IBS (Libreria Editrice Vaticana), 2024, 737 pages
dir. Enrico dal Covolo & Maxime K. Yevadian
Ce livre magnifique reprend les diverses contributions en italien, en français et parfois en anglais, qui ont été données lors du colloque qui s’est tenu au Vatican en octobre 2021 sous l’égide de Mgr Bernard Ardura, président du Conseil Pontifical pour la Science Historique ; celui-ci en a donné la préface (p. I-IV).
Un des intérêts majeurs de cet ouvrage est de porter officiellement à la connaissance du monde universitaire un certain nombre de découvertes ou redécouvertes faites ces dernières années relativement aux premiers siècles de l’Eglise.
Comme on peut s’y attendre en pareil cas, à l’exemple de la campagne virulente faite par Voltaire contre la stèle de Si-Ngan-Fu (Chine) découverte en 1528 par les Jésuites, certains jugent par principe impossibles les traces d’un christianisme oriental ancien en Inde ou en Chine ‒ et ici, il est question non du VIIIe mais du Ier et du IIe siècle ! De telles attitudes préconçues concernent également des documents occidentaux, car il en existe de cette époque, comme les vestiges chrétiens trouvés à Herculanum et à Pompéi, donc antérieurs à l’an 79 : il s’agit de graffiti chrétiens ou mentionnant les cristiani, une croix que la chaleur a pour ainsi dire figurée sur un mur au-dessus d’un petit banc qui semble destiné à s’agenouiller, et trois exemplaires du cryptage appelé « carré Sator » (ces questions ont été présentées au colloque par Danilo Mazzoleni avec illustrations, p.375-392).
Sans doute la contestation de tout ce qui relève de la foi chrétienne commence dès les débuts du christianisme, mais depuis au moins le temps de Voltaire, elle a pris la forme de l’idée d’une fabrication tardive du christianisme et en particulier des évangiles ; en vertu de cette idée, ce que Jésus a dit de lui-même selon les évangiles ne peut pas être vrai, ni sa Résurrection être un fait historique (la sublimation de son corps) en même temps qu’elle est transhistorique. Tout document sera alors regardé en vertu de ce type de cercle vicieux par principe, comme le latiniste Paul Mattéi le sous-entend assez clairement dans la seconde conclusion de l’ouvrage : « Est-il vraisemblable que, à une époque où, dans l’Empire romain, le christianisme était encore en un état embryonnaire, et la littérature évangélique canonique encore largement en gestation, soit dans le dernier tiers du Ier siècle, il ait été si présent en Extrême-Orient, à la cour des Han, et dans l’Inde du sud ? ». La réponse est donnée dans les présupposés de la question, qui, eux, méritent justement d’être questionnés : ne reposent-ils pas surtout sur une méconnaissance ou une connaissance sélective des recherches ? Comme l’atteste cet ouvrage, celles-ci en effet ont éminemment progressé depuis trente ans en archéologie, en compréhension de l’oralité araméenne (et donc de la fixation des évangiles), et dans d’autres domaines encore.
Ces précautions de lecture étant posées, parcourons les contributions, hormis celle de Mazzoleni déjà abordée. Elles sont regroupées en six parties.
Partie I : Aux origines de l’histoire de l’Eglise : état de l’historiographie
Dans son introduction magistrale, Maxime Yevadian (p. V-XXII) rappelle que les historiens disposent aujourd’hui d’outils bien plus vastes et performants qu’il y a quelques années encore. Par ailleurs, la connaissance de l’histoire de l’Eurasie leur est nécessaire pour apprécier le rayonnement des apôtres ; ne serait-ce une importante raison pour laquelle ceux-ci sont encore les « grands oubliés de l’histoire », selon la question qu’il pose (p. XII) ?
Les contributions s’ouvrent avec Josep-Ignasi Saranyana (Université de Navarre ‒ p. 1-15) sur l’histoire des spéculations relatives au rapport entre foi et raison (en gros, les problèmes de ce qu’on appelle la « théologie fondamentale », qui est effectivement une spéculation autour du « concept de Dieu » ; face à cela, il (re)met en évidence le « rôle providentiel de l’histoire », en référence à Dei Verbum.
Mgr Antonio Pitta (ⴕ 01-10-2024), président de l’Association biblique italienne et pro-recteur de l’Université Pontificale du Latran, laisse une courte analyse (p. 17-23) sur l’apport de Rudolph von Harnack à l’intérêt pour le proto-christianisme.
