Benoît XVI fait bouger les lignes, la guerre des années 1970 dans l’Eglise se termine : l’actualité de l’Eglise est centrée sur sa nécessaire unité. Le Grand Portail de St Thomas d’Aquin rejoint cette analyse et nous propose une intéressante réflexion à partir du Docteur Angélique. Extraits :
" Au Golgotha, le Christ déployé sur la croix, avec Jean et Marie effondrés à ses pieds, semble vouloir embrasser l’humanité entière pour l’emporter, dans une infinie souffrance, vers le Ciel. La croix parle d’elle-même : elle est la brutale rencontre de la verticalité et de l’horizontalité de l’humanité. Mais il semble qu’aujourd’hui, en Occident du moins, ses deux montants soient devenus de même polarité : ils se repoussent mutuellement et refusent de s’associer. Des chrétiens (nous les dirons verticaux) attachés au sens de la transcendance, soucieux de fidélité au Magistère, assidus à la pratique des sacrements et à l’éthique de leur agir, s’opposent plus ou moins violemment à d’autres (nous les dirons horizontaux), attachés à l’universalité de l’évangélisation, fervents défenseurs de l’amour fraternel, de la solidarité avec les plus pauvres, de la liberté et de la créativité de chacun au service des autres. […]
Chacun éprouve plus de répulsion pour l’autre encore que pour l’athée militant qui se réjouit de cette division et sait l’entretenir. […] Mais ce conflit n’est-il pas de toujours ? Dès l’origine de l’Eglise, saint Jacques ne s’en faisait-il pas déjà l’écho ?
"A quoi cela sert-il, mes frères, que quelqu’un dise : "J’ai la foi", s’il n’a pas les œuvres ? La foi peut-elle le sauver ? […] Ainsi en est-il de la foi : si elle n’a pas les œuvres, elle est tout à fait morte." (II, 14-18)
Cependant, à en lire le commentaire de Thomas d’Aquin, qu’on ne se précipite pas à penser que Jacques donne raison aux seconds contre les premiers :
"Les œuvres sont dites "mortes" en raison de ce qui leur manque : parce qu’elles n’ont pas cette vie spirituelle qui vient de la charité par laquelle l’âme est unie à Dieu, recevant de Dieu la vie comme le corps la reçoit de l’âme. C’est de cette façon que la foi, sans la charité, est dite "morte" […]. C’est aussi de cette façon qu’on appelle mortes toutes les œuvres bonnes par leur genre, qui sont faites sans la charité" (Somme théologique, Ia IIae, q89, a6, c).
Saint Thomas, au nom de l’apôtre, renvoie dos à dos la foi morte sans les œuvres, et les œuvres mortes sans l’union à Dieu. En resterons-nous là, en nous instituant, de facto, tiers observateur impartial et irresponsable, de l’opposition irréductible entre deux courants également légitimes ? […] C’est encore l’Evangile qui nous donne la réponse :
«Malheur à vous, scribes et Pharisiens hypocrites, qui acquittez la dîme de la menthe, du fenouil et du cumin, après avoir négligé les points les plus graves de la Loi, la justice, la miséricorde et la bonne foi ; c’est ceci qu’il fallait pratiquer, sans négliger cela» (Mat. 23, 23).
C’est au pharisien, qu’il incombait d’assumer la fraternité sans négliger la pratique de la loi. Ce n’est pas au bon samaritain, à qui la solidarité fraternelle a suffi pour son salut, malgré sa foi erronée. C’est au montant vertical qu’il est demandé de porter l’horizontal."
mangouste
Il est clair que le Saint Père “fait bouger les lignes”. Il est possible aussi que, face aux agressions de plus en plus violentes dont les catholiques sont l’objet, nous soyons lassés de nous entre-déchirés et assoifés de chercher entre nous ce qui unit plutôt que ce qui divise. Cette “cassure” du “front” s’explique aussi selon moi par un changement de générations. Nos ainés qui ont défendu la tradition, tant dans son enseignement que dans sa forme liturgique, ont été violement rejetés, comme des parias, par une église “en mouvement” dont les orientations et les interprétations du dernier concile était, clairement, en rupture avec la doctrine. Pour ces “tradis de la première heure”, il s’agissait de maintenir, contre vents et marées. Ils étaient le “dernier rempart” face au modernisme répandu dans l’Eglise comme dans la société.
La nouvelle génération, dont je fais partie, est moins “rigide” que ses ainés. Nous avons eu à nous battre, mais nous avons aussi été élevés bien souvent dans une église “moderne”, au milieu d’amis et de prètres de la “génération Jean Paul II” qui nous ont édifiés par leur Foi et dont nous nous sentions vraiment les frères. Le Pélerinage de Chrétienté voit ainsi des milliers de jeunes “pas tradis” venir adopter les coutumes des “tradis”, avec joie et simplement. Les “frontières” entre les uns et les autres sont poreuses, mouvantes. Nous n’avons pas plus de mérites que nos ainés, mais nous n’avons pas connu leurs souffrances, même si ça n’a pas toujours été simple pour nous non plus (et ça ne l’est toujours pas quand on veut se marier selon le rite traditionel ou faire baptiser un enfant, ou tout simplement aller à la messe dominicale quand on est isolé).
Benoît XVI est un bon “trait d’union” pour nous. En effet, comme il l’a écrit dans “l’esprit de la liturgie”, il ne souhaite pas instaurer une “révolution”, un “retour en arrière” (pour utiliser une terminologie progressiste). Il veut cependant que le concile Vatican II soit relu “à la lumière de la Tradition”. Il a clairement condamné l’interprétation coupablement moderniste du concile dans les quelques décénnies qui ont suivies. Le problème est que le clergé actuel, même chez les jeunes prêtres, n’est formé qu’a partir des textes de ce dernier concile, comme s’il déterminait seul la Doctrine. Il faut adhérer au Concile Vatican II sans réserves. Se pose-t-on la question suivante : les évèques et autres journalistes catholiques qui l’exigent adhèrent-ils sans réserves aux conciles précédents ? J’en doute.
Ainsi, notre Pape va faire bouger les choses doucement, avec pédagogie. Cela va prendre du temps, mais nous devons quitter nos courtes vues humaines pour faire confiance à l’Esprit qui souffle dans l’Eglise (et pas seulement depuis Vatican II mais depuis la Pentecôte).
Quand à l’article cité ici, il est parfait car il rappelle utilement les bases de la Foi : pas de Charité sans amour de Dieu d’abord, pas d’amour de Dieu sans charité pour ses frères. Pour autant, il me semble un peu “manichéen” dans la mesure où il caricature un peu rapidement les positions des uns et des autres les rejetant dos à dos. Ce qui ne me semble pas très juste parceque pas très vrai…
claire
je voudrais mettre l’accent sur une erreur au début de cet article : à la croix la Vierge et Jean ne sont pas “effondré” mais debout.Et toute la tradition primitive le souligne, “stabat mater”, debout dans la foi, contre toute foi, debout dans l’espérance contre toute espérance. Ils sont debout devant la Croix dressée, comme nous sommes debout et pas éffondrés sous le péché. Cette verticalité là doit être soulignée.