D’un de nos lecteurs, Thomas Jane :
Valérie Pécresse a tenu avec beaucoup d’à-propos à proposer une ‘définition’ de la laïcité, sur Cnews ce lundi 18 novembre.
Elle a redit en somme que la laïcité signifierait qu’il ne peut y avoir aucune loi religieuse supérieure à la loi de la République…
… et elle a ensuite précisé en disant que l’Islam n’a qu’à s’inscrire comme toutes les autres religions dans le cadre de la Loi de la République.
Or de fait, ces deux formulations ne sont pas équivalentes… et l’absence de définition précise reste dramatiquement contre-productive.
Redonnons le meilleur de nos parricides fondateurs…
Constitution du 24 juin 1793
Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1793
Article 7. – Le droit de manifester sa pensée et ses opinions, soit par la voie de la presse, soit de toute autre manière, le droit de s’assembler paisiblement, le libre exercice des cultes, ne peuvent être interdits. – La nécessité d’énoncer ces droits suppose ou la présence ou le souvenir récent du despotisme.
Article 8. – La sûreté consiste dans la protection accordée par la société à chacun de ses membres pour la conservation de sa personne, de ses droits et de ses propriétés.
Article 9. – La loi doit protéger la liberté publique et individuelle contre l’oppression de ceux qui gouvernent.
Laïcité : il faut certes la définir, mais il la faut bien définir !
En 2019, la loi française ne reconnaît de limites à l’expression des convictions religieuses que pour sauvegarder l’ordre public. Et cet ordre public est une notion jurisprudentielle, qui renvoie à la prudence des juges, et donc au sanctuaire de leur conscience où Dieu leur parle.
Nous n’écoutons pas toujours Dieu, et il en va probablement de même pour les juges.
Mais force est de reconnaître que l’actuelle Constitution dont jouit la France a un rapport plutôt sain à la religion. La limite à l’expression de la vertu de religion y est en effet jurisprudence, appréciation de vertu, confiée au jugement d’une instance ouverte à Dieu, la conscience des juges.
Il ne s’agit donc pas d’un système clos, où la Loi de la République (idole à laquelle la majuscule sera bientôt imposée) repliée et reclose sur elle-même prétendrait enclore tout le réel, en particulier ce Réel intégral qu’est la Religion, le Culte, l’Hommage rendus à Dieu.
En un mot : notre Constitution est encore jusqu’à ce jour très éloignée sur ce point du système totalisant et même totalitaire où un mouvement puissant voudrait enfermer la France.
Nous pouvons être inquiets : notre démocratie s’effondre.
En effet, pour en revenir aux deux caractérisations proposées votre équivalentes par Valérie Pécresse :
– autant les religions peuvent et leur doivent s’inscrire dans le cadre de la loi civile (exemples ‘anodins’, mais de Commandements explicitement divins : respecter l’Empereur même persécuteur, reconnaître en lui dans la paix qu’il préserve le lieutenant de Dieu investi par Lui, payer ses impôts, et respecter le droit du travail), autant la loi civile doit s’inscrire dans le cadre du droit naturel qui de soi est ouvert sur le Divin;
– autant il est inadmissible d’imaginer qu’il n’y aurait rien de supérieur à une Loi de la République qui change de jour en jour, ni rien de supérieur à une Loi religieuse dont la saine et droite raison voit les limites sur ce domaine contingent qui est celui du Temps, de l’Histoire, de la Politique (c’est le fameux ‘Prêtre, occupez-vous de vos prières’, attribué à Saint Louis en réponse à des conseils impératifs sur une décision politique).
Oui, Loi civile et Religion concernent tous les hommes et tout l’Homme, mais selon des angles tirés de plans différents, qui s’interpénètrent dans toute leur extension.
Benoît XVI et le pape François ont largement prolongé Jean-Paul II :
– non seulement la Foi et la Raison ne sauraient en Vérité se contredire, mais se complètent, s’éclairent et se soutiennent mutuellement,
– mais il en va de même pour l’État et l’Église : ils ne sauraient en Vérité s’opposer, ils se complètent, se servent et se soutiennent mutuellement.
Vers une voie juste entre laïcisme et cléricalisme ?
On ne peut bien servir l’épanouissement temporel de l’humanité qu’en administrant le temporel dans une perspective spirituelle.
On ne peut servir véritablement l’Homme, homme et femme, qu’en les voyant dans la Lumière du Regard divin.
Mais on ne peut servir Dieu et l’Homme, homme et femme, qu’en voyant leur Vocation à la Sainte Liberté des Enfants de Dieu, et en libérant leur liberté (Titre d’un volume de Benoît XVI avec une excellente préface du pape François) en leur donnant tous les moyens d’entendre Dieu leur parler au cœur, leur confier une mission propre, et en leur donnant les moyens d’agir – notamment temporels et très matériels et des plus concrets.
Clérical, sans rien de sacerdotal, voilà comment le pape François voit le cléricalisme.
Et la laïcité qu’il aime est celle de l’Arménie… apostolique et non catholique, certes ! mais bien plus ‘calotine’ et unie dans la Foi que la France ne l’a jamais été !