- Eurasie : un monde d’échanges entre la Méditerranée et la Chine
Claudia Moatti, professeur émérite de Paris 8, met en lumière l’importance des déplacements dans l’Empire Romain, favorisant une diffusion cosmopolite des idées et des cultures dans un monde en mouvement. Il s’agit d’un facteur essentiel qui permet de comprendre l’expansion si rapide du christianisme en des régions tr ès éloignées de la Judée (p. 27-44).
Pour sa part, Yves Roman, professeur d’histoire ancienne à Lyon II, souligne l’ouverture de l’empire romain vers la Chine par les « routes de la soie », en particulier celle maritime, par l’Inde et le port de Muziris. Sans de tels routes d’échanges, nombreuses et fréquentées, le christianisme n’aurait pas pu s’étendre de Jérusalem vers le monde de l’Orient (p. 44-58).
La contribution considérable de Maxime Yevadian, arménologue mondialement reconnu (p. 59-112 avec cartes et photos), traite de la question des colonies hébraïques en Chine à l’époque Han au long des routes de la soie, dont la plus centrale passe par le Ferghana (Uzbekistan-Kyrgyzstan actuels) ; en passant, il souligne le rôle des Arméniens, maîtres de la route du nord, hivernale. « Les communautés hébraïques jalonnaient l’ensemble de ces routes […] Ainsi, dès les premières années de notre ère, la structuration du réseau était à son apogée et doit être prise en comte si l’on souhaite comprendre la rapidité de la diffusion de la prédication évangélique, au travers du support apporté par les communautés hébraïques ».
Federico De Romanis (Université de Rome II) se focalisa sur « le christianisme de l’Inde méridionale à la lumière de l’évolution du commerce romain dans l’océan indien ». Les textes gréco-latins donnent une idée de la richesse de ce commerce, qui permis à des chrétiens de se rendre en Inde (p.113-131 avec deux illustrations).
III. Origine et développement de l’Église
Pour sa part, Bruno Bioul, archéologue (Université de Bourgogne), se centra sur « la Palestine à l’époque d’Hérode le Grand » (p.135-203). Après un survol historique, il nous donne une vaste description multidisciplinaire, soulignant l’entremêlement des populations juives et non juives, quoique dans des lieux généralement séparés.
Anthony Giambrone, o.p., vice-directeur de l’École Biblique et Archéologique Française de Jérusalem, regarde le contexte social de « l’Eglise primitive ». Soulignant à son tour la prospérité économique à cette époque, il évoque les discussions relatives aux synagogues de cette époque (p. 205-232, avec illustrations).
Francisco José López Sáez (Universités Comillas et San Dámaso), aborde la question des « damiers », anciennement appelés structures en filet c’est-à-dire lorsque les perles de la récitation peuvent être dites en ligne ou en vis-à-vis (par exemple 1-2-3-4-5-6 ou 1-4, 2-5, 3-6). L’évangile de Jean est à lui seul un (vaste) damier, un des 17 colliers formant le corpus évangélique mis en lumière en 2003 par Pierre Perrier dans Les colliers évangéliques. A titre d’exemple, voici la structure probable de Marc (p. 265) :
Il s’agit d’une structure pour ainsi dire en trois dimensions, dont le centre est la Transfiguration. Les structures en damiers sont souvent plus simples (à deux dimensions), d’autres exemples sont donnés. Toujours, elles révèlent que leurs auteurs ne peuvent être ni grecs ni tardifs (p. 233-269 avec illustrations).
- La littérature comme source pour l’histoire de l’Église
Contrairement au P. López Sáez qui montre que les douze premiers chapitres des Actes des Apôtres (1,2b-12,24) ou « Chronique de Jérusalem » forment un damier de 5 triplets de perles (cf. fig. 16 p. 266), Daniel Marguerat (université de Lausanne, théologien protestant) pense que ces Actes empruntent à l’historiographie gréco-romaine « ses procédures littéraires » ‒ ils sont en même temps une « proclamation kérygmatique » quant au fond. Bref, il s’agit d’une œuvre mémorielle « destinée à canoniser le passé » et où la Parole-Logos joue un rôle déterminant (p. 273-287).
« L’épideixis ou la forme narrative de la règle de la foi » est le sujet traité par Elie Ayroulet (Institut Catholique de Lyon). Il s’agit de La démonstration de prédication apostolique, le second livre connu d’Irénée de Lyon, dont la structure a été exposée plus haut (p. 268). La règle de la foi qu’elle donne sous forme de narration est axée sur « l’économie du salut : la Création de la part du Père, l’épopée réalisée par le Fils l’action illuminatrice de l’Esprit prophétique » (p. 289-298).
