Extrait de l'homélie prononcée par Dom Patau, père abbé de l'abbaye bénédictine de Fontgombault, en la fête de l'Ascension :
"Le pire pour l’apôtre est peut-être d’être confronté à l’indifférence.
Ce fut le cas pour Paul lors de sa rencontre à l’Aréopage
d’Athènes. À mesure qu’il parle, s’installe entre lui et la docte
assemblée, composée de ceux qu’il appelle « les plus religieux des
hommes » (Ac 17,
22), comme un malaise. Le Dieu créateur, en qui nous avons
la vie, le mouvement et l’être, son jugement futur sur le monde, la
résurrection des corps, n’attirent que peu d’intérêt : «
les uns se moquaient, les autres disaient : “Nous t'entendrons
là-dessus une autre fois.”» (Ac 17, 32)De telles considérations,
qui nous semblent que bavardages, n’intéressent pas des hommes qui se
croient sages. Le vrai Dieu ne les intéresse pas. Suivre
les faux dieux, les dieux faits de mains d’homme, ne prête pas à
conséquence. Suivre les faux dieux, suivre ses passions, donne
l’illusion de la liberté. Écouter saint Paul, c’est au
contraire accueillir dans sa vie un être dont la présence remet en
question le sens de la vie et l’exercice de la liberté. Mais que vaut
une liberté qui s’érige en absolu contre la liberté
et la volonté de Dieu ? Que vaut une liberté qui librement
s’aveugle ?Relire les premiers chapitres du livre de la Genèse est éclairant.
La liberté qui fait
l’économie de Dieu est celle de la créature avant que Dieu ne parle.
Cette liberté a un nom à l’allitération évocatrice :
tohu-bohu, chaos. Ce qui met fin à l’état de confusion antérieur
à l'organisation du monde, c'est la parole de Dieu : « Dieu dit : “Que
la lumière soit”, et la lumière fut. »
(Gn 1, 3) La lumière
pourrait-elle dire alors : « Je suis ténèbres » ? Non, la lumière ne
le peut pas, parce que Dieu a dit : « Que la lumière
soit. » La lumière est donc lumière. L'enfant capricieux qui ferme
les yeux alors que le soleil est au zénith peut dire : « Il fait nuit,
la lumière pour moi c’est comme les ténèbres. »
L'enfant le dit, mais il se trompe.Un peu plus loin, toujours au premier
chapitre de la Genèse, Dieu dit : « Faisons l'homme à notre image…
Dieu créa l'homme à son image, à l'image de Dieu il
le créa ; mâle et femelle il les créa. » (Gn 1, 26-28) La conclusion du second récit de la création est encore plus explicite : « C'est pourquoi l'homme
quitte son père et sa mère et s'attache à sa femme, et ils deviennent une seule chair. » (Gn 2, 24). La parole de Dieu est au fondement de
l’union. Certes un homme peut dire : « Un couple selon moi,
ce peut être l'union de deux hommes ou de deux femmes. » Il le dit,
mais il se trompe. La parole de Dieu demeure la
seule référence garante de ce qu’est un couple, garante aussi de
la légitimité de sa reconnaissance officielle dans le mariage.L’enfant capricieux, s’il se
met à marcher les yeux fermés, ne tardera pas à tomber. Avant d’avoir
atteint le sol, déjà il aura ouvert ses yeux.
Ébloui l’espace d’un instant, il comprendra vite que la lumière
n’est pas ténèbres mais au contraire un précieux secours de Dieu. La
volonté de se libérer du plan de Dieu l’a conduit dans
les ténèbres, dans le chaos. La redécouverte de la lumière lui a
rendu sa vraie liberté.Alors que l’économie
mondiale s’effondre et que les chefs d’État s’emploient à résoudre la
crise, il est consternant de voir comment ces mêmes chefs
d’État s’appliquent avec zèle à accentuer la décadence morale de
la société et de l’humanité, tant par l’exemple de leur propre vie
qu’en promulguant des lois qui se fondent, non pas sur
la nature de ceux qu’elles concernent, mais sur une volonté
idéaliste et irréaliste d’égalité. L’homme n’a pas à créer le
monde : Dieu a dit : « fructifiez et multipliez-vous, remplissez
la terre et soumettez-la. » (Gn 1, 28)
Combien de temps faudra-t-il
aux hommes pour comprendre qu’une société qui ne protège pas la vie
humaine, la cellule familiale et en particulier
l’enfant, promeut la haine, s’expose à toutes les dérives et court
à sa perte ? La vie et la famille sont des dons nés de la parole
divine. Elles ne se vendent pas, ne s’achètent pas, ne se
bradent pas. Elles se respectent.L’homme semble avoir un
besoin irrépressible de détruire : défigurer la beauté de la
planète, gaspiller et détruire ses ressources énergétiques, la
nourriture qu’elle produit, enfin se détruire lui-même en refusant
ce qu’il est.À l’image des apôtres, les
chrétiens ont le devoir de répandre à travers le monde la semence de
la parole : parole primordiale du premier instant de la
création, parole incarnée du Dieu qui se fait parole dans le
Christ. Cette parole est l’unique voie qui conduit du néant à l’être, du chaos à la vie, des ténèbres à la
lumière.Dans la vie publique, les
chrétiens ont le devoir, par leurs votes et plus généralement par
leurs actions, de soutenir les candidats et les élus qui ne
se rendent pas complices de crimes contre l’humanité mais
promeuvent une authentique législation de la vie. Refusant d’appliquer
les lois mortifères issues de la dictature du relativisme,
usant du droit inaliénable et légitime à l’objection de
conscience, ils présentent au monde une authentique liberté fondée
dans la vérité.Saint Paul en cette année de
la foi nous encourage : « J'ai cru, c'est pourquoi j'ai parlé, nous
aussi, nous croyons, et c'est pourquoi nous parlons.
» (2 Cor 4, 13 ; cf. Ps 115, 10). […]"