Lu sur Sandro Magister :
"[Q]ue, tôt ou tard, une cour s’arroge le droit de définir selon ses critères propres ce qu’est l’Église et quelles relations la hiérarchie a avec ses "employés" n’est plus une hypothèse à exclure absolument. Les perquisitions ordonnées par la magistrature belge – qualifiées de "brutales" par le ministre belge de la justice, Stefaan De Clerck, lui-même – ne sont pas rassurantes du tout. Dans ce cas, l’Église a été considérée comme un clan mafieux.
En Belgique et aux États-Unis, mais aussi un peu partout, se manifeste une tendance croissante à juger la nature et l'organisation de l’Église en ne tenant pas compte de ce qu’elle est et de son organisation originale et particulière, qui est également entrée dans la meilleure culture juridique et a été reconnue par des accords de valeur internationale. Le souhait exprimé plusieurs fois par les autorités de l’Église, que la justice civile et la justice canonique opèrent chacune dans son domaine pour lutter contre les abus sexuels commis par le clergé, ne se traduit donc pas toujours par une coopération pacifique et fructueuse.
L’Église, depuis quelque temps et surtout grâce à l’impulsion de Joseph Ratzinger cardinal et pape, fait beaucoup pour corriger ses fautes et omissions. Mais la justice civile doit elle aussi faire mieux. Ses essais en ce domaine ont souvent été décevants au cours des dernières décennies. Mais si aujourd’hui elle abusait de son pouvoir en s’attribuant des compétences et des rôles qui ne lui reviennent pas et en agissant en conséquence, elle ferait pire encore."
"[L]’actuelle attaque juridique contre l’Église de Rome a un présupposé sociologique, selon lequel l’Église serait une entité qui ne serait qu’empiriquement significative (fidèles, influence politique, poids économique : autant de dimensions considérées comme vulnérables) mais sa nature ne serait pas différente de celle d’une quelconque association volontaire. […] Dans les organisations mondiales comme dans les institutions de la société, en anthropologie et en bioéthique comme dans le choix de celui qui gouverne, une nouvelle vague de juristes "révolutionnaires" agit aujourd’hui, les uns consciemment et les autres non, et on ne sait pas ce qui est le pire. Beaucoup d’analystes ne se rendent pas compte que, parmi les effets pervers de la modernité tardive, c’est l’un des plus pernicieux."
RL
L’organisation et la structure de l’Eglise sont bimillénaires, directement héritées de l’Empire romain sont elle est le prolongement institutionnel. Elle a résisté aux persécutions romaines, aux invasions barbares, aux schismes, ce ne sont pas ces régimes de parvenus qui vont l’ébranler ! Quand les gens comprendront-ils que le martyr (au sens large de témoignage) est semence de chrétiens ? D’ici là, combien d’âmes auront-elles été perdues ?
Pellabeuf
Lorsque la “justice” française a enlevé le disque dur de l’ordinateur de l’official de l’archevêché de Lyon, j’avais trouvé bien faibles les remarques des autorités concernées. Pourtant le motif des agents de la “justice” étaient liés à des accusations contre un religieux qui a été reconnu innocent ensuite !
Tout se passe comme si un grand nombre d’ecclésiastiques de haut rang étaient gagnés à cette vision sociologique des rapports de l’Eglise et de l’Etat, ou comme s’ils avaient renoncé à faire valoir le point de vue de l’Eglise, ce qui revient au même.
Père Bernard Pellabeuf
PEB
En fait, la France a une responsabilité historique dans ce qui arrive.
Il y a d’abord Philippe le Bel, pape et empereur en son Royaume, puis le concordat de Bologne de 1516. Cette situation nous mena tout droit vers la crise gallicane où, appuyés par des prélats tels que Bossuet, les parlements refusèrent d’enregistrer le Concile de Trente en ses aspects “pastoraux”, c’est-à-dire canonique. En effet, le Roi a toujours prétendu ne dépendre que de Dieu sans égard pour le dépositaire de la Providence à savoir le Souverain Pontife. Cet absolutisme a mené à la fameuse constitution civile où l’autorité politique redéfinissait la dogmatique ecclésiale.
La situation actuelle est un retour de balancier. Les juristes “modernes” font ici preuve d’un ultra-montaniste négatif absolutiste. La seule parade possible serait d’être plus tridentin que Trente! Aussi le pouvoir pontifical devrait-il s’exercer jusqu’au placard à balai de la sacristie de Sainte-Preuve (Aisne). Manifestement le millier de collaborateur direct du Saint-Siège ne suffirait pas à la tâche.
Le message a faire passer à ses nouveaux juges est celle du droit administratif:
– La faute pénale est toujours personnelle.