Dans le Satyricon de Pétrone, datant du tout début du IIe siècle, Stéphane Ratti (Université de Bourgogne) étudie « l’empreinte chrétienne » sous la forme des parodies portant sur la parabole du fils prodigue (43), l’onction à Béthanie (71) et le signe du Tau (62 ‒ le Tav d’Ezéchiel qui peut être écrit comme un +, donc similaire à la croix) (p. 299-314). On peut lire des études préliminaires sur le sujet ici et ici.
- Approches régionales de la mission chrétienne et du développement de l’Église
Rome et l’Italie
Ilaria Ramelli, spécialiste mondialement connue de l’Antiquité romaine, n’a pas pu se rendre au colloque mais a envoyé sa contribution (en anglais) : « La Gens Annae et le christianisme primitif : problèmes et recherche » (p. 319-373). Il y est question notamment de Flavius Clément et de Flavia Domitilla, très probablement chrétiens. Ce long article argumente de manière très fouillée cette conclusion : « Même si on n’accepte pas l’authenticité de la correspondance entre Sénèque et Paul (qui, même pseudépigraphique, pourrait dater d’avant le IVe siècle), il est possible que Sénèque en vint à connaître Paul et très probable qu’il connaissait le mouvement de Jésus. Le christianisme est sans doute entré dans la famille impériale au temps de Domitien et, outre une évidence littéraire intéressante comme le Satyricon de Pétrone et Hercules Oetaneus du Ps. Sénèque, l’évidence épigraphique atteste d’un Annaeus Paulus Petrus qui a dû être un chrétien et, homme libre ou non, appartenait à la gens Annaea, se situant entre la fin du Ier siècle et le IIe ou IIIe de notre ère ».
Le monde parthe et arménien
Après la contribution de Danilo Mazzoleni (cf. supra) vient celle de Cornelia Horn (université de Halle-Wittenberg, Allemagne) : « Etablir quelque évidence relative à l’expansion du christianisme dans l’empire parthe » ‒ l’empire parthe devenant celui des Sassanides en 224, ce qui amena des persécutions contre les chrétiens. Dans ses analyses, l’auteur semble négliger le fait que les chrétiens de cet empire étaient majoritairement d’ascendance juive, partageant avec les juifs la manière de prier les psaumes, etc. Elle offre un aperçu des discussions académiques, notamment à propos de la Chronique d’Arbela publiée en 1907 par Mingana. Relevons le présupposé dangereux selon lequel ce dont on ne trouve qu’une trace écrite tardive est inventé à ce moment-là : « L’assertion que Thomas vint en Inde comme but ultime de ses voyages vint d’auteurs tardifs écrivant en syriaque, par exemple Salomon de Basra et Elie de Damas » (p. 422) : les auteurs grecs ou latins devaient-ils être au courant de tout ? (p. 396-438 avec illustrations).
Dans « Chrétienté en Arménie avant son institutionnalisation comme religion d’État, entre histoire et tradition littéraire », Grigor Grigoryan (Université de Yerevan) se réfère à des sources arméniennes encore trop peu connues. Bien sûr, ces sources sont postérieures à l’an 406 quand le moine Mesrop Mashtos inventa l’alphabet arménien. C’est l’occasion de rappeler que l’histoire se transmet aussi par des traditions orales, selon des procédés assurément différents de ceux de l’écriture. Ces traditions sont relatives à l’Arménie chrétienne avant 300 et en particulier relatives à l’évangélisation par Addaï/Thadée et par Barthélemy qui laissèrent des évêques après eux. Une persécution eut lieu vers la fin du IIe siècle-début IIIe (p. 439-451).
Sherly Avedian, architecte et directrice du département des églises iraniennes (Téhéran), n’ayant pu venir, sa contribution fut lue : « Histoire de la chrétienté en Iran ». Elle rappelle la vacance du siège épiscopal de Séleucie-Krésiphon, la capitale, de 379 à 383, à cause de la persécution de Shapur II, et il y en eu d’autres par après, ce qui décida les évêques à adopter les positions de Nestorius et à prendre leurs distances d’avec l’Occident, sous la pression du roi des rois (p. 453-463).
