Extrait des voeux de Mgr Centène à son diocèse hier matin :
"[…] Au moment de formuler ces voeux j’éprouve avec vous quelques scrupules à souhaiter selon l’usage « bonne année », alors que notre pays se réveille à peine de trois jours de cauchemard. La journée du 7 janvier et celles qui ont suivi, ont vu se produire l’horreur absolue dans le domaine de l’atteinte à la personne humaine et à ses droits fondamentaux, le droit de vivre, le droit d’avoir et d’exprimer des opinions différentes. Notre incompréhension est totale devant le désir fou de tuer des frères humains. Nous nous inclinons devant les victimes journalistes, policiers, innocents pris en otages et voulons assurer leurs familles de notre compassion devant ces tragiques événements qu’aucune cause ne saurait justifier qu’elle soit religieuse, politique ou idéologique. L’horreur indescriptible appelle la condamnation et la protestation de tous et particulièrement des croyants qui se sentent blessés par tant d’inhumanité perpétrée au nom de la religion.
C’est aujourd’hui le temps du deuil, de la compassion, de l’émotion, du rassemblement, mais il ne faut pas se rendormir après un cauchemard, il faut, pour le chasser, en identifier les causes profondes. Et ceci doit nous conduire à bien des réflexions.
Une société peut-elle détricoter toutes les valeurs, tous les repères, toutes les digues qui l’ont constituée et puis s’étonner que des gens privés de valeurs, de repères et de digues s’en prennent à elle ?
Une société qui ne fait pas de la vie, de son apparition à son terme naturel, son bien essentiel et son principal objectif, peut-elle s’étonner que la vie devienne une valeur relative ? La dimension sacrée de la vie, le sacré immanent, peut-il survivre, dans une société, à la disparition du sacré transcendant ?
Les valeurs que nous croyons universelles et qui de fait, nous le croyons, sont appelées à le devenir, sont-elles innées ou sont-elles le fruit d’une longue éducation, du long compagnonage de l’Evangile et de l’humanité, d’une imprégnation tellement lente et tellement profonde qu’elle n’apparait plus à nos yeux ? Le temps n’est-il pas venu d’en identifier et d’en désembourber la source si nous voulons qu’elle continue à irriguer notre vie et à en féconder le développement ?
Notre conception de la dignité humaine ne vient-elle pas de la certitude longtemps partagée que Dieu s’est fait homme ?
J’ai l’intime conviction que ce sont ces défis qu’il nous faut relever avec lucidité, et dans une société qui revendique plus que jamais et avec le sérieux que donne le tragique, le droit de pouvoir tout exprimer et tout dire, je crois que nous pouvons exprimer ces questionnements.
[…] Bonne année à tous ceux qui se dépensent pour l’amélioration du sort de leurs semblables. Bonne année à tous ceux qui font retentir le cri de ceux qui ne parlent pas encore et de ceux dont la voix s’éteint."