– L’Église ne dispose pas de la personnalité juridique car c’est une Société parfaite mais ses organes.
– Le droit canonique est un droit administratif propre.
– A ce titre, sauf sur ses sujets directs romains, le Saint-Siège n’a de pouvoir judiciaire qu’en appel mais pratiquement jamais en premiers instance et ressort sauf contre les hérésiarques.
– Ainsi, seul la responsabilité de l’ordinaire peut être éventuellement engagée.
– Cependant, selon les canons du concile de Trente, le Siège Apostolique est le seul juge des ordinaires.
– Toutefois, le secret professionnel de l’ordinaire doit être reconnu. Sans elle, la confiance ne saurait s’établir. La collaboration éventuelle de l’ordinaire à la répression des crimes de droit commun repose sur le maintien de cette confiance.
– Le clerc condamné selon les formes canoniques peut, pour des matières relevant du simple ordre public, être remis au bras séculier.
– Dans ce cas, deux devoirs s’imposent à l’ordinaire: transmettre toute pièce utile à la procédure laïque à l’autorité judiciaire (copie envoyée au conseil de l’inculpé et à celui de la partie civile) et pourvoir à la défense juridictionnelle de son (ex-)clerc (frais et dépens d’avocat, d’expertises &c.).
– Le clerc même réduit et dégradé reste toujours sous la paternelle protection de son ordinaire en ce qui concernait son ministère.
oliroy
Cher père Pellabeuf, vous avez malheureusement raison. Dans le monde moderne, la seule institution serieuse à ne pas beneficier de la presomption d’innocence et, à posteriori, d’un droit de réponse efficace, est l’Eglise catholique. Ceci semble décourager beaucoup de nos pasteurs. Que Dieu leur vienne en aide.
Dieu dérange. Pour ses adversaires, Cela devrait être la preuve de la toute puissance de Dieu et de la Vérité de sa parole, sinon pourquoi attaquer l’insignifiant.
Christ a vaincu par l’Amour mais son ennemi depuis la création du monde bouge malheureusement toujours. Un autre mystère de la misséricorde infinie de Dieu pour toutes ses créatures, y compris les plus perverties.
PEB
Le droit canonique est un droit administratif. Il a même servi de modèle à l’administration française!
Reconnaissons le premier principe: l’Église est une Société parfaite. A ce titre, elle n’a pas de personnalité juridique propre mais ses organes.
On peut distinguer les laïcs et les clercs. Ces derniers sont placés sous la juridiction directe de l’ordinaire et l’ordinaire, selon Trente, sous celle du siège Apostolique.
Le secret de la procédure canonique permet un examen sérieux et serein tendant à la vérité, préserve la présomption d’innocence et protège les victimes éventuelles du scandale. La sentence de culpabilité doit être cependant publique. Pour le bien des âmes, il n’est cependant pas nécessaire d’en lire publiquement tous les motifs. Elle est éventuellement suivie de la remise du coupable au bras séculier lorsque la gravité du délit relève du droit commun. Dans ce cas, si l’ordinaire doit collaborer à l’enquête, il n’en doit pas moins la protection juridictionnelle à son (ex-)clerc et pourvoir à sa défense.
Ceci posé, l’ordinaire est responsable en premier ressort de ses clercs. Le siège Apostolique n’agit qu’en appel sauf contre l’hérésie ou le schisme.
De fait, il est évident que le Saint-Siège n’a ni le pouvoir ni les moyens de s’intéresser au placard à balai de la sacristie de Sainte-Preuve (Aisne).
Toutefois, constatant l’inefficacité voire l’impéritie et l’incompétence pratique des ordinaires sur le respect du VIème Commandement dû notamment aux mineurs, le Saint-Siège s’en est saisi en premier dernier ressort. Le Saint-Siège supplée ainsi à l’ordinaire.
La théorie de la responsabilité romaine ne tient pas une seconde sous cette perspective. Comme dit plus haut, l’Église est une Société et non une ONG encore moins une entreprise. Penser le contraire serait être plus tridentin que Trente, plus Romain que Rome et plus ultramontain, plus papiste que le Pape!
La perquisition du juge laïc était manifestement précipité. Les documents, couverts par le secret professionnel, auraient été éventuellement été remis en temps opportun. Ces documents sont sans doute des dépositions similaires à celles reçues par un juge d’instruction. Leur probité doit cependant beaucoup au fait que les personnes qui ont parlé étaient persuadées de la discrétion extrême de leur interlocuteurs.
La profanation des tombes cardinalices furent inutiles sinon iniques, en tous cas une offense à la Sainte Église Romaine.