Le monde indien
La contribution de Pierre Perrier (Académie des Sciences, Paris) sur « l’Hymne de la perle » que l’on trouve seulement au cœur de deux manuscrits des Actes de Thomas révolutionne les études antérieures : il s’agit d’un « madrashâ » à remettre dans le contexte hébréo-babylonien. Une traduction nouvelle est donnée, comparée à celle de La Pléiade, et expliquée. Elle révèle un condensé spirituel de la mission de Thomas à Taxila, mission mal préparée qu’il doit corriger, et son retour à Jérusalem par Maïshan. Ce madrashâ aurait inspiré 1 P, réellement écrite par Pierre depuis Babylone (5,13) en 52, et aussi la frise de Kong Wang Shan dont il sera question ci-après (p. 467-516 avec illustrations).
Thattunkal Zachariah Mani (Kerala) étudie depuis des années le papyrus recto-verso Charition désigné par Oxyrhynchos 413 (trouvé dans cette ancienne ville en Egypte en 1897). Ce papyrus faisait partie d’un mime pour les citoyens et probablement aussi pour un public de voyageurs et de marins, d’où l’enchevêtrement de mots grecs, sanscrits, malayalam (langue du sud-ouest de l’Inde), araméens ou hébreux. Or, au moins 31 de ces mots ou expressions relèvent du vocabulaire typiquement chrétien. Le passage de la comédie fait allusion (de manière moqueuse) à un culte chrétien se tenant dans un port de l’Inde, sans doute Muziris. Le papyrus remonte au tout début du IIe siècle. D’où le titre de la contribution : « La pièce grecque Charition du Ier siècle et les chrétiens de Saint Tomas du Kerala » (p. 517-540 avec illustrations).
Dans « Les Actes de Thomas : la date de composition et les structures du texte », Jiphy Francis Mekkattukulam (Marymatha Major Seminary, Kerala) relève les nombreux manuscrits grecs (21) et syriaques (9) du texte. A la page 555, l’auteur donne un plan de ces Actes en fonction des déplacements de Thomas, à comparer avec les structures en pendentifs indiquées par Pierre Perrier en p. 510. Ce texte n’est connu en Occident que depuis Epiphane de Salamine (Panarion, vers 375) mais il signale qu’il est utilisé par des « encratites » et des « apostoliques » ‒ sans préciser depuis quand ; les érudits le datent parfois de la fin du IIesiècle (p. 541-567).
Le monde chinois
Il revient à François-Régis Moreau (Séminaire Saint Martin, France) d’aborder la question du primo-christianisme en Chine (p. 571-598), à la suite du professeur Wang Wei Fan, décédé depuis peu, sous le titre : « L’ornementation des tombes de Xuzhou ». Les représentations à caractère chrétien que l’on pouvait regarder au Han Stone Curvings Museum de Xuzhou sont toutes « en restauration » actuellement et pour un temps indéfini. Il faut être obtus pour ne pas y voir la patte du PC chinois, et il faudra y revenir. L’auteur analyse également une tombe située près de Yinan (Shandong) et un disque en bronze représentant deux poissons et cinq pains : les illustrations sont données en noir et blanc et on distingue beaucoup moins bien la représentation de ce disque que dans ce PDF (ou ici).
« Un miroir rendant grâce à la Vierge Marie ? » : tel est le titre de la contribution de David Linxin He (Max Planck Institut, Munich) relative à un disque-miroir en bronze de 13,4 cm (collection privée). Il doit remonter à une « période assez brève qui va de la fin des Han postérieurs au début des Trois Royaumes ». On y lit clairement une inscription circulaire en blocs de rois idéogrammes dont la lecture immédiate est : fabriquer un miroir divin, vénérer le Dieu unique, la vertueuse mère regarde le Fils de l’homme, il y a un jade/roi resplendissant, le but est important [et] il faut [l’]élever (ce dernier bloc contient en petit un caractère ajouté précisant « il faut »). Une lecture plus subtile (voir ici) ne fait que renforcer le caractère indubitablement chrétien de cette inscription du IIe siècle : l’expression « Fils de l’Homme » que Jésus s’attribue à lui-même et qu’il reprend au prophète Daniel n’a aucun d’équivalent ailleurs, et, bien sûr, la mention d’un Dieu unique en plein milieu polythéiste est typiquement judéo-chrétienne (p. 599-611 avec illustrations).
Réflexions sur une partie de la tradition de l’Église : la vénération des reliques
Parmi les nombreux témoignages que la France peut apporter (ou voir ici), Jean-Michel Sanchez, docteur en histoire de l’art, traita des « Reliques, reliquaires et culte de sainte Marthe à Tarascon ». Après avoir passé en revue des détracteurs du XIXe siècle, l’auteur indique la convergence des indices prouvant la présence du corps sans corruption de Ste Marthe à Tarascon, dont beaucoup des morceaux furent répartis comme reliques dans diverses églises. Le buste reliquaire de la sainte fut détruit en 1794 mais un nouveau fut fabriqué en 1805, contenant d’autres restes prélevés du sarcophage de la crypte (p. 615-644 avec illustrations).
L’ouvrage se termine sur la sœur de sainte Marthe : « Enquête historique et anthropologique sur les principales reliques attribuées à sainte Marie-Madeleine en France », par Stéphane Morin (archiviste du Diocèse de Fréjus-Toulon) et Philippe Charlier (médecin légiste). Comme pour sa sœur, des prélèvements nombreux ont eu lieu sur le corps conservé à Saint-Maximin en vue de fournir les reliques demandées un peu partout (y compris à l’église de la Madeleine à Paris, via l’Italie). Ph. Charlier a reconstitué le visage probable de Marie-Madeleine d’après son crâne, selon les techniques actuelles (p. 645-677 avec illustrations).
Conclusions : bilan d’une recherche en cours (p. 681-690)
D’abord, Angelo Di Bernardino (Institut Patristique Augustinienne, Rome) résume neuf des contributions, celles qu’il présidait le mercredi du colloque (p. 681-685). Puis vient une conclusion générale, celle de Paul Mattéi (spécialiste de littérature latine, Lyon), qui joue (?) à l’hyper-criticisme agnostique. Nous avons relevé en introduction le cercle vicieux de sa position ; elle pose question quand il écrit ‒ comme s’il n’avait pas eu l’occasion d’interroger les contributeurs du colloque sur ses objections ‒: « L’investigation qui nous a été proposée sur « la frise de Kong Wang Shan » (Shueh)Ying Liao) ne saurait conclure trop vite au caractère chrétien du monument sans qu’aient été envisagées d’une manière autant que possible exhaustive les interprétations que pourraient inspirer les traditions religieuses et philosophiques autochtones ‒ je veux dire proprement chinoises ». Justement, aucune autre interprétation que chrétienne n’a réussi à rendre compte de la signification de cette frise aux 107 personnages, sinon de celle d’une petite gravure grossière ajoutée plus tard dans le coin droit et qui est bouddhiste : plusieurs contributeurs le savaient très bien.
Il redit cette « objection identique touchant le « miroir de Xuzhou » (David Linxin He). Il en va de même, mutatis mutandis […] des questions qui se posent à propos du papyrus Oxyrhynque 413 (Thattuntal Mani). Dit autrement, ce qui a souvent été développé dans ce colloque relève avant tout de l’hypothèse ». N’est-ce pas là justement une hypothèse, et sophistique de surcroît ? Car on peut toujours imaginer qu’une interprétation viendrait contredire ce qui a été établi à divers degrés selon des critères rigoureux ‒ les scientifiques savent que ce qui est démontré peut se voir relativisé dans une compréhension plus vaste, mais précisément pas renié, à la manière dont Michel Onfray nie l’existence même de Jésus. La science n’est pas idéologique, le scientisme l’est.
Cependant, cette curieuse conclusion offre un intérêt : elle signale une contribution qui a été donnée mais ne se retrouve pas dans les Actes : celle de Shueh-Ying Liao (linguiste originaire de Taïwan, Université de Bordeaux). Le dogme communiste actuel concernant cette fameuse frise est, sans explications, qu’elle serait bouddhiste ou pré-taoïste (ce qui ne veut rien dire) ; il n’est pas bon en Chine de se poser des questions. Est-ce pour cette raison que l’auteur a demandé que sa contribution soit retirée ? En effet, le PC chinois actuel interdit de dire que le christianisme remonte au temps des apôtres, jusqu’à soustraire des objets de musée au regard du public, comme on l’a signalé plus haut ‒ Mattéi ignorerait-il cette situation ? Heureusement, une ébauche est consultable sur le web, et si celle-ci est effacée de hal.science, on pourra la retrouver ici ou ici. Cette frise remonte à l’an 69 selon les archives impériales chinoises : on comprend donc la fébrilité du PC chinois et des Voltaire d’aujourd’hui. Pour en savoir plus.
Les apôtres auraient-ils donné leur vie pour une invention ? Certes non, sauf si l’on postule que leur existence est hypothétique puisqu’on n’a pas étudié toutes les possibilités du contraire. « Heureux celui pour qui je ne serai pas une occasion de chute », a prédit Jésus (Lc 7,23).
zongadar
Pour ceux qui veulent mémoriser les évangiles comme les disciples (” …et Il (Jésus) leur expliquait tout, paroles et gestes”) : https://www.levangileaucoeur.com/